Partie 1

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-Tu m'aimes ?

Les yeux brillants, le cœur plein d'espoir, la voix légèrement tremblante, elle s'était jetée à l'eau. Elle avait dû se dire que c'était aujourd'hui où jamais. Elle avait dû s'y préparer.

Et moi, j'étais juste au mauvais endroit, au mauvais moment. Pourquoi avait-il fallu que je tourne par là, dans ce couloir du lycée ?

-Non.

Un non sans appel. Froid et tranchant. Sans nuance et sans excuse. Sans compréhension. Il n'avait que faire de ce qu'elle ressentait. Et bien que cela me révoltait, je restais muette. Immobile. Espérant qu'ils ne me verraient pas. Le courage n'avait jamais été une de mes qualités, aider les autres non plus.

Les larmes commençaient à paraître sur ses joues. Les mots avaient dû mal à sortir de sa bouche. Et il était toujours aussi impassible. Sans émotion. Il était le parfait connard.

-Pour... Pourquoi? Je... J'ai cru que...

-Tu as mal cru, la coupa-t-il.

Il se tourna ensuite pour poursuivre son chemin lorsque son regard se posa sur moi. Grillée. Fichée. Foutue. Pourquoi mes jambes n'avaient-elles pas pris la fuite, comme toute personne censée l'aurait fait ? Me voilà dans le pétrin.

-Je... euh... Je dois me rendre dans ma salle.

Raison vraie, mais je doutais qu'il me croit. C'est toujours ça que l'on dit, il était normal qu'il en doute.

Mes jambes ne bougeaient toujours pas. Pourquoi m'impressionnait-il autant ? Il dégageait quelque chose... Il... Je ne savais pas, mais cela m'empêchait de bouger. Peut-être savais-je qu'un fossé nous séparait et que j'étais dans la partie inférieure ? Peut-être que c'était la peur qui me paralysait.

-Qu'est-ce que j'en ai à faire.

Bon, finalement je n'étais pas dans la merde. M'étais-je fait des illusions ? Visiblement oui, puisqu'il poursuivait sa route sans me prêter attention. Je n'allais pas m'en plaindre. Je continuai la mienne, mais une main s'empara de mon bras. En me retournant, je découvris la jeune fille qui s'était pris un râteau, il y a quelques instants. M'étais-je trompée dans mon analyse du danger ? Allait-il venir d'elle ?

-Tu n'as rien vu, c'est clair ?

Elle qui était au bord des larmes il y a encore deux minutes, était devenue aussi froide et aussi tranchante dans ses mots que lui. Pourquoi ne l'aimait-il pas ? Ils se ressemblaient pourtant, malgré ma première impression.

Elle réitéra ses paroles face à mon silence en serrant un peu plus mon bras entre ses doigts. Qu'en avais-je à faire de ce qu'il venait de se passer ? Leurs histoires de cœur ne m'intéressaient pas et ne me regardaient pas. Ils étaient libres de faire ce qu'ils souhaitaient.

-Très clair, ne t'en fais pas. Tu peux me lâcher maintenant ?

Elle le fit et je m'en allai. Pour qui se prenait-elle celle-là ? Avec ses talons et ses longs cheveux blonds ? A y penser, ne ressemblait-elle pas à l'image qu'on se faisait de celle qui crée les ennuis dans les films ? Elle n'avait rien à envier aux autres pour son physique. Peut-être l'enviai-je un peu. Un tout petit peu. Parce que moi je ne m'aimais pas. Je n'aimais pas mes cheveux plats et bruns. Je n'aimais pas mes yeux. Enfin si, mes yeux bleus étaient sans doute la seule chose que j'aimais en moi, mais quel poids cela avait-il contre tout le reste ? Peut-être que j'aimais aussi ma personnalité. Enfin non, je n'aimais pas toute ma personnalité. Par exemple, ma lâcheté était quelque chose que je détestais. Au contraire de ma capacité à ne pas me laisser influencer par les autres. Je n'étais pas un mouton ; c'était quelque chose dont jetais fière. J'agissais en me faisant ma propre opinion des choses. Bref, je crois que j'aimais seulement quelques éléments de ma personne. Ce qui n'était déjà pas mal.

Tu m'aimes ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant