Toutes les couleurs de l'arc-en-ciel

39 5 6
                                    


Agatha soupira dans son lit d'hôpital. Elle était vieille. La plupart des gens se lamentent sur leur jeunesse. Ils se remémorent toutes leur première fois : leurs premiers pas, leur première fois, leur premier appartement, leur premier boulot... Certains penseront à « l'après mort ». Ils penseront au paradis, ils se demanderont en quoi ils pourraient bien se réincarner (Agatha avait déjà réfléchi à la question : elle voulait absolument être une gazelle, ou un poisson rouge, ou un éléphant, ou...). Ils essayeront de deviner s'ils méritent le paradis ou les enfers. Ils auront envie de savoir. Agatha avait remarqué que l'être humain avait une soif quasi inépuisable de savoir. Un enfant cherche à savoir comment on fait les bébés ou s'il pourra rencontrer le papa noël, l'adolescent veux connaitre tous les aléas de l'amour et l'adulte va vouloir connaitre tout sur tout en passant de la cuisine jusqu'aux confins de l'espace.

Agatha n'était pas bien différente des autres. Elle aussi avait voulu rencontré le père noël, savoir d'avance que sa première fois n'allait pas être la fête ou qu'elle aurait dû réviser son oral du BAC au lieu de peindre sur les murs de sa chambre dans la maison de ses parents.

Agatha se souvenait bien de la maison de ses parents. C'était un petit havre de paix. Il y avait une rivière qui passait tout près. Elle se souvenait de la petite terrasse qui donnait sur un jardin remplit de fleurs de toutes les couleurs. Par contre, ça empestait. Trop de parfum tue le parfum disait Agatha. Elle adorait courir jusqu'au fond du jardin pour aller s'assoir sue le muret en pierre. Assise dessus, elle pouvait observer la maison aux façades couvertes de lierres et de plantes grimpantes.

Et puis, sa chambre dans cette maison, qu'est ce qu'elle l'aimait ! Elle avait l'habitude de tapisser les murs de sa chambre de peintures. De la peinture verte, rouge, violette, bleue, blanche... Tout un arc-en-ciel ? Agatha adorait les arcs-en-ciel. Quand elle était arrivée dans cet hôpital de banlieue où elle était destinée à finir sa vie, elle avait demandé une grande fenêtre spécialement pour les voir.

Oh, bien sûr, ça lui avait couté la peau des fesses mais ça avait valu la peine. Elle avait pu voler les couleurs de quarante-neuf arcs-en-ciel. Et elle en avait profité pour asperger de bombes de couleurs les murs de sa chambre jadis blancs.

Agatha adorait voir les infirmières rentrée dans sa chambre avec un grand sourire qui se décomposait quand elles apercevaient ses œuvres murales. Elles ouvraient si grand leurs bouches que l'on aurait pu facilement y faire rentrer trois pommes (Agatha espérait que ces réactions de surprise était dus au fait que ses œuvres était d'une beauté incroyable et non pas au fait que le jaune fluo et le mauve ne s'accordaient pas du tout.).

La vielle dame avait toujours aimé plaisanter. Enfant, elle s'amusait à rendre l'encre des stylos de ses camarades violette. Ils soulevaient leurs crayons devant leurs yeux et examinait la mine avec un intérêt tout particulier.

Personne n'avait jamais deviné que c'était elle. Ce qu'elle trouvait passablement dommage. Elle aurait adoré partagé un secret avec quelqu'un. Mais pas n'importe qui ! Ah ça non (Agatha était très exigeante sur ce point-là).

Elle voulait que cette personne soit curieuse –très curieuse-, pour pouvoir mener plein d'enquêtes (Agatha avait un gros faible pour les polars). Elle voulait aussi qu'elle persévérante –très persévérante-, intrépide –très intrépide- et mystérieuse –très mystérieuse. Elle aurait aimé pouvoir partir en exploration avec elle : découvrir les trésors caché des Mayas ou partir à la recherche de l'Atlantide ! Mais cette personne n'est jamais venue et Agatha a passé toute sa vie à travailler chez un notaire de campagne sans jamais voir le monde.

Une vie monotone, tranquille et paisible, tout ce qu'Agatha ne voulait pas. La seule chose d'intéressante qu'il ne se soit jamais passé dans sa vie, c'est le jour où le tracteur du voisin c'est retourné. Le voisin n'avait pas arrêté de râler de la semaine et l'accident avait fait la une du journal local pendant plus d'une semaine. Enfin, grâce à Agatha. En effet, elle c'était bien amusée à changer la couleur du tracteur tous les jours.

Toutes les couleurs de l'arc-en-cielOù les histoires vivent. Découvrez maintenant