Le protecteur

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En découvrant à quel point son professeur de potions se sentait coupable de la mort de sa mère, Harry n'avait pas pu rester insensible. Il n'avait pas non plus réussi à continuer de détester l'homme, malgré leurs années d'affrontements. Malgré tous les points perdus, toutes les retenues subies. Malgré chaque parole incisive.

Il n'avait pour autant pas pitié de l'homme. Severus Rogue détesterait être pris en pitié, et avec les années, il était devenu un homme puissant, capable de se défendre. Il le respectait tout en maudissant son père de s'être montré aussi mesquin.
Quoi que puisse en dire le monde magique, Severus Rogue était devenu un héros, un homme bien malgré la situation. La donne avait été faussée dès le départ pour lui, mais il avait réussi à s'en sortir malgré tout les obstacles sur sa route. Et cet état de fait ne le rendait que plus admirable aux yeux du Sauveur.

Les larmes de l'adolescent au dessus de son professeur mortellement blessé étaient sincères. C'était du regret de ne pas l'avoir connu autrement que comme ce professeur sombre et mauvais, que comme le meurtrier de Dumbledore.
Alors qu'il tentait de le sauver, presque avec désespoir, Harry sentait la colère gronder au fond de lui.

Contre Voldemort, qui avait fait de sa vie un enfer de souffrances. L'homme - le monstre - lui avait tout arraché, méthodiquement, sans états d'âmes, ne laissant qu'une amère désolation. Il n'avait plus rien... Plus de parents, plus de parrain. Plus aucune famille. Plus d'avenir non plus s'il en croyait ce qu'il venait d'apprendre.
L'homme qui se prenait pour un génie du mal avait été assez stupide pour s'en prendre à un bébé sur la base d'une prophétie balbutiée par une professeur de Divination alcoolique...

Contre Dumbledore ensuite. Lorsqu'il pensait à l'ancien directeur de Poudlard, la rage flambait à lui, dévastatrice.
Il l'avait utilisé. Il l'avait considéré comme un outil, comme la façon de ramener la paix. Pas un seul instant Dumbledore n'avait éprouvé de compassion ou de doutes. Il suivait son idée du plus grand bien, sacrifiant à tout va sans le moindre sentiment.
C'était un autre de ses points communs avec Severus Rogue. Lui aussi avait été utilisé par Dumbledore, et celui-ci avait été jusqu'à exiger de lui qu'il ne le tue.

Avec un sanglot nerveux, Harry songea que Dumbledore s'était trompé depuis le début. Ce n'était pas lui qu'il aurait dû entraîner pour devenir le Sauveur. Rogue aurait été un héros bien plus crédible. Rogue n'aurait pas eu le moindre doute sur ce qui devait être fait. Rogue se serait sacrifié sans ciller.
Depuis le début, c'était cet homme brisé et sarcastique le véritable héros. Pas lui, gamin perdu au milieu d'un monde d'adulte.

Alors que l'homme luttait pour garder les yeux ouverts, alors que le poison tétanisait tous ses muscles et que la souffrance se lisait dans son regard sombre, Harry hurla.
C'était un cri de désespoir, de révolte. Un appel au secours.

C'était le refus de voir cet homme l'abandonner lui aussi, pas alors qu'il était le dernier élément constant de sa vie. Son dernier pilier, celui qui lui rappelait qu'il n'était pas un héros invincible mais un gamin ordinaire.

Une vague de magie parcourut la cabane en ruines où ils se trouvaient, étouffante, intoxicante.
Harry était un sorcier puissant, extrêmement puissant. Personne ne s'en était jamais rendu compte, hormis Dumbledore peut être. C'était de la puissance brute, incontrôlée, bien loin de ce qu'il avait pu montrer en cours ou au quotidien.
Ses émotions semblaient avoir relâché toutes les digues en lui, libérant quelque chose d'inconnu encore.

