Prit dans la tempête

Je fus jeté en arrière par une bourrasque, telle une poupée de chiffon. La barre m'échappa et le bateau tourna sur lui même. Je me rattrapai de justesse au bastingage. Je ne pouvais abandonné mon post. Si je ne guidais pas ce maudit navire aucun de nous ne s'en sortirait. Trempé jusqu'aux os, le teint blafard je me relevai et saisis de nouveau la barre. Mes mains se refermèrent sur le bois entaillé par le sel. Une vague passa au dessus du pont. J'entendis des hurlements et le déchirement de la voile. Mes hommes avaient besoin d'aide mais je ne pouvais pas les voir sous cette pluie torrentielle.

" Tous sur le pont ! Récupérez les cordes ! "

Mon cri se perdit dans le rugissement de la tempête. Nouvelle secousse, je me cramponnai à la barre avec la force du désespoir.

"Depuis combien de temps sommes nous dans cet enfer ? Je ne sais plus... Combien de mes hommes ont péri ? Je ne sais plus... "

Je fus pris d'un tremblement tandis que ma vue se brouillait.

" Qui suis-je ?"

Je chassai l'eau de mon visage d'un revers de ma manche. Peut importe qui  j'étais je devais empêcher ce bateau de chavirer !

Le monde dansait devant mes yeux, toutes ses couleurs se mélangeaient. Je secouais ma tête.

Nouvelle secousse, je fus à nouveau repoussé contre le garde corps. J'entendis plus que ne distinguai mes hommes qui tentaient vainement de remonter le filet chargé de poissons.

"Qu'est ce que je faisais ici ? Ai-je un nom ? Une famille ?"

Je retournai à la barre, les mains tremblantes sous l'épuisement. Un cri couvrit le rugissement des flots me glaçant le sang.

Une vague balaya le navire. Oubliant mon devoir je me réfugiai derrière un tonneau. Je plantai mes ongles dedans, transpercé par l'eau salée.

Une fois la déferlante passée je retournai à mon post et rétablis le bateau sur son cap.

" Mais quel cap?"

Le ciel et la mer ne faisaient qu'un, plus rien n'était discernable. Mes sens m'abandonnaient en même temps que ma force.

Tout n'était que noirceur... Sauf... Un point à l'horizon ! Une tache blanche comme de l'ivoire.

" De la lumière ! Nous sommes sauvés !"

Je puisai dans mon désespoir et fis tourner la barre. Le bateau ne bougea pas. Il était comme figé.

Je mis tous mon poids dessus mais rien ne changea.

" Que ce passe t-il ?"

Je clignai des yeux pour chasser l'eau de mes cils et discerna mes marins regroupés autour du mas. Ils étaient figés, des statues de chaire.

Plus rien ni personne ne faisait le moindre mouvement, pas même la mer enragée.

Je fus secoué par la peur. 

Soudain le ciel devint encore plus noir qu'il ne l'était. Je levais les yeux vers le ciel. C'est là que je le vis. Ce monstre immense, droit et poilu !

Le peintre appliqua son pinceau sur le visage du capitaine.

                                                                           FIN