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2023.
tout a commencé sur ce pont. si célèbre pour sa couleur, si grand, rouge sang. nommé le golden gate. il faisait nuit noire et des dizaines de voitures passaient encore dessus même à cette heure si tardive. se préoccupaient-ils du malheur d'une pauvre femme qui ne comprenait aucun de ses faits et gestes ? comme si son propre corps lui était inconnu.
parce qu'un rien pouvait faire plonger les personnes les plus généreuses, aimantes et sincères, au fond du trou. se sentir moins que rien, se demander pourquoi exister, pourquoi vivre pour des personnes qui n'en valent sûrement pas la peine. moi, je demandais juste de la reconnaissance, des remerciements quant aux nombreuses choses que j'effectuais dans ma si courte vie.
j'étais une jeune chanteuse qui exprimait des peines à travers des musiques tristes. mais la plupart du temps, je n'exprimais même pas mes propres maux. comme si j'avais honte de leur faire face. c'était évident, tout le monde avait peur de faire face à ses démons. confronter son pire cauchemar et lui cracher à la gueule était sûrement le plus long combat à avoir dans une vie. les gens qui sortaient vainqueurs de ce match parvenaient à se maintenir en vie, à trouver un job qu'ils appréciaient, à aimer la personne qu'ils souhaitaient, hommes, femmes, non-binaires.
moi ? vingt-et-un ans, toutes mes dents, toutes mes angoisses, tous mes regrets et tous ces lourds fardeaux que je porte sur mes frêles épaules depuis cinq années. cinq années que mes chansons plaisent, le temps passe tellement vite. chaque jour, on m'apprenait à exprimer mes passions, ne jamais abandonner mes rêves et toujours aller de l'avant peu importe l'obstacle qui se dresse en travers de mon chemin. mais une fois cette longue traversée effectuée, pourquoi ne m'a-t-on pas prévenue que mon rêve exaucé était en réalité pire que quand il était ancré dans mon esprit ?
écrire des chansons, avoir une popularité naissante, devoir faire attention à chaque détail que l'on montre de sa vie professionnelle ou privée, se faire prendre en photo à son insu. se faire traiter de tous les noms parce que j'ai une couche de vêtements en trop, ou alors qu'il m'en manque une. à quoi bon m'acharner avec ces doutes qui me restent en tête ? je passe pour une parfaite inconnue à cette heure-ci, je pourrais parfaitement me laisser tomber du pont, serait-ce plaisant que mon nom soit plaqué sur tous les journaux people du monde entier ? la grande, que dis-je, l'immense chanteuse franco-néerlandaise meï, mondialement connue et compagne du footballeur anglais jadon sancho, décédée mystérieusement la nuit dernière, retrouvée dans la baie de san fransisco.
car oui, encore et toujours je me retrouve associée à ce joueur fraîchement arrivé à manchester united. toujours jugée, toujours impliquée dans les raisons de sa méforme ou au contraire, de sa forme surdimensionnée. en couple depuis presque deux ans, il est arrivé quand j'étais déjà célèbre. il ne m'a jamais vue dans mon état normal. un jour je me confierai peut-être. d'ailleurs je lui avais dit que j'allais me balader tout à l'heure, il doit s'inquiéter. peu importe, si je fais ce choix je ne lui serai plus toxique.
