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Il s'appelle Mackenzie, je l'appelle Mackie. C'est plus rigolo. Je l'aime et je crois bien qu'il m'aime. Mais à quinze ans, on ne dit pas les choses ainsi.
On dit:
-je vais te manquer, Mackie?
-ouais... Mais toi, tu vas en vacances, c'est super. Moi, je reste à Birmingham tout l'été, c'est galère.
Et puis la danse finie, l'heure venue de se quitter, pour que papa et maman ne fassent pas de scandale, on dit encore :
-bon, ben salut Mackie..
Et le baiser dit le reste, au coin des lèvres.
-salut Zana...
Et le regard qui frôle en dit encore un peu plus.

C'était hier, c'était la nuit. À l'aube, à l'aéroport de Londres, après des heures de trajet en bus, une tasse de thé et un beignet constituent ma ration de survie. Papa et maman ne me quittent pas des yeux et je suis affreusement nerveuse.
-maman? Si je ne me plais pas là-bas, je pourrais revenir tout de suite ?
-Bien sûr, tu peux revenir quand tu veux Zana... Qu'est-ce qu'il y a? Tu semblait si heureuse de partir.
-rien... Tout va bien, c'est juste que... Si ça ne me plaisait pas...
-toi qui aimes tant le soleil, ça m'étonnerait... Dès que tu seras là-bas, tu oublieras l'Angleterre.
Je me suis bien gardée de posé la question devant papa et ses deux amis, pour ne pas les vexer. Papa m'a laissée partir avec eux au Yémen, son pays natal. Abdul Khada et son fils Mohamed m'invitent dans leur famille, voyagent avec moi, ils sont très gentils et généreux. Une telle question de ma part les aurait sûrement offensés.
Abdul Khada est un ami de mon père, quarante-cinq ans cheveux noir frisés, terriblement moustachu et d'une élégance un peu raide. À côté de mon père toujours légèrement voûté, il se tient droit, l'air sur de lui, dominateur malgré sa taille relativement modeste. Son fils aîné Mohammed, plus petit, trapu, gros même, semble sympathique, comme souvent les gros, plus amical et chaleureux. En fait le père a un visage rébarbatif, plutôt laid, alors que le fils est agréable. Mohammed est marié et à deux enfants. Je sais peu de chose sur eux à vrai dire. Ce sont surtout les amis de papa.
-tu à peur de l'avion Zana?
-Ça ira maman...
En fait j'ai peur, mais je n'aime pas le dire. C'est mon caractère, je me sens dire, solide dans ma tête. Pourtant ce baptême de l'air, qui va m'emporter à des milliers de kilomètres de chez moi, provoque une sorte de tremblement intérieur, l'impression que le danger me guette, avec un creux à l'estomac, bizarre, comme une boule de vide plutôt. Je ne sais comment identifier cette sensation. Disons que ce premier voyage en avion, le premier de ma vie d'adolescente, est impressionnant, mais je ne l'avouerai pas.
-j'aurai préféré partir en même temps que Nadia.
-ta soeur te rejoint dans quinze jours à peine, et tu ne verras même pas le temps passer.
Maman à confiance en moi, elle me sait raisonnable. Elle vérifie ma tenue en décroissant légèrement ma jupe à fleurs.
-tu vas profiter du soleil là-bas. Tu m'écriras en arrivent, dès que tu auras vu ton frère et ta soeur. Où est ta valise ?
Ma valise est entre mes deux pieds chaussés de sandalettes en cuir. Je n'emporte que des vêtements légers, jupes de rechange et tee-shirt, quelques affaires de toilette, les précieux livres et ma musique. C'est ma première valise, toute neuve, marron, celle de Nadia est bleue, nous avons fait les grand magasins exprès, la semaine dernière, et j'étais plus gaie qu'aujourd'hui à l'idée de partir en voyage.

Des hommes d'affaires, armés de leurs attaché-cases, courent pour attraper les premiers avions de la matinée. L'aéroport s'anime soudain, le panneau lumineux crépite en affichant des numéros de vols pour le monde entier. C'est un spectacle fascinant que toutes ces petite lumières, elles représentent presque toute la planète, et je me temps compte bêtement, ici, dans cette salle d'attente, que le monde est immense.
Mon père et ses amis revienne de la terrasse, d'où l'on voit décollé les avions. Papa est assez souriant derrière sa moustache en bataille, les mains dans les poches, le corps légèrement penché en avant, les épaules fléchies, dans son attitude préféré, il discute en arabe avec ses amis. Le sourire est rare chez lui. Son visage et son expression habituelle, moroses, lui donnent plutôt l'apparence d'un être soucieux de nature.
-Zana... Tu seras respectueuse avec mon amis Abdul Khada, montre toi bien élevée, lorsque tu seras dans sa famille.
-Oui papa.
-c'est bientôt l'heure, allons-y!
Abdul Khada marche devant nous, suivi de son fils Mohammed. Il présente les passeport, les billets, et s'occupe des formalités tandis que j'embrasse maman devant le portillon qui va nous séparer. Ma nervosité augmente. Papa, qui n'est pas du genre tendre et ne m'embrasse qu'aux fête carillonnées, se penche pour un baiser rapide, qui effleure à peine ma joue, avec un dernier Conseil :
-je te confie à mon ami Abdul Khada, c'est un homme très respecté chez lui, écoute ce qu'il te dit, obéis. Son invitation est très généreuse... Tu m'entends Zana?
-oui papa.
J'entends comme dans un brouillard, des tas d'idées stupides se bousculent dans ma tête : "et si l'avion tombait ? Et si je me noyais en mer? Et si j'étais malade dans l'avion? Et si je décidait de ne pas partie maintenant, d'attendre Nadia? " Impossible, papa se mettrait dans une colère terribles. Alors je passe sagement la douane et la police, en suivant mes deux guides, je regarde filer ma valise sur le tapis roulant et la vois disparaître derrière les petits rideaux de plastique qui se referment avec un claquement définitif. C'est parti, je me tords le cou pour dire encore adieu à maman. J'aurai aimer qu'elle vienne aussi. Toute seule avec ces deux hommes moustachus, au regard sombre, je me sens vulnérable.
Le terrain immense est devant nous, l'avion au bout de la poste, le vent comme ma jupe à fleurs sur mes jambes. Le souffle un peu coupé, je me retourne pour tenter d'apercevoir encore maman, là-bas derrière les vitres du terminal, mais je ne peux déjà plus distinguer les visages. Je mange mes cheveux à chaque rafale, le goût du shampoing de la veille me reste au coin des lèvres, mélange de vanille er de miel, qui sent les vacances.
Ce voyage sera formidable, super, nous n'avons cessé de nous en persuadé avec Nadia, depuis le début. J'ai simplement peur de grimper dans ce grand aigle immobile, qui attend le ventre ouvert de m'avaler tout entière. Plus j'avance et plus il grandit ! Jamais vu je n'aurai crus qu'un avion était si grand. Je n'en ai jamais vu de près, seulement lorsqu'ils passent dans le ciel de Birmingham, comme des flèches brillantes avec leur queue de vapeur blanche.

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⏰ Dernière mise à jour : Jun 10, 2020 ⏰

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