Emma attend visiblement une réponse. Elle laisse tout de même le temps à la femme assise devant elle de s'adapter à l'étrangeté de la situation.
« Irène. Je me prénomme Irène. », finit par répondre, hésitante, l'invitée. Elle se tord nerveusement les mains.
« Que se passe-t-il ? Suis-je morte ? Je ne comprends pas ... »
D'un geste rassurant, Emma balaie les absurdités de la Dame.
« Tu n'es pas morte, loin de là. En fait, tu es plus vivante que jamais. », lui répond la jeune femme.
« Alors que ... », commence Irène, confuse. Elle cherche ses mots. Les objets qui l'environnent, les bruits étranges et nouveaux, le chien qui aboie au loin, la brise estivale qui s'engouffre par les fenêtres ouvertes ... Tous ces éléments lui donnent le tournis. Elle ne se sent pas bien. Va-t-elle s'évanouir ? Peut-être bien. Mais pas sous la surveillance d'Emma. Cette dernière pousse la tasse de chocolat vers son interlocutrice, l'incitant à boire du regard. Irène s'exécute. La chaude boisson veloutée lui redonne peu à peu des couleurs.
« Qu'est-ce donc ? », ne peut-elle s'empêcher de demander, intriguée par la délicieuse boisson.
« Du chocolat chaud », répond Emma, souriant devant son air émerveillé. Elle observe tranquillement Irène reprendre une gorgée. Pour une fois que l'invité du moment ne lui fait pas une crise, de panique ou autre, dès l'arrivée, elle ne souhaite surtout pas la brusquer. Patiemment, elle attend que son invitée regagne un certain état de sérénité.
« Es-tu prête à écouter ce que j'ai à te dire ? », lui demande-t-elle calmement.
Irène hoche doucement de la tête. L'étrangeté du moment lui est encore des plus perturbante. Des explication seraient les bienvenues.
« Tu dois te sentir un peu dépaysée, non ? » Irène acquiesce, se demandant où la jeune femme souhaite en venir.
« Eh bien, pour tout te dire, nous ne sommes pas que dans un autre pays, mais également dans une autre époque. Près de 600 ans d'histoire nous sépare. » se lance Emma. La Dame lui jette un regard complètement ahuri. Sa surprise est telle que sa bouche s'ouvre en grand sans émettre de sons, accentuant la similarité de son faciès avec celui d'une morue.
Déjà qu'elle n'est pas bien jolie...
Emma ramène vivement le cours de ses pensées à l'instant présent et enchaîne rapidement, de peur que le visage de la femme demeure figé ainsi.
« Je ne connais rien de toi, excepté ton époque et ton rang dans la société. Je tiens à préciser que ce n'est pas par ma faute que tu es ici. Avant de venir, tu étais à un carrefour, une intersection de ton existence. Pour résumé, tu es sur le point de commettre un choix, une décision, qui va tout bouleverser pour toi et ceux qui t'entourent. Dieu, la Vie, peu importe comment tu l'appelles, a décidé de t'accorder une seconde chance. On t'offre une occasion de pouvoir apprendre sur toi-même avant de prendre cette décision, quelle quelle soit. Seulement à ce moment-là pourras-tu retourner d'où tu viens. Des questions ? », débite l'agent d'une seule traite.
Irène ne sait trop qu'en penser. Ces explications sont des plus loufoques et démunies de sens. Exactement comme l'endroit où elle se trouve. Tout ce qui l'entoure défit la définition de la possibilité. La Dame porte son attention sur l'agent. De ce qu'elle peut en juger, Emma ne vit pas dans le luxe et semble de condition plutôt modeste. Elle paraît également tout à fait saine d'esprit. Cependant, Irène sait mieux que quiconque que la folie meurtrière peut se cacher en chaque individu. Ainsi que le mensonge. Pernicieux mensonge qui s'infiltre partout où il passe. La prudence est de mise. Puisqu'elle ne peut lui faire confiance, tenter de soutirer des informations d'Emma semble être la meilleure option.
« Absolument délicieux, cette boisson », commente-t-elle en prenant quelques lampées de la tasse. Emma hoche la tête en signe d'approbation. Irène se redresse calmement, fierté et dignité peintes sur le visage.
« Alors, comment cela fonctionne-t-il ? De quelle manière devrais-je apprendre cette leçon de vie si importante que Dieu m'a envoyé 600 ans dans le futur ? », dit-elle, l'air noble et guindé comme il le sied à son rang.
Emma, bien plus attentive aux changements de comportement de la Dame que cette dernière ne le crois, fait un petit sourire. Elle se lève, retire son tablier et le pose sur un crochet fixé au mur. Ses gestes, calculés, sont lents et précis. Enfin, elle se retourne vers une Irène qui a bien du mal à maintenir le masque d'une grande noble distinguée. Elle qui s'en sert si peu, dû à sa douceur, sa gentillesse et sa timidité... Comme il est loin, le temps où sa tante, une dame noble et fière, l'incitait à imiter sa prestance et son caractère ! Néanmoins, elle tient bon, persuadée que cette attitude suffira pour convaincre l'agent de parler. Après tout, ce n'est qu'une femme du peuple, la noblesse doit l'impressionner.
En effet, Emma a l'habitude de traiter avec ces personnages si « distingués » de la « haute société », mais pas de la même manière que ce que la Dame envisage.
Je n'ai pas particulièrement envie de sortir le grand jeu avec elle. Au fond, je vois bien qu'elle est gentille, et un peu déboussolée. Bon, mon comportement devrait lui avoir fait comprendre que je ne me laisserai pas intimider. Je crois que je vais m'en tenir à ça.
Emma reprend tranquillement place sur sa chaise, prend le temps de se détacher les cheveux et de boire une gorgée de chocolat chaud. Elle plonge son regard dans celui de la Dame qui démontre quelques signes d'impatience.
« Aucune. »
« Quoi ? », renchérit Irène.
« Il n'y a aucune manière clairement définie, aucun mode d'emploi précis pour apprendre cette leçon. Si tu as été jumelée avec moi, c'est parce que ma vie, mon travail, mes loisirs, mon environnement, ou tout simplement moi, est un terreau fertile pour les enseignements de la Vie. C'est tout. »
Irène penche légèrement la tête sur le côté, troublée.
« Alors, qu'est-ce que j'ai à faire, précisément ? », questionne-t-elle, incertaine.
« Rien de bien particulier, et moi non plus, d'ailleurs. Laissons ma vie suivre son cours, puis nous verrons bien », répond Emma, enjouée. Elle se lève d'un bond et fait demi-tour, bouilloire à la main.
« Encore un peu de chocolat ? »
* * *
Bonjour, bonsoir à vous chers lectrices et lecteurs ! Après mûres réflexions, et en consultant mon emploi du temps plutôt chargé, j'ai conclu qu'il est possible pour moi de publier 2 chapitres par mois. Peut-être plus, sait-on jamais ;) Cependant, je préfère garantir uniquement ce qui m'est possible.
Merci d'avoir pris le temps de lire ! :)
À la prochaine,
PotagedeCourges
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Invités de passage
General FictionDans notre courte existence, nous avons parfois des choix, des décisions à prendre qui pourraient complètement transformer le cours de nos vies, et même celle des autres, de manière spectaculaire. Spectaculaire, bénéfique, dramatique, irréversible;...