L'arborescence de nos souvenirs

La radio mélodieuse

Un certain temps est passé. Éli et moi avons encore discuté puis nous nous sommes plongées dans un silence durant de longues minutes, toutes les deux appuyées contre l'arbre main dans la main, ma tête posée contre son épaule. Finalement c'est elle qui a brisé le silence.

- « Tu veux choisir le prochain souvenir? »

- « Quoi?... Tu veux dire que... je peux moi aussi choisir un souvenir? »

Elle me répond oui de son sourire si chaleureux et reprend:

- « T'as une idée de souvenir? »

Je prends quelques secondes pour réfléchir mais très vite me vient une idée. C'est un des plus beaux souvenirs que j'ai avec elle. Il n'a pourtant rien d'extraordinaire. Ce n'était qu'une journée comme une autre, mais c'était un moment simplement heureux. J'acquiesce de la tête en réponse à sa question.

- « Prends ma main et ferme les yeux. Maintenant, essaie de te souvenir du plus de détails que tu peux de ce moment. »

Mes paupières clauses, j'essaie de redessiner la scène dans ma tête tout comme je le fais sur une feuille de papier. Je vois le ciel bleu parsemé de quelques nuages; je vois le chêne couvert de mille couleurs en ce mois d'octobre; je vois Élodie, dans sa large veste en jeans qu'elle a tant porté... À cette époque nous devions avoir 16 ans. C'est probablement une des périodes les plus heureuses de ma vie. Tout était parfait.

Toujours les yeux fermés, je commence à sentir le changement de météo. C'est une de ces journées agréables d'automne: ni trop froid ni trop chaud. Les rayons du soleil et le doux souffle du vent me caressent comme du velours.

- « Ouvre les yeux. »

Au moment où je les ouvre je suis ébahie. Ce paysage que je viens de dessiner dans ma tête quelques instants plus tôt, se déploie maintenant devant mes yeux. Je lève mon regard vers l'arbre qui me surplombe. Plusieurs couleurs vives du vert au rouge colorent l'arbre et le rendent éclatant. Quelques feuilles tombent autours de nous. L'automne a toujours été au plus loin que je me souvienne ma saison préférée.

Je baisse le regard le long du tronc et fais face à une jeune Élodie. Elle a bien grandi depuis le dernier souvenir. La poussière bleue a déjà disparu pour ainsi faire apparaître la magnifique couleur rousse de ses cheveux. Ils sont tressés en une natte quelque peu décoiffée qui retombe sur son épaule. Elle est si belle... Elle porte bien sa veste en jeans ainsi qu'un petit haut blanc. Comme une coutume, elle tient un livre en main, et sourit du coin des lèvres.

J'entends des pas accélérés de l'autre côté et me vois arriver. Tout comme Élodie j'ai bien grandi. Mes cheveux châtains sont maintenant bien plus court et m'arrivent juste au-dessus des épaules. Je porte un gros sac à dos rouge qui semble bien trop lourd pour moi. Élodie a aussi remarqué mon arrivée.

- « Ah bah enfin! Ça fait vingt minutes que je t'attends. »

- « Désolée. » je rigole « en faites j'ai... »

- « Peu importe! Racontes-moi comment ça s'est passé! »

- « Toute suite chef! » répondis-je d'un salut militaire.

Je m'assois en face d'elle, et essaie de trouver les mots exacts pour lui raconter.

- « Alors?... » insiste-t-elle.

- « C'était... parfait. »

- « Alors comme ça t'es déjà amoureuse? » plaisante-t-elle