Seconde chance

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Face à Voldemort, Severus comprit qu'il allait être tué. Il avait suffisamment joué avec la chance, il avait probablement pris le risque de trop. Même s'il ne s'en était pas rendu compte, il avait dû commettre une erreur, à un moment.
Une minuscule erreur, probablement infime. Un écart, qui n'aurait pas dû attirer l'attention.

Mais le Lord était un Maître exigent et un homme - un monstre - paranoïaque. Au moins, Severus avait la satisfaction d'avoir tenu jusqu'au bout. D'avoir gardé le gamin insupportable en vie jusqu'à la dernière minute. Jusqu'à ce qu'il puisse remplir son rôle et délivrer le monde magique.

Au moment de le tuer, le Lord avoua que c'était parce qu'il avait tué Dumbledore qu'il allait mourir. Alors que Nagini le frappait de ses crocs, maudit le vieux Directeur. Le vieux fou avait su qu'il serait tué pour ça, et il avait fait en sorte de sauver Drago Malefoy pour une raison encore obscure.

Severus avait perdu ses illusions de nombreuses années auparavant. A l'instant où il avait pris la marque - comme une rébellion - sa vie avait perdu toute valeur.
Il était un gamin immature et jaloux, révolté. Il brûlait de colère, après la mort de sa mère adorée. Son père ne l'avait jamais aimé et son enfance avait été misérable. Il avait été humilié par les Maraudeurs, et aucun élève de sa maison ne lui avait tendu la main.

Il n'en prendrait conscience que bien des années plus tard, mais si une seule personne lui avait montré de l'amitié - comme Lily avant leur dispute mémorable - jamais il n'aurait rejoint le Seigneur des Ténèbres.
Il ne cachait pas son attirance pour la Magie noire ou pour la puissance mais il aurait refusé de devenir l'esclave de quelqu'un. Le tatouage sur son bras était la marque de la honte, le début de sa déchéance...

Dumbledore l'avait peut être aidé, l'avait protégé d'Azkaban, mais il l'avait utilisé sans vergogne. Severus ne lui en voulait pas : c'était la guerre et tous les moyens étaient bons pour éliminer le Mage Noir qui devenait de plus en plus dangereux.
Il aurait aimé cependant que son sacrifice ne soit pas vain et qu'il puisse sauver la vie de sa Lily.

Le Maître des potions s'effondra sans un cri, alors qu'il eut l'impression que le sang dans ses veines se changeait en lave. Il lança un regard de pure incompréhension au Mage Noir qui se détourna sans montrer le moindre sentiment.
Tant d'années à s'incliner, à être un parfait Mangemort, un laquais en apparence fidèle, pour être éliminé comme un animal encombrant.

Un fois seul, Severus ferma douloureusement les yeux, empli de regrets amers. La douleur atroce qui était en train de le tuer n'était peut être que justice après tout. L'expiation de tous ses pêchés... bien trop nombreux pour les lister.

Une main douce sur sa joue le fit sursauter et il écarquilla les yeux en voyant un regard vert familier plein de larmes. Il se raidit, avant de comprendre lorsqu'il entendit parler.
- Professeur. Professeur Rogue... Oh ne mourrez pas je vous en prie. Pas vous...

Potter. Potter et ses deux acolytes, Potter l'insupportable gosse qui avait le poids du monde sur ses épaules.
Potter qu'il avait humilié années après années, qu'il avait malmené et insulté. Potter, le seul qui pleurait sur lui, visiblement sincèrement ému de la fin tragique de l'horrible chauve-souris des cachots.
Potter qui avait une main sur sa gorge déchiquetée et qui appuyait fermement, essayant d'empêcher sa mort.

Pour la première fois, Severus laissa tomber son masque de Mangemort et il leva la main vers la joue du garçon. Il tremblait légèrement et murmura, malgré sa gorge douloureuse et le sang qui s'écoulait.
- Vous avez ses yeux...

Le gamin cligna des yeux, chassant les larmes, mais la lueur de la compréhension brilla soudain dans son regard.
- Vous avez connu ma mère.
Severus soupira, sans quitter des yeux le regard de Lily. A l'approche de la mort, alors qu'il sentait son corps se refroidir, il regrettait de ne pas avoir été plus... agréable avec le fils de son grand amour.
Il avait accusé un enfant de trop ressembler à son père - père qu'il n'avait pas connu - dévoré par la jalousie. C'était cet enfant qui était là pour ses derniers instants, et qui le tenait avec précautions, pleurant sur lui, essayant de le sauver avec désespoir.

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