- Haine dévastatrice -

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    Ça me brûlait. Une boule semblant entièrement composée de feu m'irritait douloureusement la gorge. Je n'arrivais pas à comprendre comment j'avais pu le laisser me piéger aussi facilement. Comment j'avais pu le laisser me contrôler tel un pantin sans vie. Voilà que Pinocchio se trouvait poussé au bord du gouffre.
    Je devais me reprendre. Je le devais pour ma survie. Mes sentiments devaient fondre comme de la glace au soleil. Un éblouissant soleil calcinant tout sur son passage. La raison devait l'emporter sur le cœur. Et ce sera le cas. Enfin, c'était ce que j'aurais voulu. Ce que j'aurais préféré. Mais mon corps s'était rebellé et avait fait mutinerie.

   Mes pieds restaient ancrés dans le sol. Mes jambes m'empêchaient d'effectuer un quelconque mouvement. Et mon cœur.... Je le sentais battre si fort dans ma poitrine. Il tambourinait, résonnait dans ma tête. Mon coeur me prouvait qu'il ne laisserait pas la raison le vaincre. Voilà donc le leader de cette mutinerie.
   Je poussai un soupir. Un soupir que mon corps traduisit comme le levé du drapeau blanc. Il se détendit alors et je repris son contrôle, soulagée.
  Je remarquai le regard persistant de Grey et celui, dérouté, de Jellal. Je secouai la tête et inspirai profondément, humant une délicieuse odeur de viennoiserie. Je me tournai vers Jellal et le toisai durement du regard.
- Tu t'es vraiment foutue de moi. M'amener dans un café qui rassemble mon ancien entourage ? T'as rien trouvé de mieux pour me faire revenir ?
- Lucy, c'est pas ce que tu crois... Je voulais vraiment que tu recommences ta vi-
- Encore ? Tu veux que je la recommence ENCORE ? Tu sais combien de fois j'ai remis le compteur de ma vie à zéro ? Trop de fois.
- Et tu vas me dire que ta nouvelle vie te convient ? Je ne veux pas te juger cependant, je le dois car je crains que ton état ne s'empire. Faire toutes les boîtes de la ville pour coucher avec des hommes dont tu ne connais absolument rien ? Boire, encore et encore ? Mais bon sang, Lucy ! Lâcha Jellal, un tantinet trop fort.
La clientèle buvait ses paroles dans un silence religieux. Plus personne n'osait rien dire, de peur de recevoir les foudres du bleuté. Jellal embrassa la salle du regard et soupira.
- Je ne veux pas que tu tombes dans ces habitudes. Je ne veux pas le concevoir. Tu es celle qui a le plus compté dans ma vie. Tu as été si importante pour moi que je ne me vois pas rester davantage les bras croisés. Je veux t'aider car je ne veux pas que tu regrettes ton passé, Lucy.
- Arrêtes. Je n'ai pas besoin de toi. Je n'ai plus besoin de toi, Jellal. Sifflai-je, la voix brisée par l'animosité. Ne sois pas si présomptueux en te croyant capable de m'aider. Cette vie me convient. Je l'ai choisie. Je l'ai décidée.
- Et tu t'es déjà demandée pourquoi !? Car tu ne savais pas comment faire sans... Jellal sa phrase en suspens, ce qui me provoqua une acide nausée. Tu ne savais plus comment refaire ta vie avec ce manque, cet indispensable morceau à ton puzzle. Je le sais. Et je l'ai toujours su. Lucy... écoute, je ne veux plus te laisser.
- Ce n'est pas l'endroit pour cette dispute. On n'a déjà assez dérangé tes clients. Dis-je en voulant dévier sur un autre sujet.
Je me tournai vers les portes, faisant abstraction du nœud qui me nouait l'estomac. Je me sentais défaillir.
    Je ne voulais pas continuer cette conversation. Je ne voulais pas faire remonter des souvenirs. Ils devaient rester dans les profondeurs des limbes.
- Lucy, reste. Me demanda Grey qui s'était approché. Arrête de nous fuir.
- Je ne vous fuis pa-
- Et ne mens plus.
- Mais je ne te dois rien, Grey. Alors, mêles toi des tes affaires.
- Tu fais partie de ma vie. Tu es mon amie et je ne suis pas prêt de te laisser. Ça, je peux te l'assurer, Lucienne.
Mes pieds se plantèrent dans le sol et je fis volte-face. Mes yeux s'ancrèrent dans son regard et je le vis se raidir.
- Et toi, tu n'es rien ni personne. Je ne t'ai jamais aimé et je me fiche pas mal de ce que tu peux être ou devenir. Reste à ta place d'inconnu et je me porterai bien mieux. Lui crachai-je sans aucune retenue.
Grey blêmit, frappé par mes mots. Il déglutit et baissa la tête qu'il remonta promptement. Il me dévisagea de son regard voilé par une tristesse difficilement dissimulée. Ses sourcils s'étaient froncés de colère.
- J'arrive pas à croire que tu peux oser dire ça. Cette année de Terminale n'a jamais compté pour toi ? Par pitié, Lucy ! Arrêtes de rejeter la faute sur moi ! On dirait que c'est moi qui l'ai tué ! S'indigna-t-il.
Mon sang ne fit qu'un tour. Mon cœur arrêta pendant un instant de battre. Je me sentis propulsée des années plus tôt. Le dégoût qui me prit aux tripes remonta à une vitesse fulgurante, prêt à jaillir. Je ravalai immédiatement le vomi qui s'apprêtait à s'échapper de ma bouche et ensevelis un sanglot au fond de moi.
   Et la seconde d'après, je me pressai pour aller lui coller la claque de sa vie. Une gifle qui rejoignit en un rien de temps sa joue. Je le bousculai violement et me retins pour ne pas hurler lorsque je pris la parole.
- T'es qu'un putain de merdeux, Grey ! Comment tu peux dire ça après ce que tu lui as fait ?! C'est toi qui l'as poussé à bout ! Putain mais va te faire foutre, merde !
Je sentais les larmes ruisseler sur mes joues. Je les avais gardé enfouies pendant des mois et voilà qu'elles remontaient à la surface. Je voulais me calmer. Je voulais me contrôler. Contrôler ces palpitations qui massacraient mon cœur. Mais ses mots tournaient en boucle dans ma tête. Il est mort. Il est mort. Il est réellement mort.
   Grey resta interdit devant mon regard qui se voulait assassin. J'avais l'impression d'être le lion qui amusait la galerie. Alors, je partis. Je m'éloignai de ce café maudit en jurant une dernière fois.

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⏰ Dernière mise à jour : Nov 08, 2020 ⏰

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