DirtyBiology/Léo

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Le jeune homme n'avait jamais été aussi peu serein qu'en Centrafrique. Il avait l'impression que tôt ou tard, quelqu'un d'armé allait lui sauter dessus pour lui faire du mal. Il se savait paranoïaque mais le climat géopolitique ne l'aidait pas. Le vidéaste voyageur avait accepté de partir en reportage avec Brut parce que cet endroit lui tenait à coeur, il voulait pouvoir aider les personnes qui vivaient dans la misère quotidiennement. Il avait soupiré un bon coup pour évacuer la pression avant d'entrer dans le grand hôpital. Il avait vu des familles en pleurs, des enfants malnourris, des personnes à qui il manquait un membre, sectionné ou amputé, des personnes avec des balles dans le corps, des fixateurs externes, des dispositifs qui les maintenaient difficilement en vie. Le jeune homme avait serré les dents, regardant les gens et faisant face vaillamment en face de la caméra, pour se sentir agressé de toute part quand elle n'était pas braquée sur lui. Il avait tourné tous les plans qu'il devait tourner dans ce lieu avant de commencer à s'intéresser aux gens individuellement. Les médecins l'avaient soudain menés vers un coin de l'hôpital et il avait pu voir des personnes avec une couleur de peau plus claires. Le médecin lui avait expliqué qu'il isolait les personnes métisses, pour éviter des incidents qui pourraient leur coûter la vie, notamment en vue des nombreux Sélékas soignés dans l'hôpital. Il avait soudain vu une jeune femme.

Elle avait sûrement son âge, ou un peu moins. Elle était allongée, et malgré sa peau café crème, elle était très pâle. Il était impossible pour Léo de voir ce qui lui était arrivé, mais il avait détaillé son visage: elle avait des cheveux frisés qui tombaient en une couronne noire sur les draps bancs autour de son visage. Elle avait un petit nez retroussé, des lèvres pulpeuses, des yeux qu'on pouvait deviner en amande, et un visage rond, qui traduisait sa jeunesse et le fait qu'elle soit bien nourrie. Après un moment à la contempler, Léo s'était approché d'elle, curieux. Le médecin l'avait laissé faire, un sourire au coin des lèvres. Cette jeune fille surprenait tous les reporters qu'elle rencontrait, la plupart du temps. Elle avait fini par ouvrir les yeux. Léo avait cru défaillir. Elle avait un oeil aussi bleu que l'océan qui entourait son bateau quand il était enfant et semblait plonger dans son âme. Son autre oeil, lui était d'un brun plus classique mais qui semblait véhiculer toutes les émotions du monde. Elle avait des yeux vairons, une chose très rare chez les humains. Ce qui avait fasciné Léo était cette capacité de ses deux yeux à ne pas traduire la même émotion du tout: son oeil bleu semblait refléter une curiosité presque enfantine, alors que son oeil brun reflétait lui sa surprise de trouver quelqu'un à son chevet. Elle avait fini par sourire et le jeune homme avait été incapable de dire un mot pendant au moins trente seconde. malgré qu'elle soit dans un hôpital avec sûrement des grosses séquelles, elle avait un sourire plus lumineux que le soleil. Le brun avait souri à son tour, avant de se décider à redevenir professionnel.

Il avait demandé d'une petite voix à la jeune femme s'ils pouvaient l'interviewer. Elle avait bien sûr accepté. Une fois installé, Léo avait commencé sa série de questions: son âge, son prénom, ses origines, comment elle en était arrivée là...

Il avait donc apprit que cette jeune femme s'appelait Samara Dolmazon, 24 ans, qu'elle était née d'un père français et d'une mère centrafricaine, qu'elle avait passé la majorité de sa vie en France avec son père et avait décidé dans le cadre de ses études de retourner dans son pays natal. Elle vivait avec sa mère, et pour le simple fait qu'elle était métisse, sa mère avait été exécutée pour trahison, le sort qu'aurait dû partager sa fille, si une autre milice ne s'était pas interposée. Elle avait reçu un coup de couteau dans le ventre et deux balles perdues dans la jambe. Elle pouvait encore marcher, mais boitait et ne pourrait jamais vivre une vie totalement normale. Elle avait aussi une interdiction de rapatriement en France, sauf dans le cas d'un emploi. Elle était donc coincée dans un pays avec une milice à ses trousses qui cherchait à achever son travail. La jeune femme vivait dans la peur constante. Elle avait envie de sortir de l'hôpital, de voir autre chose, mais elle n'était pas en sécurité seule sans escorte et ne pouvait pas se permettre d'en engager une. Léo, le coeur sur la main, lui avait proposé de l'emmener avec eux dans leurs pérégrination. L'ancienne étudiante en audiovisuel avait accepté et elle se retrouvait donc à suivre Léo, le cadrer de temps en temps quand il le fallait, pour remplacer le JRI qui les accompagnait. Elle réussissait très bien et Léo avait comprit pourquoi elle était allée si loin dans ses études. Le jeune vidéaste avait fini par arriver à la maternité accompagné de ses collègues. La jeune femme avait l'air d'être dans son élément: elle parlait avec les mères dans sa langue natale, avec les médecins, avec les enfants qui courraient ça et là. Elle apportait du soutien. La jeune femme avait été réquisitionnée par une maman pour garder quelques minutes sa petite fille âgée de seulement 3 mois. La jeune femme avait prit le bébé avant de sourire, jouant avec elle, la faisant rire.

Léo avait été frappé par la bienveillance se dégageant de Samara. Elle respirait la gentillesse et la bonne volonté. Elle s'occupait de cette enfant comme si elle était la sienne, et s'assurait que les autres enfants qui l'avaient déjà adoptée ne manquent de rien. Le jeune homme s'était senti incapable de la ramener à l'hôpital, de ne pas lui laisser une chance en France de réaliser ses rêves. Il avait soupiré un bon coup pour se donner du courage, avant d'aller vers Samara. La métisse l'avait regardée, interrogatrice, avant que Léo ne dise, déterminé:

-Je ne peux pas te laisser là, c'est pas possible pour moi, alors... je te ramène en France.

Samara, surprise, avait fixé le vidéaste. Elle se demandait s'il n'avait pas perdu la raison.

-Tu ne peux pas empêcher le gouvernement de refuser mon rapatriement, tu sais?

-Oui, mais je peux trouver un moyen que le gouvernement français approuve de te rapatrier...

-Tu ne vas quand-même pas...

-Et comment que je vais le faire, oui!

La jeune femme rayonnait, et, malgré la présence de la petite Naya dans ses bras, elle avait prit Léo dans ses bras, faisant quand-même très attention à la petite. Ils s'enlaçaient sans savoir que des années plus tard, il la serrerait dans ses bras de la même façon.

Mais cette fois, la petite fille dans les bras de Samara serait la leur.

𝑶𝑺 𝒀𝑶𝑼𝑻𝑼𝑩𝑬 x readerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant