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Je les entends. Ils sont là. Dans quelques instants, minutes peut être si la porte accepte à son tour de leur résister, je serai mort.
Trainé sur la place impudique, jugé par mes pairs, et exécuté comme le mien. Mon seul crime est et restera ma différence. Pire de récidive, d'oser l'accepter et d'en tirer ma force. Ils ont peur.
Eux aussi, à leur manière, ont fini par l'accepter. Avec force et violence, mais pas seulement dans les coups et la répression, dans l'expiation de toute forme de conscience. Surtout la leur.

Ils cèdent. Les verrous crient une dernière fois cherchant sûrement à justifier leur existence brisée, libérée. « Bienvenue chez moi » - Ont-ils seulement pris la peine d'essuyer leurs pieds sur le paillasson ?

Ils me cherchent, le bruit me laisse deviner qu'ils sont dans la cave. Comme si j'allais me terrer, avec votre peur, dans l'anonymat et l'ombre d'un rat de cave. Non, j'aspire à plus de souvenirs. Ce seront mes derniers. Je suis après la neuvième marche, tout en haut, et à droite après la salle de bain ; assis sur mon lit d'enfant j'ai effacé mes rêves de craie pour écrire mes maux. Ils prennent si peu de place.

Le quand s'étant perdu depuis trop longtemps, comment ce monde a-t-il changé ? Un jour, un geste, un mot, une banalité, un doute devenu mépris, comment en sommes-nous arrivés à devenir indifférents dans cette traque à la différence ? Quel verrou de manipulation avons-nous accepté de sceller sur notre quotidien afin de laisser vomir ces actions que nos pensées et morales répriment. Nous sommes les seuls responsables.

Dorment-ils encore ? Ils ont beau prétendre avoir le sommeil lourd, ne rien savoir ni voir, difficile de ne pas entendre un tel vacarme juste sous ses fenêtres.
Je les aime bien mes voisins. Toujours courtois, souriants, prévenants, et jamais avares de bons mots.
Mille fois, et sûrement une nuit de plus, nous avons refait le monde. Ensemble, verre contre verre de l'amitié. Espérant qu'un de nos lendemains soit meilleur que l'avant-veille. « Un jour, tout ira mieux, c'est certain. Ils l'ont dit... » Mais nous, qu'avons-nous dit ?

Ils enfoncent la dernière porte ouverte ; je n'avais même pas pris la peine de bloquer le loquet intérieur. Ils sont là.
Devant moi se dressent la haine et la justice des Hommes. Dans leurs yeux, j'y lis l'espoir, celui qu'après ma mort tout ira mieux. L'ennemi, le mal, l'autre aura été censuré de leur existence. Du moins mon souffle, car le poids de mon corps lui restera un affront sur leur terre.

Il est l'heure.

Je leur souris. À la Vie, à notre ressemblance.

Sans tambour ni trompetteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant