Miroir

trois

Felix n'avait pas de shooting tous les jours, en général, durant un mois, il travaillait presque autant qu'il se reposait. Et, en addition de cela, il avait une réunion mensuelle avec son équipe. La réunion concernait la une du journal dont il était l'égérie. L'équipe spéciale était composée de Hun, manager en son état, Jackson, le styliste attitré à Felix, Shuhua, la directrice éditoriale du journal, Rosé, photographe, et Mark, le directeur marketing. D'autres personnes les rejoignaient de temps à autre mais ceux-là étaient les réguliers. En réalité, ils étaient plus comme un groupe d'amis que comme une équipe, voilà pourquoi tout le monde s'enquit du sommeil de Felix lorsqu'il arriva dans la salle de réunion, Hun avait dû les mettre au courant. Pourtant, lorsque ledit Hun pénétra dans la salle de réunion, tous les regards se tournèrent vers lui. 

Le manager à la chevelure turquoise arborait de jolis cernes, ne rivalisant pas avec celles de Felix tout de même, en plus de son air grognon habituel. Tout le mond était inquiet. Jamais, jamais, Hun ne faisait d'insomnies, quelque chose devait être arrivé. Le jeune homme fut assailli de questions mais il les arrêta avec un simple : "Commençons la réunion.". 

Leur meeting se passa paisiblement, l'équipe décidant d'un numéro "Ôde à la nature" dans lequel Felix devrait poser sans maquillage, ce qui dévoilerait ses "adorables freckles", dans un champ. Le mannequin était plutôt content de pouvoir sortir de la ville, juste pour échapper à la solitude de son appartement. 

Le roux et son manager furent les derniers à quitter la salle, Felix voulait parler. Surtout qu'il avait une assez bonne idée de ce qui tourmentait l'homme à ses côtés. Hun était connu parmi leurs amis pour être gaga de chats, sa famille avait été adoptée par 8 chats depuis sa plus tendre enfance. Au début de l'année, il avait franchi un pas et avait accueilli chez lui un chat : Romang. Depuis, le manager était aux anges, la boule de poils grise et dodue faisait son bonheur. Et son malheur. Felix était persuadé que Romang était malade ou faisait la tête à son maître pour qu'il soit comme ça. Il interrogea donc son manager sur ce qui le troublait. La réponse ne se fit pas attendre. 

-Felix, est-ce normal pour un chat de faire une crise d'adolescence ?

Le doute se lisait dans ses grands yeux noirs. Felix soupira, un peu embarrassé de devoir dévoiler ses connaissances sur les félins. Que Hun soit heureux du nombre d'encyclopédies sur les chats qu'on avait offert à Felix sous prétexte que "Nan mais tu sais, Felix le chat...". Il déballa alors sa connaissance: Oui, les chats avaient une sorte de crise d'adolescence, durant laquelle ils essayaient de s'émanciper de leur figure parentale, Hun dans ce cas de figure. Et oui, ça pouvait être définitif. Après ces mots, Hun se mit à marmonner dans sa barbe inexistante (vive les gènes asiatiques), cherchant un moyen d'attirer à nouveau son chat adoré à lui. Felix lui tapota l'épaule avant de partir pour répondre à un appel, pensant qu'il s'agissait de son colocataire. C'était une publicité pour chaudière.

Le mannequin sourit en rentrant dans son café favori, caressant de deux doigts la tête d'un chien venu l'accueillir. Il adorait ce dog café, découvert un jour de pluie. Il considérait presque l'endroit comme son jardin secret, il n'y avait jamais emmené personne et y allait dès qu'il se sentait un peu stressé ou déprimé. La présence des chiens était vraiment apaisante, les cafés étaient délicieux et accompagnés d'une tranche de gâteau, qui variait chaque semaine. Cette semaine-là, c'était le pain à l'épice qui était mis à l'honneur. 

Il se reposa, de façon à être relaxé avant d'affronter une nouvelle nuit sans sommeil. Il avait déjà arrêté de lutter pour le trouver.