Chapitre 17 : Premier jour

33 1 31
                                    

Dans la nuit noire, les trois rovers avancent au ralentit. Guidés par Litz, ils roulent en file indienne jusqu'au module. La vision nocturne de leurs caméras éclaire leur chemin sur dix mètres. Ils longent en rang serré les crêtes en esquivant rochers et trous. A cause de la faible qualité d'image, toute mesure n'est réalisable qu'à l'aurore. L'obscurité, mêlée à une météo pluvieuse limite la capacité des instruments.

En orbite, Litz a déterminé la durée d'une journée standard sur Meg 15 grâce aux sondes atmosphériques. Son axe de rotation diffère de la verticale de douze degrés et quatre minutes. Le Nord est décalé de huit degrés du Nord magnétique. La planète complète un tour sur elle-même en cinquante-deux heures et trente-deux minutes. Une année équivaut à environ cent-quatre-vingt-six jours. Avec ces informations, Matthew a instauré son nouveau rythme de vie : des journées de cinquante-trois heures, coupées en deux cycles de sommeil de neuf heures, deux temps vacants de huit heures, deux temps de travaux de huit heures et six repas. Le handicap sera évidemment la pénombre nocturne, il s'activera pour la mission surtout de jour, et profitera du reste pour se maintenir en forme et se détendre.

Matthew abandonne au passé son périple spatial, cette période éprouvante qui ne lui a causé que des insomnies. A la place, il remplit sa tête de projets. La base de données de Litz dispose de sources de distraction illimitées : films, jeux, documentation, tout le contenu autorisé par la Fédération. Trois mois à la parcourir, et pourtant il n'a gratté que la surface. La culture humaine lui réserve encore bien des mystères, des soirées amusantes en perspective. Il compte également aménager une petite bibliothèque pour ses livres de collection, se mettre au dessin, à l'écriture de ses rapports et aux révisions de ses cours d'agriculture. En bref, il souhaite se reconnecter à des activités simples, sans pression. Une nouvelle ère de sa vie débute.

Lorsque Litz transmet son premier rapport, les trois rovers sont arrivés dans la vallée sans encombre. Une forte pluie clapote sur leur tête de métal. La visibilité est nulle. Rien d'autre à faire que de patienter jusqu'au lever de Meg Alpha. Les engins se cachent à l'abri en haut d'une colline, puis se recroquevillent dans leurs cubes en veille.

Le problème des journées de cinquante-trois heures, c'est que la moindre attente s'éternise. Le matin ne vient pas. Incapable de combattre le temps, Matthew ravale sa frustration et se contente d'apprécier les petites découvertes. Par exemple, contrairement à ce qu'il supposait, les nuits sont froides sur l'île Pan. Les thermomètres des sondes ont enregistré un minimum de moins trois degrés. Cela s'explique par la lenteur de la planète à tourner. A partir du crépuscule, la surface évacue de l'énergie dans l'espace en continu pour n'en récupérer qu'au lendemain. A cause des longues nuits, les perditions de chaleur sont significatives. Heureusement, l'atmosphère dense la sauve de la glaciation. A l'inverse, lorsque Meg Alpha brille, les températures grimpent certainement très haut. Ces écarts considérables provoquent des perturbations, ce qui alimente les précipitations et les tempêtes. Matthew considère la position actuelle de Meg 15 sur son orbite. D'après les modèles, le printemps débute à peine dans la région.

Litz reçoit les prévisions météorologiques des sondes atmosphériques. Des orages se succèdent sans fin, entrecoupés d'éclaircis humides. Les vents soufflent souvent à plus de quatre-vingts kilomètres heure, un premier facteur de danger pour une sortie physique. L'air a livré sa composition fixe. Malgré quelques fluctuations, il se constitue au niveau de la mer de quatre-vingt-dix pour cent de diazote, neuf de dioxygène, et un mélange d'hydrocarbures légers, d'ozone et de gaz nobles. Il peut se vanter à raison d'être l'explorateur le plus chanceux du cosmos, même les cas les plus propices à la colonisation n'atteignent pas ce profil. Meg 15 est bel est bien un paradis perdu, la pionnière d'un genre exceptionnel. Son rapport sera une mine d'or pour la Fédération, à sa grande fierté.

EverdalOù les histoires vivent. Découvrez maintenant