LE CLUB DES HUIT

Chap. 2

Emilie : 

J'arrive rapidement dans ma classe mais je n'y trouve que trois personnes, dont mon futur professeur principal : M. Thibault. Il est très gentil, je l'avais déjà l'année dernière en Français. J'avoue que ce prof en fait rêver plus d'une et malheureusement pour moi, je n'échappe pas à la règle. C'est vrai que sa façon de vous regarder lorsqu'il vous explique pourquoi Emile Zola accorde une réelle importance à la cohérence interne de ses personnages, vous propulse dans un monde alternatif. C'est pourquoi je reste quelques instants figée lorsqu'il me dit bonjour. Mais je reprends vite mes esprits lorsque je vois arriver du coin de l'œil mes camarade de classe. Je hoche rapidement la tête vers mon prof en signe de réponse et vais m'asseoir à une table vide à côté de la fenêtre. Le cours se déroule sans embûche mais je remarque quand même -les quelques fois où je relève la tête- quelques regards curieux et fuyants de mes camarades. 

Après cette présentation, nous devons rejoindre notre professeure de littérature allemande pour débriefer de notre voyage en Allemagne. En effet tous les élèves d'Abibac -c'est un bac franco/allemand- doivent réaliser, à la fin de la seconde, un voyage d'au moins 2 mois en Allemagne. Pour ainsi approfondir nos connaissances de cette langue.

Pour moi, ce fut littéralement une bouffée d'air frais. Personne ne me connaissait ni ne savait que j'étais maladivement timide. Tout le monde était si gentil et patient que cette timidité avait presque disparu -du moins fortement diminué- avec mes nouveaux amis. Seulement, en rentrant en France je me suis rendu compte que cela n'allait pas être si facile à réaliser dans mon lycée. Tout le monde me connaissait et m'avait déjà associée à cette fille-là. Personne ne venait plus me parler, ça n'avait pas été faute d'essayer mais à l'époque, rien que l'idée de soutenir leur regard plus d'une seconde me donnait la nausée. 

Tout ça pour dire que nous sommes maintenant tous assis à nos places, les mêmes depuis un an. J'ai retrouvé Jeanne mais nous n'avons eu le temps que d'échanger un un simple sourire avant de rejoindre nos places respectives. 

Le début de l'heure commence et comme prévu notre prof nous dit qu'elle espère que tout s'est bien passé en Allemagne. Elle nous explique qu'avant qu'on en parle plus amplement, elle veut nous parler du parrainage qui va être mit en place. Elle explique que cela va être mit en place la semaine prochaine avec les élèves de terminales Abibac, lors d'un repas en commun. Je prends note de cette information et me dis que ça sera surement un bon moyen d'avoir des conseils pour l'année prochaine. 

Une fois l'information donnée, elle continue en nous demandant de raconter à tout le monde comment s'est déroulé notre voyage. Le tour commence et après quelques personnes, c'est à Jeanne de parler. Mais comme à son habitude elle bégaie et répond : 

- Euh.. ou .. oui. C'est.. C'était bi.. bien. Bredouilla-t-elle tout en baissant la tête à la fin de sa phrase.

Lucien comme à son habitude la regarda avec un petit sourire en coin et s'exclama en essayant de ne pas éclater de rire : 

- Ah bah on peut dire que pour certains l'expérience a été très enrichissante ! Ben si t'as plus de commentaires à faire j'en déduis que c'est à moi ! Pour moi c'était vraiment dingue... 

C'est à ce moment que je décroche, je perds le fil de la discussion. Je me retrouve envahie par un tas d'émotions. Beaucoup trop pour continuer à écouter cet idiot. 

Déjà je suis déçue, déçue que Jeanne n'ait pas pu se libérer de cette timidité. Déçue qu'on soit bloquées comme deux grandes nouilles à à peine pouvoir s'exprimer ! Et j'ai peur, peur qu'on reste comme ça jusqu'à la fin des temps. Qu'est ce que ça induit pour nos vies futures ? Va-t-on rester à jamais seule ? Incapable de parler à des inconnues ou pire à des amies qu'on cotoit depuis plus d'un an ! Et je ressens à présent beaucoup de colère, la colère qu'on se moque tout le temps de nous, que personne n'essai de nous comprends;