La vie n'est que mensonges et cachoteries

23 1 1
                                    

Est-ce que quelqu'un sait ce que c'est que de se faire passer pour un aristocrate, alors que l'on vit et que l'on a grandi dans un quartier près des Docks ? Même sans savoir qui va répondre, je sais déjà que la réponse est non. Mais qu'est-ce que je peux y faire, j'ai gardé ces fichues habitudes des gens qui se permettent de perdre du temps à poser des questions dont ils connaissent déjà les réponses.

Avec ma mère nous sommes arrivés à Londres en 1846. J'avais 15 ans et je pensais découvrir un endroit merveilleux en comparaison de l'Irlande que nous quittions à cause de la famine. J'ai vite compris que le rêve que je m'étais imaginé n'était qu'une illusion quand ma mère m'a fait comprendre que le seul logement que nous pouvions envisager était un minuscule appartement dans la ville des dockers de Western Bay, que nous ne parviendrions pas à payer avec nos maigres économies et son travail de couturière. Qu'il était inenvisageable de continuer l'école, je devais alors aller travailler.

J'ai donc commencé à travailler aux docks de Western Bay. Mon travail se résumait à décharger toutes sortes de cargaisons allant de la nourriture aux médicaments en passant par le textile.
C'était surtout un travail fatiguant physiquement et c'est pour cela sûrement que les quelques autres jeunes que j'avais vu défiler avaient fini par démissionner et se lancer dans des activités moins légales.

J'aurais pu faire comme eux et ainsi ramener bien plus que mon minable salaire. Mais tous ces jeunes se faisaient forcément attraper à un moment ou à un autre, et il était juste inenvisageable pour moi de me lancer dans quelque chose d'aussi stupide, pouvant entraîner ma mère dans ma chute.

Enfin, tout ceci était inenvisageable avant le drame. Avant que le choléra décide de venir rendre visite à ma mère et me l'arrache me laissant seul à 18 ans sans famille.

Au début j'ai essayé de travailler encore plus pour pouvoir ainsi payer le loyer et de quoi me nourrir, mais c'était horriblement fatiguant, je dormait et mangeait peu, me blessant souvent car mon corps atteignait ses limites.

J'ai décidé en 1850, que cette année symbolique du demi siècle ne se déroulerait pas comme celle que je venais d'endurer. Il fallait qu'elle devienne ce que je voulais qu'elle soit, j'étais prêt à devenir le maître de mon destin.

Je ne savais pas vraiment comment faire pour me lancer dans le monde de l'illégalité. Alors pour le découvrir, j'ai fait le choix de demander à passer dans le service de nuit. Ma requête étant acceptée, j'ai pu commencer à observer les trafics en tous genres qui se déroulaient au bords des quais, seulement éclairés par la lune. On distinguait bien les deux types de trafics qui avaient lieu. D'un côté les jeunes de mon quartier qui vendaient toutes sortes de drogues et produits en tout genre à d'autres jeunes, ceux issus de la classe aristocratique. De l'autre côté, les plus anciens de l'entreprise vendaient quelques vêtements qu'ils déclaraient plus tard comme perdus à des personnes plus aisées que nous, qui malgré leur statut n'avaient tout de même pas les moyens de se les acheter de manière légale. Pour eux, la plus grande partie de leur trafic était une aide pour les plus démunis, à qui ils donnaient un peu de nourriture et de médicaments à ceux qui en avaient besoin, toujours de manière à ce qu'il soit impossible de voir à l'oeil nu qu'ils puissent en manquer.

Après avoir bien observé le fonctionnement pendant près d'une semaine, je n'arrivais toujours pas à faire un choix. Je devais me décider entre la facilité d'empocher une grosse quantité d'argent rapidement en devenant dealer avec les risques très élevés de me faire arrêter tout aussi rapidement. Et de l'autre côté, gagner toujours peu d'argent mais sans aucune chance de me faire arrêter, aidant en même temps les gens dans le besoin. Vu de cette manière, le choix paraissait très simple. Le mauvais et le bon. Pourtant, ils m'impôsaient tous les deux des répercussions pour le restant de ma vie, l'un qui se terminerait sûrement en prison et l'autre qui m'apporterait une vie complète à travailler plus dur que les autres pour avoir à peine plus que la basse classe sociale.

La vie n'est que mensonges et cachoteriesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant