Vous êtes merveilleux

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    Ça aurait pu être un début de journée comme les autres. Elle aurait pris un café avant de partir au bureau. Elle serait rentrée le soir assez tard, après avoir travaillé sur des dossiers supplémentaires dans l'espoir d'obtenir une augmentation. Elle aurait regardé un épisode de sa série sans grand intérêt avant d'avaler un antidépresseur et d'aller se coucher. Ça aurait pu, si elle n'avait pas tenté de mettre fin à ses jours il y a un mois. Après cette tentative, elle avait intégré un programme un peu spécial qui avait pour slogan: "Vous êtes merveilleux et nous allons vous le prouvez". Aria y avait longuement réfléchi puis elle avait décidé d'essayer, de se donner une dernière chance.Intérieurement, elle n'y croyait pas, son cas était irrécupérable,mais elle avait envie d'espérer.

C'est ainsi qu'Aria fût réveillée à 8h ce matin par une douce odeur de croissants chauds. Elle ouvrit doucement les yeux et eut la surprise de se voir, tenant un plateau. Elle les fit cligner rapidement mais non, elle ne rêvait pas, elle se trouvait bien à la fois dans son lit et debout. Se rappelant soudainement du programme, la jeune femme détailla celle qui lui faisait face. Elle lui ressemblait énormément, les mêmes cheveux blonds frisés, les mêmes yeux noisettes, le même nez retroussé, les mêmes oreilles décollées,les mêmes... un véritable sosie ! Son étonnement du se voir à sa bouche ouverte parce que son double prit la parole d'une voix robotique :

-Nous nous appelons Aria. Nous aimons manger sain et nous sommes patientes. Nous sommes capables de vaincre la dépression.

Nous? Cette femme se prenait-elle pour elle ? C'était ça leur moyen de lui montrer qu'elle était merveilleuse ? Et le fait qu'elle est un double prouvait bien que son physique tout comme sa personnalité étaient plus que banals. Elle dévisagea encore la femme, elle donnait l'impression d'être parfaite... pas comme elle. Elle détailla ensuite le plateau qu'elle portait dans ses mains, un croissant, un jus d'orange, une pomme. Ça valait mieux que son café brûlant, c'est sûr. Elle choisit donc de se lever et de porter le plateau jusqu'à la table de la cuisine.

-Nous allons sortir aujourd'hui, la dépression ne nous résistera pas.

Décidément,son sosie faisait une fixette sur la dépression, certainement comme elle mais elle ne voulait pas y penser. Préférant ne pas répondre, elle coupa son croissant en deux et lui en tendit la moitié.

-Nous sommes généreuses.

-Ça va les chevilles ?

-Nous sommes drôles et modestes. Nous parlons franchement. Nous sommes bourrées de qualité. Il ne nous méritait pas, c'est normal que nous l'ayons trompé, nous n'avons pas à nous en vouloir.

Aria sentit sa mâchoire se décrocher. Comment pouvait-elle savoir un truc pareil ? Elle n'en avait parlé qu'à son psy. Et puis merde,qui était-elle pour lui faire cette réflexion ? Fred avait toujours été un mec génial avec elle, il avait certainement des milliers de qualités de plus qu'elle et une parfaite inconnue se permettait de lui dire quoi penser ! Et de lui dire de ne pas s'en vouloir en prime! Mais déjà la voix de son interlocutrice la coupait dans ses pensées :

-Le petit déjeuner étant fini, c'est l'heure de nous préparer !

Aria se laissa guider jusqu'à son armoire et perdue dans ses souvenirs,n'écouta pas son double déblatérer pour choisir entre le short et la jupe en jean. Elle s'habilla comme un robot et sembla sortir de sa rêverie au contact de l'extérieur. Ça faisait trop longtemps qu'elle n'était pas sortie, elle profita agréablement de la douceur du soleil sur sa peau, du vent dans ses cheveux et de la morsure du froid du matin sur ses doigts.

-Nous avons un programme de folie aujourd'hui. Ce matin nous nous baladerons puis ce midi nous mangerons dans notre restaurent préféré.Cet après-midi nous ferons du shopping, ensuite nous dînerons à notre brasserie préférée et ce soir nous irons voir un concert d'un groupe que nous adorions enfant.

-Du shopping ? Sérieusement, tu n'as pas moins cliché ? Et c'est une mauvaise idée ce concert, déjà je n'aime pas la foule, ensuite,mes goûts d'enfants n'étaient vraiment pas top.

-Faisons-nous confiance aujourd'hui et nous profiterons.

Ce double commençait vraiment à l'irriter. Était-elle vraiment aussi insupportable ? Est-ce qu'elle tapait autant sur les nerfs des autres personnes ? Peut-être était-ce pour ça qu'on l'esquivait ? Se sentant mal, elle n'arriva pas à se changer les idées et à profiter de la promenade, toutes ses pensées étant tournées surelle-même. Aussi fut-elle surprise lorsqu'elles arrivèrent au restaurant.

-Allons-nous réussir à nous décider entre les pâtes carbo et les escargots ?

-Choisis plutôt ce qui te plaît à toi.

-Nous devrions draguer ce serveur là-bas, c'est notre style et il al'air de bien nous aimer aussi.

-Non merci, mais toi tu peux flirter si tu veux.

-Nous devrions pourtant, il est mignon.

-Mais putain qu'est-ce que tu ne comprends pas ? Vis ta vie, fais ce que tu veux mais arrête ton forcing ! Qui penses-tu être pour me conseiller comme tu le fais ?

-Nous sommes nous.

Aria prétexta un besoin urgent et fila aux toilettes. Elle se sentait mal en compagnie de son sosie. Elle se trouvait envahie de questions qui la tourmentait. Son double ne faisait que lui montrer sa propre solitude et à quel point elle n'était rien sinon une gêne... Elle réprima son envie de vomir et se rafraîchit le visage avant de sortir.

L'après-midi se poursuivit sur un après-midi des plus ennuyants et les deux filles arrivèrent à la brasserie aux alentours de 19h30. Aria prit les commandes et respira en pensant qu'après le concert, cette affreuse journée serait finie.

-Nan... J'y crois pas ! C'est toi Aria ? Wah, ça fait grave longtemps! Je savais pas que t'avais une jumelle, enchantée mademoiselle.Comment tu vas depuis tout ce temps ?

Elle dévisagea Loïc, un de ses anciens amis proches, qui se posa sans demander sur la chaise à côté d'elle. Elle l'avait connu au lycée puis ils avaient entrepris les mêmes études de comptabilité. Ils s'étaient perdus de vue après ça.

-Ce n'est pas ma jumelle et je ne sais pas, je pense que ça pourrait aller mieux... Et toi ?

-Moi ça va, j'ai totalement arrêté la compta mais je te raconterais ça un autre jour. Qu'est-ce qui t'es arrivée ?

Il y avait quelque chose dans sa voix qui donnait envie de lui faire confiance alors elle commença à lui raconter brièvement ce qui lui était arrivée puis, prise dans son récit, lui expliqua tout : sa rencontre avec Fred, leur dispute, qu'elle l'avait trompé pour se venger, combien elle s'en voulait, comment elle s'était renfermée,sa tentative de suicide, l'hôpital et le fameux programme. Il l'écouta sans broncher puis quand il comprit qu'elle avait fini, il prit la parole :

-Donc tu t'es renfermée sur toi-même alors que personne ne t'a fait de reproche. Tu n'as pas laissé tes amis t'aider. Tu ne l'as pas laissé te pardonner. Le seul truc que j'ai envie de te reprocher,c'est de ne pas avoir pensé au mal que ta perte nous aurait fait.

Il n'ajouta rien, se contentant de serrer Aria dans ses bras. Ils discutèrent encore un peu et Loïc prit congé de son amie.

-Tu voulais aller à un concert du coup ?

Elle regarda autour d'elle, mais son double semblait avoir disparu. D'un pas léger, elle rentra chez elle et décida de faire enfin un peu de rangement. Puis, plus sereine, elle se posa sur son lit et décida de l'appeler. Le plus lentement du monde, elle composa les 10 chiffres qu'elle connaissait par cœur, 3 sonneries retentirent quand sa voix s'écria :

-Aria ! J'ai eu tellement peur, si tu savais...

Ils discutèrent toute la nuit et cette conversation leur appartient mais alors que le soleil se levait, Aria écrivit dans son carnet un texte dont nous pourrons retenir les dernières phrases :


Et j'ai laissé ce songe, ce doux sosie s'évaporer...

Parce que ce n'est pas moi, parce que je suis unique.

Tout ira mieux à présent, je vais travailler dur pour être celle que je veux être.

Pas la copie...

L'originale.

Vous êtes merveilleuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant