Interrogatoires et indices

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"Vous êtes bien Monsieur Clément LeFabre ?"

Hyun faisait passer le temps avec ses interrogatoires. Le cinquantenaire, bien portant, poivre et sel, hocha la tête sans lever le regard de la copie qu'il corrigeait. L'agent toussota sans que l'homme ne réagisse. En désespoir de cause, le brun lui fichut sa plaque sous le nez.

Le professeur émit un claquement de langue mécontent et daigna enfin poser son stylo pour jeter un oeil à son interlocuteur. Il avait un regard courroucé qui déplut à Hyun. Heureusement que j'aime ce travail...

"Vous n'êtes pas sans savoir que Mélody Rousseau, l'assistante du professeur Zaidi, a été assassinée ?

- En effet, je suis au courant.

- Vous n'avez rien remarqué de bizarre, ce mardi-là ?

- J'aurais dû ? rétorqua l'homme.

- Oui, en effet. J'ai un témoin qui vous a vu à l'université dans la tranche horaire du meurtre."

Le policier répondait du tac au tac. Il remarqua que son témoin grinçait des dents sans la moindre discrétion. Visiblement, cet homme s'en fichait d'être désagréable pourvu qu'il ait la paix au plus vite.

"Je suis rentré dès que j'en ai eu fini avec mes copies. Vous savez ce que ça fait de passer une centaine de feuilles dans une machine et de vérifier qu'elle fait bien son boulot ?

- Je ne tiens pas à le savoir. Je suis là pour rendre justice à une jeune fille qui a été étranglée, riposta l'agent, sourcils froncés.

- Je ne connaissais pas cette fille plus que ça. Interrogez Zaidi."

Sans plus de cérémonie, Clément LeFabre désigna la porte d'un doigt impérieux, en un ordre non dissimulé visant à éjecter le jeune homme furibond de son bureau. Hyun s'exécuta en grondant intérieurement sur les types mal lunés qui freinaient son enquête.

Il sortit le plan qu'Éléanor avait glissé dans la poche arrière de son pantalon le matin même -non sans lui pincer la fesse- et prit le chemin qui le guidait vers le bureau de Monsieur Coutelier. Soudain, on lui gratouilla la nuque. Il attrapa la main du coupable et ne fut pas le moins du monde surpris de tomber sur sa belle.

"Tu sais que tu ferais presque peur avec tes sourcils tous froncés ? plaisanta-t-elle.

- M'en parle pas...

- Laisse moi deviner : tu sors du bureau de LeFabre ?

- Un type pas très agréable, commenta le policier.

- Il fait cet effet à tout le monde. Le doyen ne veut pas le renvoyer parce qu'il est très compétent dans ce qu'il fait. Mais il est assez aigri dans son genre.

- Je ne te le fais pas dire."

Face à la mine sombre de son amant, la documantaliste se décida à le dérider. Elle jeta un regard circulaire au couloir et attrapa les pans de sa veste pour entraîner le jeune homme dans un recoin. Il la gratifia d'un air surpris qu'elle effaça en lui volant un baiser. Effet immédiat : le rictus pincé du policier se métamorphosa en sourire. Il enlaça la bibliothécaire et l'assaillit de dizaines de petits bisous. Elle éclata de rire.

La brune caressa ses cheveux, s'accrocha à sa nuque et se laissa entraîner dans une étreinte moins innocente. Elle ne savait même pas comment ses doigts étaient passés sous la chemise de l'agent. A vrai dire, elle s'en fichait. Ils n'avaient pas dormi des masses la nuit précédente mais ça n'avait suffi à aucun des deux. C'est long à récupérer, autant de temps perdu... A regrets, elle s'arracha à ce baiser impromptu.

Vestiges des coeurs abîmésWhere stories live. Discover now