L'homme mourant écarquilla brièvement les yeux, stupéfait, avant d'esquisser un léger sourire. Harry pressa un peu plus fort la blessure infligée par Nagini, sanglotant.
Severus saisit le poignet du garçon, d'une prise sans force, le fixant de son regard sombre, comme pour lui dire d'abandonner.
- Professeur... S'il vous plaît...

Mais l'homme était têtu, et il poussa son corps à coopérer encore un peu pour parler au gamin.
- Ha...rry.
C'était la première fois qu'il prononçait son prénom, surtout avec cette douceur. L'adolescent se pencha un peu plus, pleinement attentif.
- J'ai déjà assez souffert.

Harry secoua la tête vivement, refusant de voir l'homme abandonné.
- Je ferais tout ce que vous voulez Monsieur. Ne me laissez pas. Pas vous aussi...

La prise de l'homme sur le poignet du gamin se raffermit et il le tira contre lui, pour lui offrir une étreinte de réconfort.
Harry ferma les yeux de toutes ses forces, souhaitant que l'homme guérisse. C'était la première fois depuis Sirius qu'il était réconforté de cette façon et il n'aurait jamais imaginé qu'il puisse voir en cet homme aigri un substitut de père.

Severus eut une inspiration sifflante et il murmura.
- Tu as presque terminé gamin. Encore un peu d'efforts et tu seras libre.
- Monsieur...
- Je suis fatigué Harry. Si fatigué.

Harry se serra contre son professeur, et ferma les yeux. Il resta contre l'homme jusqu'à ce qu'il sente les muscles du Maître des potions se relâcher.
Avec douceur, il se dégagea, alors que les larmes coulaient sur ses joues, l'aveuglant. Il installa le corps de son professeur avec soin sur le sol, et croisa les mains tâchées d'ingrédients de potions sur son estomac.

Il avait l'air paisible, et sans ses traits crispés, il avait l'air bien plus jeune. Harry soupira, avant de murmurer.
- Je reviens vite.

Après tout, il avait un Mage Noir à tuer. Il devait bien ça à l'homme qui avait tout sacrifié. Il allait se battre comme le lion qu'il était, de toutes ses forces pour le venger. Pour que sa mort ne soit pas vaine.

Décidé, Harry essuya son visage de sa manche, étalant les larmes et la saleté des combats qu'il avait déjà traversé. Puis il partit à grands pas rageurs sans se retourner.

Il ne pouvait pas savoir qu'une partie de sa magie était restée près de l'homme, et s'il avait jeté un coup d'œil au corps de son professeur, il l'aurait trouvé peut être un peu moins exsangue.
Il ne pouvait pas deviner qu'il allait une fois de plus accomplir l'impossible. Il avait survécu à l'Avada enfant, et la puissance magique coincée dans son corps était en train de sauver la vie de son professeur.
Il ne pouvait pas prévoir qu'il allait faire face à Voldemort, et qu'il allait mourir. Mais que sa mort ne serait que provisoire, puisqu'il reviendrait dans son corps. Et à l'instant précis où son ami Neville Longdubas tuerait Nagini, lui tuerait Voldemort après lui avoir révélé avec une joie mauvaise que Severus Rogue avait toujours été un espion, et qu'il ne lui avait jamais été fidèle.
Il ne pouvait pas imaginer que lorsque le mage noir tomberait, il s'effondrerait, épuisé. Qu'une silhouette sombre s'avancerait vers lui pour le relever, et qu'il se retrouverait face à son professeur. Qu'il se jetterait dans ses bras, heureux de le retrouver, riant à travers ses larmes quand l'homme l'insulterait pour l'avoir ressuscité tout en lui caressant les cheveux affectueusement.

Il apprendrait bien plus tard que sa magie avait exaucé son souhait en sauvant Severus Rogue. Que ce dernier l'avait maudit au premier abord, avant de partir à sa recherche. Qu'en le voyant si jeune, effondré, il avait sentit son cœur se serrer et qu'il avait décidé de continuer à le protéger et à le veiller. Du mieux qu'il le pourrait.
Ils étaient deux âmes brisées qui s'était reconnues... Et ni l'un ni l'autre ne serait plus jamais seul.

Le protecteurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant