DON JUAN, OU LE FESTIN DE PIERRE ***
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Title: Don Juan, ou le Festin de pierre
Language: French
Encoding: ISO-8859-1
Source:
Jean-Baptiste Poquelin (1620-1673), alias Molière, "Oeuvres de Molière, avec des notes de tous les commentateurs", Tome Premier, Paris, Librarie de Firmin-Didot et Cie, Imprimeurs de l'Institut, rue Jacob, 56, 1890.
Pages 449-512.
[Spelling of the 1890 edition. Footnotes have been retained because they provide the meanings of old French words or expressions. Footnote are indicated by numbers in brackets, and are grouped at the end of the Etext. Downcase accents have been kept, but not upcase accents (not well supported by all software). Text encoding is iso-8859-1.]
DON JUAN
ou
LE FESTIN DE PIERRE
Comédie (1663)
PERSONNAGES ACTEURS
Don Juan, fils de don Louis. La Grange. Sganarelle. Molière. Elvire, maîtresse de don Juan. Mlle Du Parc. Gusman, écuyer d'Elvire. Don Carlos, Don Alonse, frères d'Elvire. Don Louis, père de don Juan. Béjart. Francisque, pauvre. Charlotte, Mlle Molière. Mathurine, paysannes. Mlle de Brie. Pierrot, paysan. Hubert. La Statue du Commandeur. La Violette, Ragotin, valets de don Juan. M. Dimanche, marchand. Du Croisy. La Ramée, spadassin. De Brie. Suite de don Juan. Suite de don Carlos et don Alonse, frères. Un spectre.
La scène est en Sicile.
ACTE PREMIER. -------------
Le théâtre représente un palais.
Scène première. - Sganarelle, Gusman.
- Sganarelle -
(tenant une tabatière.)
Quoi que puisse dire Aristote, et toute la philosophie, il n'est rien d'égal au tabac ; c'est la passion des honnêtes gens ; et qui vit sans tabac n'est pas digne de vivre. Non seulement il réjouit et purge les cerveaux humains, mais encore il instruit les âmes à la vertu, et l'on apprend avec lui à devenir honnête homme. Ne voyez-vous pas bien, dès qu'on en prend, de quelle manière obligeante on en use avec tout le monde, et comme on est ravi d'en donner à droite et à gauche, partout où l'on se trouve ? On n'attend pas même qu'on en demande, et l'on court au-devant du souhait des gens ; tant il est vrai que le tabac inspire des sentiments d'honneur et de vertu à tous ceux qui en prennent. Mais c'est assez de cette matière, reprenons un peu notre discours. Si bien donc, cher Gusman, que done Elvire, ta maîtresse, surprise de notre départ, s'est mise en campagne après nous ; et son coeur, que mon Maître a su toucher trop fortement, n'a pu vivre, dis-tu, sans le venir chercher ici. Veux-tu qu'entre-nous je te dise ma pensée ? J'ai peur qu'elle ne soit mal payée de son amour, que son voyage en cette ville produise peu de fruit, et que vous eussiez autant gagné à ne bouger de là.
- Gusman -
Et la raison encore ? Dis-moi, je te prie, Sganarelle, qui peut t'inspirer une peur d'un si mauvais augure ? Ton maître t'a-t-il ouvert son coeur là-dessus, et t'a-t-il dit qu'il eût pour nous quelque froideur qui l'ait obligé à partir ?
- Sganarelle -
Non pas ; mais, à vue de pays, je connais à peu près le train des choses ; et sans qu'il m'ait encore rien dit, je gagerais presque que l'affaire va là. Je pourrais peut-être me tromper ; mais enfin, sur de tels sujets, l'expérience m'a pu donner quelques lumières.