Chapitre 1

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Entre les mains expertes de la coiffeuse, Carine Yao se faisait belle. Devant les caméras de TF1 qui la filmaient, elle essayait de paraître le plus normale possible. Mais c'était bien difficile. Elle était stressée. Aujourd'hui était un grand jour pour elle. C'était le jour J. Dans quelques heures, elle allait dire oui à  Thomas, l'homme de sa vie. Et ce moment qui était sensé être intime allait être jugé. Chaque détail devait être passé au peigne fin et  examiné au millimètre près. Ses trois concurrentes, aussi appelées  « les mariées juges » n'allaient rien laisser au hasard. Scrupuleusement, la robe de mariée de Carine, la décoration de la salle de réception, la nourriture, l'ouverture du bal et l'ambiance de la fête allaient faire l'objet d'une note sur 20.
Toute cette évaluation pour remporter le prix ultime,  une lune de miel incroyable pour une destination de rêve.

—Je me demande bien pourquoi tu as voulu participer à cette émission stupide, lança madame Yao la mère de Carine. Tout  ce cinéma, tous ces gens et leur caméra, toute cette agitation....pour une malheureuse lune de miel.

—Maman s'il te plait ! S'insurgea aussitôt Carine embarrassée. Tu ne vas pas recommencer ?

A travers le miroir devant lequel elle était installée, la futur mariée jeta un regard désolé aux caméramans ainsi qu'à l'équipe de tournage présente.

—Quoi ? Fit de nouveau madame Yao l'air étonnée. Je ne suis plus libre de donner mon avis maintenant ?

Fermant un instant les yeux, Carine Yao se pinça l'arête du nez. Elle était tellement gênée. Pour lui mettre la honte sa mère avait toujours le chic. Et Carine ne savait pas quoi faire dans ces cas là. Avec le temps, la jeune femme de 20 ans aurait pourtant dû être habituée. D'un naturel franc parlé, sa mère en vrai maman africaine ne gardait jamais longtemps sa langue dans sa poche.

—On en a déjà discuté maman tu t'en souviens ? Tenta de la raisonner Carine d'une patience à toute épreuve. Tu as donné ton accord pour tout ça. La discussion est donc close.

—Parles pour toi ! Moi je ne vois toujours pas l'utilité pour toi de t'exhiber comme ça....

Cette fois, ce fût au tour de la coiffeuse d'essayer de la faire taire. Simulant une quinte de toux, elle interrompit la maman outrancière. D'un regard assassin, cette dernière la remit en un temps record à sa place. Nullement préoccupée par les étrangers qui encombraient la pièce, elle reprit :

—C'est à ça que l'on est réduite quand on n'écoute pas sa vielle maman. On est obligé de participer à des émissions télé juste pour avoir une simple lune de miel.

—Pitié maman ! S'écria Carine qui ne savait plus où se mettre. Non ! Pas aujourd'hui. Ce n'est pas le moment de me faire ton sermon.

—Tu as seulement 20 ans ma chérie, répliqua de plus bel madame Yao. C'est dure pour moi malgré tout le bonheur que je ressens de te voir  sauter le pas. Tu es si jeune. Ton père et moi avons fondé tellement d'espoir en toi ma fille adorée.

En entendant sa mère vanter les mérites de Carine, Émilie la soeur aînée de cette dernière réprima un juron. Comme à chacune des fois dans ces cas là, la jeune femme de 29 ans sentit une vive exaspération la gagner.  Au ciel, elle leva les yeux. A la minute, son regard croisa celui de l'homme assis en face d'elle. La peau blanche, les cheveux blonds et les yeux bleues perçants, il faisait parti de l'équipe de production. Dardés sur elle, ses yeux bleues semblaient rieurs. A son regard amusé, Émilie comprit. Le jeune producteur l'avait vu faire. Il avait remarqué son geste qu'elle avait espéré discret. Certainement devait-il se faire des idées. Avec les extravagances de sa petite sœur et le discours déplacé que sa mère s'obstinait à tenir devant tous, sa famille avait de quoi représenter le cliché parfait de la bruyante et délurée famille africaine.
Dire qu'ils allaient tous passer à la télé. Mal à l'aise à cette idée, Émilie Yao décida de s'éclipser. De son fauteuil, la jeune femme se leva. En face d'elle, le regard du jeune producteur qui la fixait toujours passa subitement de la malice au ravissement. Il semblait subjugué. Il y avait de quoi. Quand on connaissait le physique avantageux de la fille aînée du couple Yao cette réaction était des plus normales. Elle était taillée comme un mannequin Émilie. Fine, grande et élancée, elle n'avait rien à envier aux créatures de rêve qui arpentaient les podiums des défilés de mode. Ses caractéristiques physiques, Émilie Yao les avait hérité  de son père. Baoulé originaire de Botro, ce dernier se plaisait à raconter  qu' ils étaient tous comme ça là-bas, dans le petit village  situé non loin de Bouaké en Côte d'Ivoire.  Comme tous les enfants du couple Yao, Émilie n'y avait jamais mis les pieds. La jeune femme de 29 ans n'avait jamais quitté la France où elle  était née. Pourtant, elle caressait secrètement le rêve de pouvoir un jour se rendre dans son pays d'origine. La terre de ses ancêtres, elle voulait avoir la chance de la fouler un jour.

Quatre mariages pour une lune de mielOù les histoires vivent. Découvrez maintenant