Premier vol

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Le brouillard se referme petit à petit autour du fuselage chancelant. Tout semble si sombre, la visibilité est tellement faible qu'on distingue à peine l'épave dans sa totalité. Rapidement, je fis l'inventaire de toutes les possibilités qui s'offraient à moi... et de toute évidence, marcher à l'aveuglette dans la nuit et le brouillard sur un territoire potentiellement menaçant n'était pas une éventualité alléchante. J'optais donc plutôt pour me rouler en boule dans un semblant de couverture, rescapée des flammes qui avait transformé un simple vol de reconnaissance comme tous les jours en véritable cauchemar. Pendant près d'une heure, j'avais contemplé les flammes affamées faire fondre le métal de mon avion rutilant, tordant l'armature et faisant fondre le métal comme un enfant dévorerait ses tartines au petit-déjeuner. Le brouillard m'empêchait désormais de voir mes pieds, c'était comme si la cécité me gagnait petit à petit. A ce moment j'eus le réflexe enfantin de fermer les yeux, comme si cette masse grise allait me s'imprégner de ma personne et s'infiltrer en moi par tous les orifices disponibles et ainsi me déposséder de mon corps déjà tremblotant de froid, le peu qu'il restait de mon oiseau de fer ne me protégeant que très mal de la température nocturne.

Après mon atterrissage en catastrophe dans cette région encore inconnue pour moi, je ne m'attendais pas à autant souffrir du manque constant de repère. D'habitude, même au sol j'étais capable de me situer à peu près sur ma carte de pilote, mais là, tout me semblait à la fois si familier et pour autant peu connu. N'importe quel arbre à la forme atypique qui aurait pu être un point de repère me semblait ici étrangement banal. Je me questionnai d'abord sur mon état. Etais-je bel et bien éveillé ? La perte brutale d'altitude et le choc à réveiller les morts de mon retour sur le plancher des vaches avait il altéré ma perception de la réalité ? Ainsi qu'un bon nombre de question dont l'utilité m'échappe encore aujourd'hui tel que : Combien de briques de lait reste-t-il dans le placard ? Le fait que ce genre de questions me vienne en tête était tout de même révélateur d'un état de fonctionnement de mon cerveau plutôt habituel. Le doute était tout de même présent, et, comme je n'étais pas sûr d'être capable de retrouver mon chemin, je décidais de toujours rester à portée de vue de ma carcasse. Malheureusement, le peu que je pouvais me résoudre à explorer n'était pas très fructueux. J'avais réussi à diriger mon avion vers une sorte de clairière, à l'abri d'une petite pointe de roche et encadrée par des arbres ayant poussés si sauvagement que si on s'y aventure plus en profondeur la clairière en vient à disparaitre. Heureusement pour moi, j'avais avec moi quelques vivres pour parer une éventuelle situation d'urgence comme celle-ci et la perte de mon moyen de locomotion allait entrainer un important retard dans mon retour à la civilisation, sans compter que je n'avais aucune idée de l'endroit ou je me trouvais et encore moins du temps de trajet nécessaire pour rentrer. C'est ainsi que j'ai décidé de retourner au près de mon bijou d'acier afin de me nourrir et me reposer un peu avant de chercher le chemin du retour. Mais c'était sans compter l'arrivée de ce fameux brouillard.

Maintenant que mes yeux sont clos, mes sens sont en alertes, je cherche à percevoir ce qui se passe autour de moi sans pour autant contempler la pénombre. Je tremblotais doucement, mais impossible de savoir pour moi si c'était le froid qui m'enveloppait ou la peur grandissante qui montait en moi. L'étude de mes sens ne m'apporta rien de particulier à part une légère sensation de moiteur sur ma peau, ce qui semblait un peu anormal au vu de la fraicheur qui régnait au sein des décombres. Au fur et à mesure que les minutes passèrent, je commençais à me persuader que ce brouillard n'était que le pur produit de mon imagination. Quand enfin je me décidai à ouvrir prudemment un œil, je pu apercevoir très distinctement les barres métalliques de ce qui fut un avion, mais... plus aucune trace du moindre brouillard. Tout en expirant plus calmement, j'ouvris un second œil. Mon champ de vision ayant considérablement gagné en précision me permit de voir un mince filet d'une sorte de vapeur grisâtre ressemblant très étrangement a un certain brouillard sortir de ma bouche encore tordue par le stress. Je compris que pendant que je réfléchissais à un moyen de sortir d'ici, je ne m'étais pas rendu compte que j'étais en train d'aspirer le brouillard dans mes poumons et que mon organisme tout entier était en train de l'absorber. Les maigres précautions que j'avais pu prendre pour éviter tout ce que je redoutais était manifestement insuffisante puisque mon propre organisme m'avait trahi et ma respiration même jouait contre moi. Dans ma gorge et petit à petit dans mes poumons je sentais cette substance gazeuse glisser dans mes entrailles tout en me chatouillant délicatement. Alors que la terreur semblait monter en moi comme une vague dévasterait la plage en soir de tempête, je tentais tant bien que mal de lutter contre la panique tout en essayant de trouver une solution. Je commençais par fermer les yeux afin de me concentrer au mieux sur mon corps. Je projetais ma conscience dans chaque centimètre carré de mon être et je me sentais moi-même parcourir mon corps. Je sentais mes membres... Tous étaient plongés dans une sorte de torpeur inexpliquée. Impossible pour moi de bouger. Je me voyais déjà dépérir ici dans ce trou paumé, loin de toutes les cartes, et ; abandonné à mon propre sort, dévoré par des animaux en quête de chair fraiche que j'imaginais terriblement hostile.

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⏰ Dernière mise à jour : May 17, 2020 ⏰

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