Le tonnerre, la pluie, la puissance des éléments. Ces facettes si stables de la planète, qui seront toujours là longtemps après moi.
Les gouttes d'eau sur la baie vitrée. Le vent qui agite les arbres, qui balaye la ville dans la lueur fade du jour. Mais y a-t-il seulement quelque chose qui dure ? Avec le temps les gouttelettes s'évaporent, le vent se calme, les tempêtes passent. La planète n'est-elle pas condamnée, elle aussi ?
Je fais glisser la porte coulissante, trouve refuge sous l'avant-toit de la terrasse.
La frêle flamme de mon briquet n'existe que parce que je le veux. C'est moi qui lui ai donné vie, c'est par ma volonté qu'elle subsiste.
Une inhalation, une bouffée. Une expiration, un nuage.
Chaque cigarette c'est trois milligrammes de nicotine en plus, une dizaine de minutes en moins. Chaque pas que je fais est un accident en suspens, un risque colossal. Chacune de mes respirations me rapproche un peu plus de l'inévitable.
Est-ce que j'ai bien fait de porter un costume, aujourd'hui ? Est-ce que j'ai bien fait de m'habiller ? À quoi bon ?
— Lucie ? j'appelle vers l'intérieur.
— Oui ?
— Ça ne t'inspire rien, l'orage ?
Un silence, une hésitation, un instant. Puis elle se lance :
« Ô cycle éternel à jamais recommencé,
Force des éléments qui abreuvent la vie,
Grondement de la matière transformée,
Source de la beauté et source du conflit,
Depuis la nuit des temps jusqu'au jour le plus gris,
Lave mon tourment et dilue-moi dans l'oubli. »
La fumée tiède s'engouffre dans mes poumons, l'air frais sous mon veston.
Quelle envolée, quel esprit délicieux.
— Toujours les mots pour remonter le moral, hein ?
— Désolée, ce n'est pas ce que tu as demandé.
— C'est vrai, t'as raison. Et c'était parfaitement adapté.
La fragile enveloppe de papier n'est plus que cendres, le rougeoiement l'a consumée. Une mort de plus.
D'une pichenette, j'envoie le mégot voler dans la tempête.
— Quelle gueule ont les marchés financiers ?
— Idéale pour notre opération, répond ma compagne.
Je la regarde tendrement. Cet assemblage de plastique, de métal, de chair synthétique. Cet être abominable, mais tellement humain, qui s'embellit chaque jour. Cet être magnifique que j'aime.
— Allons faire sauter la planète, chérie.
VOUS LISEZ
Microfiction
Short StoryUne règle, une seule. Une limite. Mille mots. Les univers qui en découlent, les personnages qui y naissent... n'ont eux pas de règles. Pas de limites.