La Zone

7 juillet,

Nous marchons encore et encore. Personne ne nous a suivis. Nous ne sommes plus que trois: Drago, Valentin et moi. Il ne reste plus rien.

Où allons-nous ? Je ne sais pas. Nous suivons simplement le chemin de l'étoile. Cette étoile, tu la connais. C'est celle qui m'a guidé jusqu'à toi. Me portera-t-elle chance encore une fois? Je ne sais pas, mais j'espère.

Arriverons-nous à survivre ? J'espère. Pourrons-nous nous revoir ? J'espère aussi. Trop de questions se posent dans ma tête. Tout est flou. Tout est devenu flou. Nous allons nous arrêter pour nous reposer, enfin je crois.

Drago a l'air aussi mal que moi. Je pense qu'il a un manque. Tu vas me dire : "qu'est-ce qui lui manque ?" Je crois que sa famille lui manque ou peut-être autre chose. Je ne sais plus, je suis perdu. Tu sais, il a gardé ce t-shirt qu'on lui a offert. Rappelle-toi, celui avec l'arc-en-ciel. Celui dont il ne voulait pas. C'est drôle quand on y pense. Il l'a pris pour fuir. Cela montre qu'il y tient énormément.

Valentin a gardé son sourire. Je ne sais pas comment il fait. Je pense que c'est grâce à lui que nous tenons, que nous avançons. Tu m'as dit que tu viendrais nous rejoindre mais tu n'es toujours pas là. Quand arriveras-tu ? Tu me manques. Vas-tu nous retrouver ? Le chemin est long.

Tu sais que cela me fait penser à la chanson de Joe Dassin "Qu'il est long, qu'il est loin ton chemin papa. Tu devrais t'arrêter dans ce coin". Je pense que cela nous représente. Nous devrions nous arrêter dans un coin mais nous n'avons pas le temps. Tout arrive trop vite.

Où es-tu ? Que fais-tu ? J'ai besoin de te revoir, j'ai besoin de ton aide.

8 juillet,

Nous sommes encore sur la route. Cette foutue route qui nous sépare. Cela fait peut-être quatre ou cinq jours que nous sommes partis. J'ai faim. Nous n'avons pas pu manger hier, ni aujourd'hui. On nous a peut être nourri. Je vais bientôt arriver.

Tu te rappelles lorsque nous nous sommes rencontrés pour la première fois ? Je venais d'arriver dans la ville, j'avais la tête qui tournait. Je m'étais assis près d'un mur. Tu es arrivé mais je ne t'ai pas vu. Tu m'as engueulé, je me rappelle de tes mots: "Mais que fais-tu ici ? Tu fais partie de ces alcoolos qui viennent pisser sur mon mur ! Vous n'avez pas le droit ! Je vais appeler la police! Encore un enfant qui ne sait pas se prendre en main.". J'ai levé mon regard sur toi. Nos regards se sont croisés. Tu as vu les larmes qui coulaient sur mes joues. J'étais totalement perdu. Je ne me rappelais même pas comment j'étais arrivé ici. Tu m'as aidé. Tu m'as emmené chez toi. Je t'ai expliqué que je ne me rappelais de rien, que j'avais mal à la tête. C'est peut-être cela le coup de foudre ?

Tu m'as raconté comment tu étais arrivé ici, comme moi, tu ne te rappelais plus de la façon tu avais atterri dans ce lieu. Cela faisait deux ou trois mois que tu étais là. Tu ne savais pas comment retourner de l'endroit d'où tu venais. Tu m'as expliqué que toutes les personnes étaient coincées dans cette ville, dans cette zone. Pourtant tu as réussi. Tu es parti de la zone. Tu ne m'as pas prévenu. J'ai pleuré ton départ.On ne devait pas se quitter Louis. Tu me l'avais promis. Mais aujourd'hui c'est à mon tour de partir de la zone. Drago et Valentin m'ont suivi. Ce n'était pas prévu , je devais partir seul. Rien ne se passe comme il se doit.

9 juillet,

Trois jours, trois jours de marche. J'ai soif. J'ai mal. Mon corps a mal.

Tu te rappelles comment j'ai rencontré les deux hommes qui sont avec moi. J'étais chez toi, comme d'habitude, je t'attendais. Tu es arrivé avec Drago et Valentin. Vous étiez un peu surpris. En même temps, je n'étais pas en grande forme. J'avais besoin de tes bras. J'avais besoin de me sentir mieux. Les garçons m'ont regardé et ils m'ont souri. Je voyais dans leur regard de la bienveillance à mon égard. Pourtant, j'étais intimidé par eux. Tu me connais, tu sais que j'ai dû mal à accepter ce que je suis. J'avais quand même réussi à renverser le chocolat chaud que j'avais préparé. Un vrai maladroit.