La douceur de la bête

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        Je me nomme Tzitzi et je vais vous raconter une histoire stupéfiante....

   L'hiver fut particulièrement dur cette année, me réveillant par son souffle glacial toutes les semaines mais, maintenant, je ressens un douce brise printanière qui me chatouille la truffe et fait bouger avec tendresse mon épaisse fourrure de poils bruns et crépus. Les rayons du soleil levant ricochant sur les parois de ma tanière me réchauffent, me faisant ouvrir les paupières renfermant mes yeux bleus qui se referment aussitôt éblouis par la lumière si puissante et paisible à la fois. Je hume le parfum des feuilles, de l'herbe juste poussée, des fleurs émerveillées par le soleil, les embruns de la rivière aux saumons dont j'entends le courant si violent lors de sa descente de la montagne blanche pour emmener avec lui la rage et la rancoeur de cet hiver. Le doux bruissement des arbres, le glatissement des pygargues, le trompetement des aigles royaux, le craquettement des grues, le brame des cerfs accompagnant celui des caribous et des élans et les claquements des combats endiablés des mouflons ravivent de délicats  souvenirs des années passées dans cette agréable contrée. Je ressens aussi quelque chose bouger sous mon cou qui était encore posé sur mes grosses pattes griffues. Je lève alors doucement ma lourde tête et que vois-je ? Un petit être fébrile, blottit contre ma fourrure. Son fin pelage brun clair, tacheté de blanc, ne peut même pas cacher son allure squelettique. Ses pattes ressemblent à des brindilles qui casseraient sous mon poids et ses petits yeux noirs vitreux et fatigués lui donnent vraiment une allure de mourante à cette pauvre petite bête. Elle doit être là depuis un moment vu son gabarit. Je suppose qu'elle a dû se nourrir du peu de mousse végétale et des plantes qui poussaient dans ma chaude tanière pour survivre mais comment est-elle arrivée dans ma demeure ? Où est son troupeau ? Et sa mère ? Elle tient à peine sur ses sabots cette petite biche. Elle ne peut pas rester avec moi. Tant pis pour elle, elle va rester là. Je vais me prendre un bain dans la rivière.
   Notre ours mal léché se leva donc doucement pour ne pas trop déranger le faon situé entre ses pattes, puis, sans se presser, il se déplaça en direction de l'extérieur, cet extérieur printanier qu'il aimait tant lorsqu'il entendit de petits bramements venant du fond de sa maisonnée. Il se retourna donc pour voir le petit faon quand il vit ce dernier lui courir dessus de toutes ses forces pour se heurter brutalement au tronc qui servait de patte avant droite à notre dormeur hivernal, ce qui fit chuter le petit faon dans un couinement et inquiéta Arcas. Ah, suis-je bête ! Je ne vous ai pas présenté Arcas.. Alors recommençons du début. Arcas est un grizzly mâle vivant au nord de l'Alaska, mesurant environ 1,20 mètre de haut sur 2,30 mètres de long pour 300 kilos. Belle bête me direz-vous. Je confirme. C'est un être respecté dans la forêt. Vous l'aurez donc compris mes amis, c'est lui notre héros et moi, petite puce nommée Tzitzi, serai votre narratrice pour vous donner quelques petits détails sur le agissements de ce gros bêta. Bon, où en étions -nous… Ah oui, voilà ! Comment ça vous voulez le nom du faon ? Mais soyez un peu patients, bon sang ! Bon, je reprends. Notre Balou nordique, bien étonné que cette petite chose se rue vers lui sans peur, fit une chaleureuse léchouille sur le flan du petit faon qui s'empressa de la lui rendre sur sa truffe. Notre ami ressentit une sensation bizarre en lui, comme une douce chaleur réconfortante. Il ne put se résigner à laisser mourir cette chose qu'il trouvait si petite. Il prit alors avec grand soin le petit faon dans sa gueule puis traîna sa grosse carcasse jusqu'à la rivière. Il ne mit pas longtemps à arriver à la rivière. Il commença donc son bain en ayant pris soin de poser le petit faon à portée de vue et à l'abri du courant.

   Pourquoi elle me regarde si bizarrement cette biche ? Elle n'a jamais vu un ours se laver  au moins ? Elle n'a même pas peur de moi. Elle est étrange. Elle devrait fuir loin de moi car je pourrais la dévorer en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire.

- Pourquoi me regardes-tu ainsi petite biche ? grogna notre ours bougon voyant le petit animal le regardant avec de petits yeux attristés.

Recueil D'histoiresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant