Albert Worth vivait au cœur de la cité d'Hevindrad, dans l'une des plus riches demeures des Hauts Quartiers. Il était pourtant né d'une famille pauvre de fermiers aux abords de la cité, dont la seule richesse n'était autre qu'une montre que le père d'Albert avait obtenue un jour en aidant un bourgeois. Mais alors qu'il était encore jeune, Albert perdit ses parents à la suite d'un terrible incendie dans la ferme. Depuis, il avait toujours dû se débrouiller seul.
N'ayant plus d'endroit où vivre, il décida de quitter définitivement les champs dans lesquels il avait grandi. Il s'était promis de sortir de sa condition et d'habiter une maison faite de pierres solides, et non en bois précaire.
Il passa les portes de la cité et commença à travailler dans la rue pour quelques pièces. Cirer des chaussures à revers de manche, aider des vieilles personnes à transporter leurs courses... Tout était bon à prendre pour une pièce. Pendant longtemps il vécut ainsi, sous les ponts, s'efforçant jour après jour d'obtenir de quoi se nourrir, sans jamais voler quiconque.
Ce qui l'intéressait avant tout, c'était gagner de l'argent. D'une patience exemplaire, il conserva chaque pièce de cuivre, chaque objet trouvé par hasard qui pourrait avoir de la valeur, pour pouvoir se sortir de sa misérable condition.
À force de travail et d'ambition, il avait réussi à racheter une échoppe dans l'un des Bas Quartiers de la ville, où il commença à vendre et troquer les objets qu'il avait trouvés ou qu'on lui avait donnés en guise de paiement.
Sa vie prit alors une toute autre tournure.
Il avait désormais un toit, un nom, et la moitié de la ville le connaissait déjà comme étant un petit gars plein de volonté. Son échoppe était devenue un lieu d'échange, mais également de dépôt d'objets cassés ou indésirables, qu'Albert rénovait ou réparait parfois pour les revendre à nouveau. C'était quelqu'un de très manuel et de très débrouillard, cet Albert.
La qualité des objets de sa boutique augmenta rapidement grâce à une fréquentation grandissante. Hevindrad était en effet la capitale de Terre-Veuve et tous les marchands ambulants se fournissaient dans la cité. Tous les bons plans étaient rapidement connus à l'intérieur des remparts, et la petite échoppe était devenue incontournable. Les acheteurs et revendeurs passaient tous par Albert qui proposait un service unique et fiable, sans entourloupe. Ses prix étaient justes, ses échanges honnêtes, et le bouche à oreille avait fini par attirer de plus gros clients.
Cinq années après l'ouverture de son modeste établissement, Albert acheta un nouveau local, plus grand et dans un quartier plus riche. Les objets qui passaient par son commerce étaient de plus en plus précieux et chers, car même des artistes et des hauts dignitaires de la cité fréquentaient sa boutique. Les relations se tissèrent rapidement, sa réputation prit de l'ampleur, et il commença même à fréquenter certains dirigeants haut placés. Six années supplémentaires et il put enfin s'acheter une maison dans les Hauts Quartiers.
C'est ainsi, en résumé, qu'Albert devint riche et influent.
Sa réussite, Albert ne la devait qu'à lui-même. Il avait toujours vécu seul, sans jamais compter sur personne. Avec le temps, il était devenu très égoïste, ne portant aucun intérêt à autrui sauf si une relation pouvait lui apporter quelque chose. Il ne faisait jamais rien par hasard ; tout était longuement réfléchi pour ne pas perdre de temps dans d'inutiles rapports sociaux. Tout en restant professionnel et vendeur, bien entendu. Albert ne traitait plus avec les pauvres, maintenant qu'il avait obtenu sa place parmi l'élite. Il avait passé suffisamment de temps comme cela en bas de l'échelle sociale. Plus jamais.
Bien que ce soit grâce au relationnel qu'il avait acquis la richesse, il se méfiait des gens, car il croyait désormais que tout le monde l'enviait pour ses richesses et sa position. Il craignait qu'on ne le vole, qu'on ne lui demande des faveurs ou des privilèges. S'il s'agissait de personnages politiques, à la limite, mais pour ce qui était de ses anciennes relations dans les Bas Quartiers, hors de question.
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L'Arbre d'Hiable
FantasíaAlbert Worth vivait au cœur de la cité d'Hevindrad, dans l'une des plus riches demeures des Hauts Quartiers. Il possédait tout ce qu'il avait toujours souhaité. Il ne lui manquait qu'un seule chose : la certitude qu'une fois mort, ses biens resterai...