les lunes de sang

Chapitre 35

Je donnai ma démission à Jin le lendemain. Ce fut très dur mais absolument nécessaire. Je ne voulais en aucun cas que mes trois amis furent mêlés de près ou de loin à ma vendetta. Ils ne posèrent aucune question mais ils avaient compris en me voyant franchir la porte du resto, les traits tirés et le regard encore plus noirs que d'habitude qu'il s'était passé quelque chose de grave pendant mes deux jours de repos.

-« Tu sais que nous sommes ta famille Kook, tu pourras revenir quand tu veux, la porte t'est toujours ouverte. » me dit Jin en me prenant dans ses bras.

-« Appelle moi, je ne sais pas comment , mais je peux surement t'aider mon frère. » continua Hobbi en me gratifiant d'un sourire triste.

Je le serrai dans mes bras à mon tour sans lui répondre. Il ne comprenait pas que j'essayai de les protéger mais moi je savais que j'avais pris la bonne décision. Moon m'embrassa sur la joue et ses larmes se mêlèrent aux miennes. J'écourtai ses adieux qui me faisaient si mal et retournai à mon loft. J'étais désormais seul et j'allais devoir enquêter, rechercher des indices, traquer ses deux monstres. Mais le peu d'indices que j'avais étaient minces : Séoul était immense et je savais par expérience qu'il était facile de s'y cacher. Il était hors de question d'attendre l'automne prochain et de plus j'étais persuadé que Namjoon et son frère ne reviendraient plus à Kwangju. Je décidai de commencer mes recherches en fouillant dans la vie de Jung vu qu'il semblait connaitre Namjoon. Je réchauffais un morceau de pizza végétarienne qui trainait dans le frigo et qui semblait encore mangeable, puis je m'installai devant mon ordi pour chercher des indices : Jung Hwa avait fait fortune dans l'import export et possédait plusieurs firmes qu'il faisait sous traiter . Grâce à ses bénéfices il vivait comme un millionnaire et possédait loft, yacht, limousine et villa secondaire. A priori tout était clean, mais en y regardant de plus près je découvris quelques zones d'ombre, notamment des interactions avec des sociétés écrans et quelques accusations de fraude que des avocats grassement payés avaient fait disparaitre comme par enchantement. Il était plus de trois heures du matin et malgré la dose de caféine que j'ingurgitai, mes yeux commençaient à avoir du mal à rester ouvert. J'allai abandonner quand un article de journal attira mon attention : Jung était propriétaire depuis plusieurs années d'une boite de nuit à la mauvaise réputation. La police soupçonnait ce lieu d'être un tripot clandestin ainsi qu'un club de rencontres. Pourquoi quelqu'un qui avait tout pour réussir et qui gagnait sa vie honnêtement risquait les ennuis avec ce genre d'établissement ? J'avais trouvé une faille et bien qu'elle était mince je n'avais que ça. Je décidai d'aller me coucher pour avoir les idées claires pour élaborer un plan.

Sincheon-Dong était un quartier animé très prisé pour ceux qui désirait faire la fête. De nombreux restaurants, des cinémas et des clubs faisaient de sa grande avenue un attrape touriste en mal d'amusement. Les petites ruelles adjacentes étaient moins connues sauf par les coréens adeptes des lieux plus secrets. C'est dans une d'elle que se trouvait le Club Cocoon. Tout était fait pour ne pas attirer l'attention, seul un néon bleu fluo indiquait l'entrée au- dessus d'une porte style entrepôt. Je savais que cela n'allait pas être très facile d'y entrer et j'espérais que le fait de dire que j'étais un ami de Jung suffirait. Pour ne pas paraitre suspect j'avais demandé à Chu, la belle de nuit, de m'accompagner pour ressembler à un couple près à faire une bringue d'enfer. Moyennant une belle somme d'argent, elle avait accepté sans poser de questions. Elle avait troqué ses vêtements criards et dénudés pour une robe moulante lamé noire qui bien que sexy n'était pas vulgaire. Juché sur ses hauts talons, elle arrivait péniblement à mes épaules et je n'avais jamais remarqué qu'elle était si petite, peut être parce que je ne l'avais jamais vu debout mais souvent allongée ou à genoux. Ma chemise rouge en satin et mon pantalon noir faisait de nous un couple en parfaite harmonie.

Bras dessus bras dessous nous nous drigeâmes vers le videur qui le pied de grue devant la porte. Il nous toisa d'un air impassible.

-« Bonsoir, » fis-je d'un air enjoué, « serait-ce possible d'entrer, on m'a tellement parlé de ce club et c'est l'anniversaire de ma chérie, elle voudrait tant le découvrir ! »

-« On ne rentre que sur invitation, désolé, » me répondit le cerbère.

-« Faites un effort s'il vous plait » insistai-je en sortant une liasse de wons de ma poche.

Les yeux du videur semblèrent enfin me voir et leva sa main en signe de refus.

-« D'accord c'est dommage et je pense que Jung et Jimin ne seront pas contents quand je leur raconterai que vous avez refusé de nous faire entrer ! Viens bébé on va trouver un club plus sympa ! » Je fis mine de partir en enlaçant Chu. Me servir de Jimin et Jung pour comme s'ils étaient encore vivants pour rentrer dans ce putain de club avait ravivé ma peine mais c'était mon dernier joker.

-« Attendez ! si vous êtes des amis des deux J ça change tout ! comprenez- moi je ne fais que mon job ! » Il joigna le geste à la parole et toqua à la porte qui s'ouvrit aussitôt. Cela avait marché mais je ne m'emballai pas pour autant. Je faisais sans doute fausse route. Nous parcourûmes un long couloir aux murs capitonnés et arrivâmes devant une double porte d'où provenait les bruits sourds de la sono. Je laissai passer Chu en galant homme que j'étais. La salle était immense et spectaculaire. C'était un ancien entrepôt. Des centaines de gens agglutinés se trémoussaient sur de la musique electro. Les fumigènes et les jeux de lumières aveuglants accentuaient le côté rave party. Des bimbos enfermées dans des cages en l'air dansaient comme si leur vie en dépendait. J'aperçus sur la gauche le bar et encore plus en recoin un salon et je pris la main de Chu pour l'emmener à l'écart de cette foule bruyante que mes tympans avaient du mal à supporter. Elle sembla déçue mais je n'étais pas là pour m'amuser. Je commandai deux coktails maison et tout en sirotant le mien j'inspectai les lieux. J'espérai secrètement voir des personnes qui faisaient partie des groupes de la forêt mais ce n'était pas si facile que cela à cause de la lumière artificielle. Chu m'implora d'aller danser et je la suivis non pas par envie mais parce que cela me permettait de mieux voir les visages.

Je devais me faire une raison, j'avais échoué ! cette piste n'était pas bonne et les deux heures passées à danser n'avaient servi à rien si ce n'est à me donner un vilain mal de crâne. Chu, légèrement pompette avait tenté une approche plus ou moins subtile en parcourant mon cou de baisers ventouses et en laissant ses mains vagabonder sur mon fessier, mais devant le peu d'enclin,elle avait renoncé en boudant. Je lui fis comprendre que nous allions partir et je m'étirai longuement. Mon regard se posa sur le balcon qui surplombait la piste et je n'en crus pas mes yeux :

Yoongi se tenait là devant moi. Il était en grande discussion avec un éphèbe aux cheveux roses et leurs visages se touchaient presque. Toute la haine que j'éprouvais pour lui me tétanisait. Chu se rendit compte de mon état et me secoua le bras en m'appelant. Je repris mes esprits et me reculait dans l'ombre du salon pour éviter qu'il ne me voit. Malgré l'envie d'aller lui sauter dessus et de lui demander ou se trouvait Kai, je tentai d'analyser la situation. J'avais eu un bol monstre en trouvant le repaire de ces guignols, mais je ne devais pas agir sans réfléchir. Je me rassis sur un des canapés au fond du salon d'où je voyais parfaitement le balcon mais qui grâce à la pénombre me rendait invisible aux yeux du connard qui bécotait maintenant goulument sa conquête du moment. La pauvre Chu comprit que finalement nous allions restés un peu plus longtemps et se dirigea vers la piste de danse en tortillant honteusement son popotin en passant devant deux gars qui ne se gênaient pas pour le mater. Je la laissai s'amuser et continuai de surveiller Yoongi dans l'espoir de voir son bâtard de frère.