Black Vow

Acte III, Partie I

Insolent est le temps qui ignore les coeurs en proie au chagrin, laissant disparaître le de l'hiver si proche des tristes sentiments pour faire apparaître un soleil à l'éclat aussi tendre que amer. Le doux parfum des fleurs naissantes ne suffisait plus à l'éclosion du moindre sourire sur le visage de Katell. Ses yeux devenus ternes fixaient un horizon vide, une foule de pantins sans importance, dans l'attente de son retour.

Mais chaque jour son espoir diminuait un peu plus. Son fiancé, ne pouvant supporter la vision de sa promise si dévastée, fit tout ce qui était en son pouvoir pour lui redonner goût à la vie ; du plus beau des bijoux jusqu'au plus grand des manoirs, il ne regarda pas à la dépense afin de lui rendre sa si merveilleuse gaieté. En vain.

La jeune femme restait de marbre, dressant de hautes murailles entre elle et le monde qui l'entourait. Lassée des attentions de son futur mari et des remontrances de son père, elle partit à la recherche d'un lieu où sa peine ne serait plus vue comme un caprice et sa solitude acceptée.

C'est au sein d'une chapelle depuis longtemps désertée des fidèles qu'elle trouva refuge. L'édifice n'avait pas été épargné par cet abandon ; l'on pouvait découvrir le sol inégal traversé par diverses racines ayant ouvert la voie aux plantes sauvages et autres mauvaises herbes. Le plafond s'était effondré par endroit, permettant à la lumière des astres de pénétrer le lieu saint sans frontière. De l'extérieur, ce n'était qu'une vieille bâtisse sans âme qu'une simple brise faisait vaciller, mais une fois les portes franchies on ne pouvait qu'être transportée par son charme.

Katell fut bouleversée par la quiétude qui y régnait. Ici, elle pouvait être elle-même sans crainte, elle pouvait s'exprimer sans barrière et mettre dans ses prières ce nom qui hantait son esprit. Des plis de sa sombre robe, la jeune femme sortit une plume d'un blanc pur. Elle la tenait dans ses mains comme le plus précieux des trésors, observant à nouveau ses contours si délicats. Revivant ce jour, son coeur se serra ; le discret murmure d'un sanglot transperça le silence alors qu'une supplique sans voix s'élevait.

Aux première lueurs de l'aube, Katell s'éveilla au centre de la chapelle où la fatigue l'avait poussée au sommeil. Effrayée à l'idée qu'on remarque son absence, elle s'en alla précipitamment. La marche vive, bercée par le chant enjôleur des oiseaux, l'héritière Moore s'avança dans la timide clarté du matin. Mais très vite, elle fut stoppée par l'apparition d'un jeune homme se tenant à quelques pas seulement du bâtiment. Grand et élancé, son doux regard reflétait une peine semblant faire écho à la sienne.

- Bonjour, dit-il en s'approchant. Veuillez accepter mes excuses si je vous ai effrayé, il est rare de croiser quelqu'un en ce lieu.

- Ne.. Non, vous ne m'avez pas effrayée, répondit Katell en retrouvant de sa contenance. Oui, c'est rare en effet. Puis-je savoir qui vous êtes et la raison de votre présence ?

Un fin sourire étira les lèvres de l'homme, ses iris d'un bleu océan quittant pour la première fois sa vis-à-vis pour se poser alentour.

- Eh bien, cette chapelle appartenait à mon grand-père. Je viens parfois m'assurer qu'aucun vandale ne soit venu la détériorer.

- Pourtant quand l'on voit son état..

- Ce n'est pas pareil ma dame, la nature ne détériore pas, elle embellit. Elle ne commet aucun crime contrairement à la main de l'homme, elle est une artiste que nous sommes incapables de comprendre malgré que l'on soit pleinement capable d'aimer ses oeuvres.

Touchée par ces mots pourtant simples, Katell posa un second regard sur ce monde qu'elle foulait depuis si longtemps sans réellement le voir.

- Pour ce qui est de mon nom, vous pouvez m'appeler Elzéar. Quant à vous, vous devez être Katell Moore, n'est-ce pas ?