Trente-six

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« Je me souviens du jour où je suis allé pour la première fois chez ma marraine. Elle avait une piscine et Nari ne m'avait pas attendu pour faire trempette. Tu m'aurais vu, j'étais tout gêné, et même si j'avais envie de me baigner, j'osais pas demander si j'avais le droit, je me contentais de rester droit, me cachant presque derrière les grandes jambes de mon père, quand j'étais petit je l'appelais papanam.

- C'est trop mignon. Oups, désolé je t'ai coupé.

- T'inquiète, on est dans une discussion, le but c'est d'échanger, j'aime bien quand tu me donnes tes différentes impressions sur ma storytime. Bref ! Du coup j'osais rien faire sauf suivre comme son ombre papanam. Papajin discutait avec ma marraine donc il était plus loin. Papanam a vite remarqué que je voulais aller dans l'eau alors il a tenté de m'y emmener mais je lui ai dit que je n'irai pas sans lui, sauf que ni lui, ni mon autre père n'avait prévu de maillot comme ils ne comptaient pas se baigner. Du coup je me suis liguée avec papajin contre papanam, on a mis au point un plan dans le but de pousser papanam dans la piscine. Au final, quand il m'a emmené vers les marches de la piscine et qu'il comptait me laisser les descendre tout seul, papajin et moi l'avons poussé. Et pour se venger, il m'a fait des guilis, et c'était la première fois qu'on me faisait des guilis ! Papajin s'est joint à lui et je me suis mis à exploser de rire, c'était un mélange de rire et de cris, j'hurlais ma joie et tout le monde s'était arrêté de faire ce qu'il faisait juste pour me regarder rire, mais je n'arrivais plus à m'arrêter, à chaque fois que je croisais le regard d'un de mes pères, je riais. J'ai même cru voir papanam lâcher une petite larme mais si tu lui en parles aujourd'hui, il le niera. Jungkook rigola et ramena le corps de son copain contre le sien pour le serrer dans ses bras, ému par son histoire.

- C'est tellement mignon, et touchant, et attendrissant, et émouvant, et-

- Et tu comptes me faire tous les synonymes ?

- pourquoi pas ?

- En vrai, y'a eu des bons moments, tout comme de moins bons moments, puis des moments plus... Taehyung fit une grimace qui inquiéta le brun.

- Tu veux en parler ?

- Pourquoi pas, j'en ai jamais parlé à personne tellement j'étais... Je... Je crois que c'était parce que j'avais terriblement honte en fait. Le regard gêné de Taehyung croisa celui réconfortant de Jungkook qui s'approcha pour déposer ses lèvres contre sa tempe pour lui donner du courage.

- T'es pas obligé de tout me dire, t'es même pas obligé de le dire, juste, je suis là et je ne te jugerai pas, tout comme toi tu ne m'as jamais jugé quand je me confiais.

- En gros, suite à mon adoption, j'ai directement compris que j'étais différent des autres. J'veux dire, déjà j'étais le seul élève adopté dans ma classe, puis j'étais le seul à avoir deux papas. Je sentais tout de même un malaise avec les autres élèves qui me renvoyaient l'inquiétude de leurs parents au visage. Ils me posaient des questions si précises que ça ne pouvait pas être sorti de leur cerveau, c'était forcément les parents d'élèves qui passaient leur temps à parler de nous, à parler de moi, de ma condition, de ce qui m'était arrivé. Je n'ai eu aucun mal à me lier d'amitié avec des gens, mais ce n'étaient que des noms, que des visages, je n'étais pas vraiment ami avec eux, on était juste une classe qui faisait semblant de bien s'entendre tous ensemble. J'avais certes quelques amis qui comptaient vraiment pour moi, mais à l'entrée du collège, tout le monde s'est tourné le dos, et je ne peux même pas leur en vouloir étant donné que j'en ai fait de même.

- Vous étiez jeunes et le collège est un grand changement dans la vie d'un enfant, tu changes de lieu, de professeurs et la classe qui t'a suivi aussi longtemps est soudain éparpillée un peu partout. C'est normal que les amitiés ne résistent pas parfois.

- Tu as raison. Et encore ça, c'était le cadet de mes soucis par rapport à ce qui se passait chez moi. J'ai été ce genre de gosses à préférer un parent et à fuir l'autre. Et pour mon cas, j'ai énormément fui Seokjin. Je me suis directement attaché à Namjoon, il avait les cheveux violets, ses joues faisaient des trous quand il souriait et il avait la peau bronzée, comme moi. J'ai compris que j'allais bien m'entendre avec lui. Je n'ai jamais eu de mal à lui réclamer des câlins, l'histoire du soir ou à pleurer dans ses bras quand mon petit cerveau ressentait trop de choses, mais c'était tout l'inverse avec mon autre père. Je n'étais pas gêné par Seokjin, non, j'en avait peur... Taehyung enfouit sa tête dans le cou de son copain pour lui cacher ses larmes mais Jungkook avait été plus rapide et les avait remarquées, il prit le visage du châtain en coupe et s'occupa de faire disparaitre sa tristesse.

- Tu ne dois pas avoir honte de ça, je te rappelle quand même que ce n'est pas rien ce que tu as vécu, tu as atterri dans une maison avec deux personnes que tu connaissais à peine et qui étaient censées devenir ta famille.

- Mais il était si malheureux à cause de moi...

- C'est normal que tu sois timide, gêné, voire effrayé. Oui ça a pu faire du mal à Seokjin, mais je suis sûr que si tu lui posais la question aujourd'hui, ou même à l'époque, jamais il n'aurait répondu que c'était toi la cause de son malheur, je pense même qu'il te répondrait qu'il te comprenait, que tu n'étais qu'un gosse et que lui n'était qu'un inconnu. Tu as affronté beaucoup de changements quand tu étais jeune, tu ne pouvais pas t'acclimater à tout parfaitement et surtout rapidement.

- Tu as raison, merci Jungkook. Le brun prit le châtain dans ses bras, lui caressant le dos pour l'apaiser, comme lui l'avait fait auparavant quand il se confiait sur ses parents. Au final, comme tu t'en doutes, l'histoire s'est bien finie, Seokjin a persévéré pour se rapprocher de moi sans dépasser mes limites, et c'est en remarquant ça que je me suis senti plus à l'aise avec lui, je me suis dit que jamais il ne ferait quelque chose que je ne veux pas. Du coup j'ai commencé à lui montrer que je tenais à lui, je me mettais à le suivre partout et quand j'étais intimidé par quelque chose, je me cachais dans ses jambes, quand on rencontrait de nouvelles personnes, c'était dans ses bras que j'étais. Bien sûr je ne me suis pas mis à délaisser mon autre père pour autant. Bref, papajin m'a montré l'amour de la cuisine, papanam a tenté de me faire partager sa passion pour le basket mais c'était pas fameux, mais aujourd'hui je suis plus qu'heureux de les avoir pour parents et je ne veux personne d'autre qu'eux. »

"𝐌𝐚𝐫𝐢é𝐬" - VKookOù les histoires vivent. Découvrez maintenant