"Ceux qui rêvent éveillés ont conscience de mille choses qui échappent à ceux qui ne rêvent qu'endormis."
Edgar Allan Poe
Il était temps de sortir dehors. Lewis était prêt. Il ferma la porte d'un double tour attentif et tourna les talons vers une rue à l'est. Il savait très bien que personne ne voudrait entrer dans ses appartements mais cela le rassurait, il redoutait plus que tout de trouver quelqu'un en rentrant. La chaude brise, accompagnée de quelques feuilles mortes virevoltant mollement vers le bitume et de grains de poussière qui décollaient du sol brûlant, vint lui tenir compagnie sous ce lourd soleil de plomb. Le son du rien qui emplissait cette ville l'assourdissait tout à coup. Qu'est ce qu'il n'aurait pas fait pour un peu de musique, ne serait-ce qu'une note. De la plus primitive à la plus complexe elles lui rappelait bon nombre de chaleureux souvenirs. Comme cette première fois où il amenait sa petite Lucy dans des concerts de rues. Toute cette agitation et ces rayons lumineux dansant sur le pavé, c'était comme... magique. Il aurait fallut, du moins, qu'il eut crut en la magie, mais cela ne l'empêchait nullement de rêver. Une, deux, trois, une, deux, trois, les passants se mouvaient dans ce rythme ternaire, d'une folle euphorie qui leur tenait le cœur. Lucy fulminait d'impatience et entraînait son père dans cette heureuse aventure. Perdu dans ses souvenirs joyeux avançant mécaniquement d'une jambe après l'autre il se mit à entendre de légers bruits de pas. Il s'était retourné plusieurs fois, cabs sans chevaux, brisures de vitres, toutes sortes de bric a brac étalés sur le sol d'une drôle de couleur encre de chine, cependant l'origine de ces sons était toujours inconnue. Il finit par s'arrêter pour voir si sont imagination ne lui jouait pas des tours, encore une fois. Non. Il y avait bien des bruits de pas !
« Calme toi Lewis ! Tu es tout seul et ... ça ne peut être rien de bien méchant » se dit-il d'un air faussement rassuré.
Les pas se rapprochaient, la peur lui tenaillait le ventre. Il ferma ses yeux noisettes, appréhendant une mort imminente. « Miaou », Lewis ouvrit les yeux, soulagé.
« Ah Lucy ! Tu m'as fait une peur bleue tu sais ? Comment es-tu sortie ?, Lucy se passait sa souple patte au dessus de la tête. Peu importe, veux-tu m'accompagner ? »
Un autre miaou s'en suivit et voila les deux compagnons partis pour une longue marche à travers les rues désertiques de Londres.
Midi sonnait sur sa montre à gousset et ils prirent tranquillement leur déjeuner sous la chaleur pesante de la ville, accompagné d'une cigarette pour lui. Lorsque Lewis entendit un léger son. Le bonhomme se figea et concentra toute son attention sur ce nouvel élément. De la musique ? Il n'en savait rien, mais ce qui était sûr c'est qu'il irait à la rencontre de ce nouveau son. Après avoir prestement rangé ses affaires de façon chaotique, il prit son sac sur les deux épaules et Lucy dans ses bras avant de se précipiter jusqu'à l'origine de ce son. Même si l'espoir était ténu il voulait essayer à tout prix. Passant dans de petites ruelles, où se tenaient à l'époque des prostituées mais devenue de simples ruelles plus dégradées encore, remplies de cendres et de souvenirs effacé, que Lewis foulaient de nouveau du pied. Une fois son but atteint, l'homme s'arrêta net, respirant péniblement même si une lueur d'excitation dansait dans son regard.
« Bonjour et bienvenus au Musée des Artistes Européens du XIXem siècle de Londres », une voix métallique répétait cette phrase continuellement.
Une fois à l'intérieur, Lewis reprit son souffle dans ses poumons brûlants, les mains sur les genoux lâchant la petite chatte, qui s'ébroua d'un air de suffisance, et vint à se redresser. L'homme prit une grande inspiration. Il se sentait bien, vraiment bien. Il prit plaisir à visiter ce petit bout de chez lui. La bâtisse était immense et baignée de la lumière du zénith à travers le plafond de verre . Le sol, sous la couche de poussière, était d'un naturel luisant et Lewis imagina cet endroit empli de visiteurs, tous plus assoiffés de connaissances les uns que les autres. Dans la partie écrivains il y avait de merveilleux auteurs britanniques comme Arthur Conan Doyle, Bram Stoker, Oscar Wilde, Charles Dickens, Lewis Carroll, Charlotte Brontë et d'autres écrivains tout aussi talentueux comme Hans Christian Andersen, Guy de Maupassant, Alfred de Musset, Friedrich Nietzsche, Paul Verlaine, Edgar Allan Poe, Jules Verne, Victor Hugo et tant d'autre ! Lewis se sentait tellement bien, puis il déposa les yeux sur Lucy, sur ses pansements qui cachait d'horribles blessures. Ce n'était qu'une chatte errante et pourtant elle lui rappelait étrangement sa petite fille. Il sentait les larmes arriver et commençait à se laisser aller.
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Une Histoire de Temps
Short Story" Le dernier homme de la Terre était assis dans le salon. Soudain, un coup se fit entendre à la porte." Tel fût la phrase imposée par l'exercice qui devînt peu à peu cette histoire saugrenue qu'est celle vécue par ce dernier homme sur Terre. J'espèr...