"Vous avez de la chance"

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Le Silence. Le Silence est Roi en cette pièce. Maître du destin des hommes et des femmes. Maître du destin des enfants qui ont eut le malheur de naître de parents non sorciers. Le Silence. Le Silence pesant. Le Silence que l'on peut entendre, sentir, ressentir dans une morgue. Le Silence poisseux. Le Silence que personne ne veut instaurer dans une conversation qui avait pourtant si bien commencé. Le Silence pèse dans la pièce. La pièce qui est petite. La pièce qui est froide, humide. La pièce qui est tout sauf accueillante. Pas un rai de lumière ne passe entre ces quatre murs froids. Quatre murs faits de briques. Quatre murs poisseux de mousses. Un plafond bas. Un plafond parsemé de toiles d'araignées. Les toiles d'araignées. Ces horreurs sans noms. Ces horreurs qui ne devraient pas exister et pourtant elles existent. Elles sont là. Présentes. Au dessus de sa tête. Cela fait combien de temps qu'il est là ? Dans cette prison froide ? Il ne le sait pas et il ne préfère pas le savoir. Savoir combien de temps il lui reste à tenir non plus il ne veut pas le savoir. Et pourtant, l'inconnu, l'incompréhension, c'est l'une de ces sensations qui vous ronge de l'intérieur, qui vous prend aux tripes qui ne fait pas du bien à ressentir. Il souffle. Doucement. Il reprend son souffle. Il ne voit plus la lumière du jour. Il ne sait plus quand la lune se lève, quand le soleil se couche. L'incompréhension. La solitude. Le Silence est toujours là. Même son souffle ne parvient pas à briser ce Roi. Seul. Il est seul. Mais pour encore combien de temps. Pas longtemps. Des bruits de pas, lourds, décidés, résonnent à l'extérieur de la pièce. A l'extérieur de la petite pièce. Il ne bouge pas. Il ne bouge pas si bien que même le cliquetis de ses chaînes ne se fait pas entendre.


Il est seul. Menotté, entravé. Pieds et poings liés, à genoux au sol. Comme le nuisible qu'il est. Les pas s'arrêtent. Un nouveau silence. Long silence. Il souffle. Son souffle perce enfin la membrane que le Silence s'est forgé au fils des secondes, minutes, heures, jours, semaines qu'il est enfermé ici. Sa lèvre tremble légèrement. Il a peur ? Il a peur. Mais peur de quoi ? Peur de la personne derrière la porte ? Qui prend un malin plaisir à le faire attendre, languir ? Alors qu'il sait, il sait ce qui va lui arriver, parce que ce n'est pas la première fois. Ce n'est pas la dernière non plus qu'il a "droit" à de la compagnie. Et quelle compagnie. Celle d'un homme. Ou deux. Lorsqu'il est "chanceux". Chanceux n'est pas le terme. Mais c'est celui qui est utilisé pour rendre ce moment plus joyeux, plus doux. En apparence et vue de l'extérieur. "Vous avez de la chance." lui disait-on. "Vous avez de la chance nous sommes deux aujourd'hui." Il n'avait aucune chance. Aucune. Sa chance, elle s'est envolée, envolée avec sa liberté, envolée avec sa dignité. La porte s'ouvre et son regard se lève. Face à lui, deux silhouettes filiformes, encapuchonnées, comme si elle ne voulaient pas être reconnues ou reconnaissables. Mais il sait. Il ne connaît pas leurs noms, il ne connaît pas leurs visages. Mais il sait. Il sait qui ils sont. Il sait qui sont ces silhouettes qui feraient concurrences aux Détraqueurs. Son regard se pose sur les silhouettes dans un silence des plus religieux. Le silence est doux, agréable. Le silence est pesant, il tire le corps vers le bas. Il souille. Il rend poisseux. Il étouffe, asphyxie. Le silence est gardé par les deux silhouettes. Elles veulent qu'il parle, de lui-même. Mais il ne parle pas. Il ne dit rien. Il se contente de baisser le regard. Il sait. Il sait qu'il va finir joue contre terre. Il sait qu'il va en perdre son souffle. Il a conscience que son angoisse, son stresse, son adrénaline vont lui jouer un mauvais tour. Mais il ne dit rien. Toujours rien. Tant et si bien que cela agace, exaspère, exacerbe les deux personnes debout, puissantes face à lui, au sol, misérable. On relève son visage qui s'est baissé de la pointe de la botte. Son regard n'ose plus se poser sur le visage masqué de la personne.


Elle fait du mal. La personne debout. Elle tord. Frappe. Cogne. Fait saigner. Elle jure. Insulte. Hurle. Mais elle est masquée. Au final, elle n'est pas mieux que lui au sol. Il a le visage découvert. Couvert de contusions, de sang séché, mais il a le visage découvert. On lui aboie dessus mais il n'écoute pas. Il entend mais il n'écoute pas. Ce ne sont que des sons sourds. Vides de sens. Il relève finalement les yeux vers la personne. Comme répondant à ce qu'ils lui demandent. Le visage levé, le regard levé. Le visage vient heurter le sol. Sa joue touche le sol froid. Un coup. Un premier coup. La douleur est ressentie presque instantanément dès lors que sa joue touche le sol froid. Il pousse un souffle. Un souffle douloureux. Ce n'est que le début. Un douloureux début. Sa tête est relevée sans douceur. La douceur a quitté son monde depuis son enfermement. La tendresse également. Douceur et Tendresse ont laissé place à Terreur et Douleur. La tête redressée, par les cheveux, tenu dans son dos par l'autre. Sa gorge libre. Redressé de force. Il est mit debout. Debout. Face à l'autre. Il déglutit avec peine. Grande peine. Cela va être quoi maintenant. Un "Parle." sort des lèvres masquées de l'homme d'en face. Mais il ne dit rien. Il ne dit toujours rien et ne dira jamais rien. Un second coup est porté. Plus bas. Plus fort. Plus violent. Dans les côtes. C'est dans les côtes qu'il se prend le coup. Le souffle coupé, genoux à terre. Il se demande, un court instant, si ce n'est pas de sa faute. Si tout ce qu'il vit n'est pas de sa faute et entièrement la sienne. Il aurait dut naître dans une famille sorcière ou ne pas avoir de magie. Cette pensée lui traverse l'esprit. Elle semble rassurante, censée, c'est ce qu'ils veulent qu'il dise. Qu'il avoue qu'il n'aurait jamais dû faire de la magie. Mais il se tait. Cette magie, qu'il renferme, est l'une des plus belles choses que sa vie lui ait offert a contrario d'avoir une famille, des amis, il avait la magie. Il grogne légèrement d'inconfort. De douleur même. Ses côtes. Ses côtes, elles le lancent. Ses côtes, elles sont surement cassées, et pas qu'une fois.

Le SilenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant