PROLOGUE

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STEPHEN

Je gardais toujours à l'esprit que ma victime était un humain. Mais dés que mes yeux plongeaient dans son regard, j'y voyais la noirceur. Cette noirceur, je l'avais tant fréquentée que je savais parfaitement la reconnaître.

Le grand gaillard allongé et torse nu en face de moi ne dérogeait pas à cette règle. Son âme était possédée depuis bien des années, j'allais enfin la libérer. Les pieds liés avec une corde et les mains attachées derrière son dos, il me fixait de ses pupilles noires sans vie. L'atmosphère sombre dans cette forêt désertique accentuait le caractère anxiogène de la situation. Seul le bruit de ma lame glissant contre l'aiguiseur venait troubler la tranquillité de la nuit. Tout en affûtant mon couteau, je l'observais. Je ne l'avais pas torturé, je lui avais donné une mort rapide et non douloureuse! Mon but était simplement de débarrasser l'humanité de son existence. Il appartenait à cette catégorie de personnes qui ne méritait pas de vivre. Il s'en prenait à des enfants, il les violait et les tuait sans état d'âme.

Je contournai son corps sans vie, puis je m'agenouillai devant lui. Sur le bas de son ventre, je traçai dans sa chair un « V », du sang dégoulina de mon incision. Puis je reculai de quelques pas pour admirer mon « œuvre ».

Soudain, le son d'une branche qu'on casse vint briser mon moment de contemplation. Je fis volte-face en direction du bruit et croisai un regard clair terrifié. Il allait de pair avec l'expression qu'affichait la jeune femme en face de moi. Nous restâmes quelques secondes à nous dévisager, puis en synchronisme on bougea. Elle se mit à courir pour m'échapper tandis que je la pistai sur quelques mètres pour la rattraper. Ce que je fis facilement. J'entourai ses hanches pour coller son dos contre mon torse. Bien entendu, elle tenta de se dégager, mais son corps frêle ne faisait pas le poids par rapport au mien tout en muscle. Je plaquai ma main contre sa bouche tout en essayant de la calmer.

— Chut ! murmurai-je dans son oreille. Je ne vais rien te faire alors arrête de bouger.

Elle ne s'exécuta pas. Au contraire, elle se risqua à m'envoyer un coup de poing dans mon pénis. Un endroit bien trop sacré pour que cela ne me mette pas en colère.

— Ne fais pas ça, grondai-je.

Soudain au loin, j'entendis un cri.

— Beth ! cria une personne.

Je devais me dépêcher, car la voix se rapprochait de nous. Alors que mon témoin gênant continuait à se débattre, je tâtai son corps à la recherche de papiers et de son téléphone. En sentant mes mains sur elle, elle paniqua. Elle émit quelques sons stridents à travers mon gant qui pressait ses lèvres et s'agita nerveuse. Comme elle bougeait trop, je n'arrivais pas à la fouiller correctement, aussi je changeai de position en collant brusquement son dos contre le tronc d'un arbre. Pendant ce bref instant, je n'avais pas eu d'autres choix que de libérer sa bouche, elle eut le temps de crier. Violemment, je replaçai ma main contre ses lèvres tout en la dévisageant sévèrement. Mon regard dur la fit trembler d'autant plus.

— Arrête ça, tout de suite ! m'énervai-je.

Je ne cessais pas de la fixer tandis que je tâtai le haut de son corps, je pris le soin de ne pas toucher sa poitrine. Puis je descendis vers ses hanches pour glisser dans les poches positionnées contre ses fesses. Dans ces dernières, j'y trouvais ce que je cherchais : un permis de conduire et un téléphone. Au loin, j'entendais toujours les cris : ils se rapprochaient dangereusement. Inquiète, elle regarda dans leur direction. De ma main libre, j'ouvris l'étui pour lire ses coordonnées sur son papier officiel, puis je plaçai le smartphone dans ma poche.

— Ne parle pas de ce que tu as vu ce soir, Elisabeth, ou je te retrouverai et je ferai de ta vie un enfer. Tu comprends ? Menaçai-je en la fixant.

Elle hocha la tête pour me signifier que oui. J'étais étonné par son aplomb. Elle tremblait, mais ses yeux semblaient pour autant me défier. A sa place de nombreuses filles auraient supplié ou pleuré. Surtout après avoir assisté à un spectacle aussi sanglant.

— Je vais enlever ma main et retourner à mes occupations, continuai-je. Pendant ce temps, tu vas retrouver ton amie et partir loin. Ne fais pas quelque chose que tu pourrais regretter. J'ai vu ton nom sur le document. Dans quelques heures, je saurai tout de toi.

Je retirai doucement ma paume de sa bouche tout en la fixant dangereusement. Sur le haut de ses joues rougies, j'aperçus quelques taches de rousseur. Alors que je la dévisageais, je lui tendis son permis de conduire. A mon geste, elle sursauta de peur. En tremblant, elle le saisit, puis je lui fis un signe de la tête afin de lui donner l'autorisation de s'en aller. Elle partit à toute vitesse en direction opposée à la mienne. Je venais de me mettre dans un sacré pétrin... qu'allais-je faire d'Elisabeth ?

***

BETH

Le souffle court, je collai mon dos contre un arbre pour me dissimuler. Je me penchai légèrement pour regarder derrière le tronc ; je voulais m'assurer qu'il ne me suivait pas. C'était un meurtrier et j'allais probablement finir comme l'homme qu'il avait attaché. Il m'avait laissé partir pour mieux me traquer par la suite. Après tout, un tueur prenait toujours plaisir à effrayer sa proie. Tout en fermant les yeux, je repris ma respiration.

Une, deux, trois grandes inspirations... Soudain, une main se posa sur mon coude.

Je hurlai de terreur.

— Eh ! C'est moi Molly! me calma ma meilleure amie.

— Molly ! Je veux rentrer ! m'exclamai-je en tremblant.

— Où étais-tu ?

— Ramène-moi, s'il te plait. Je crois que j'ai trop bu, je me sens mal.

Même si elle était décontenancée par la situation, Molly m'accompagna jusqu'au feu de camp où trois autres amis nous attendaient. Les deux verres de vodka-pomme que je venais de consommer avaient contribué à ne pas m'effondrer devant le monstre qui m'avait attrapée. Ce dernier connaissait mon identité et j'avais parfaitement vu son visage. Je pouvais aisément le décrire : brun aux cheveux courts, il portait une petite barbe de la même couleur que ses sourcils foncés qui accentuaient la dangerosité de son regard bleu-azur.

Ses yeux ! Ils semblaient irréels dans la pénombre de la lune. Leurs lueurs menaçantes confortaient une attitude impitoyable.

Sans dire un mot, je me rendis directement à l'arrière de la voiture. Je m'enveloppai un peu plus dans mon gros pull. Le temps était très frais pour ce mois de mai. Dans l'état de Washington, il faisait toujours froid, mais cette nuit, plus que le froid, c'était la peur qui me faisait trembler. Je fermai les yeux, ceux du tueur apparurent, ils n'allaient pas me quitter pendant un moment. J'entendais encore sa voix murmurer des menaces dans mes oreilles. Quand la portière s'ouvrit, je sursautai.

— Liam ne souhaite pas rentrer à la maison, Beth. Tu es sure que tu ne veux pas rester un peu ?

— Non !

Aprés avoir claqué la porte, Molly monta à côté de moi.

— Qu'est ce qu'il se passe ? demanda-t-elle. Tu trembles comme une feuille.

Elle posa une main sur mon front comme pour prendre ma température.

— J'ai croisé un animal... mentis-je. J'ai cru qu'il allait me tuer.

— Un animal, répéta Molly septique. Quelle race ?

— Je n'en sais rien, m'agaçai-je. Ramène-moi s'il te plait.

— OK ! Je vais prévenir Liam. Si une bête dangereuse rôde dans les parages, il vaut mieux replier le camp.

Elle sortit du véhicule pour rejoindre le feu où elle discuta quelques minutes avec ceux qui nous accompagnaient. A travers la vitre, j'avisai Liam, le petit ami de Molly qui regardait méchamment dans ma direction. Déjà, qu'il ne me portait pas en estime, le fait que j'écourte sa soirée n'allait pas arranger les choses entre lui et moi.

En soupirant, je cherchais mon téléphone ,mais je me souvins que le tueur l'avait gardé.

« Ne parle pas de ce que tu as vu ce soir, Elisabeth, ou je te retrouverai et je ferai de ta vie un enfer. »

Les mots du tueur me revinrent en tête. Parler pourrait mettre en danger mes proches. J'allais me taire et espérer qu'il m'oublie...

Liés par le secret -dark romance- ( publié sur Amazon)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant