Chapitre 1

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Un silence entendu a pris place dans la voiture. Enfin, si on peut appeler ça une voiture. Je l'aurai plutôt qualifiée de « benne ». Si sa benne roulante est qualifiable ainsi, alors allez imaginer à quoi ressemble la maison. A moins qu'il ne vive avec quelqu'un ? Je ne sais pas, et je ne pense pas avoir envie de le savoir pour le moment. Mais peut-être a-t-il une femme et des enfants ? Tu parles. Peut-être qu'il me l'aurait dit dans ce cas. Il n'a pas décroché un mot depuis que l'infirmière nous a obligé à nous rencontrer. Depuis que j'ai quitté cet hôpital. Sait-il au moins pourquoi j'y étais ?

La voiture finit par ralentir devant une petite maison blanche cloîtrée entre deux autres presque identiques. Mon souffle se fait court depuis que j'ai grimpé à bord et des flash du soir me reviennent subitement. Je fais de mon mieux pour garder un air impassible, tente de me concentrer sur la colère qui m'envahit et refuse de me quitter.  L'allée est comprimée entre deux carrées d'herbe trempés. Il faut dire que ce mois de mai n'a su cesser de pleurer. Sur ce point, je ressemble au mois de mai. Il y a aussi un petit garage, collé à la maison, dans lequel la voiture vient de couper son moteur.

Sac à la main, je le suis jusqu'à la porte en bois qui, je suppose, donne sur un couloir ou la cuisine. Je le précède dans ce qui semble être, effectivement, une cuisine. Au détail près qu'à l'odeur, on pencherait plutôt pour l'appartement d'un junkie. On dirait que l'arôme de cigarette froide est incrustée dans les murs. Une odeur entêtante et désagréable. Étonnement, la pièce n'est pas si mal rangée que ça.

-Tes affaires sont dans la première chambre à droite, en haut, me dit-il comme si cela lui demandait un effort surhumain.

Même pas un peu de gentillesse pour ta fille adorée ? Apparemment non. Il fuit mon regard depuis que j'ai posé le miens sur lui.

Les marches en bois craquent sous mes pieds. En haut, le couloir de l'étage est vide, jaunâtre et sans décoration. Comme un couloir d'hôpital. Un couloir d'hôpital que l'on aurait côtoyé pendant des mois, à la suite d'un accident responsable d'une profonde tristesse qui ronge de l'intérieur.

Ce qu'il appelle « une chambre » se résume à quatre mûrs, un plafond, une porte et une grande fenêtre donnant sur un balcon; le tout accompagné d'un lit trop grand pour deux, d'une table de nuit, et de cartons en guise de décoration. Mais aucune commode ou meuble du genre.

Je dépose mon sac sur le fameux lit. La douleur de mon épaule se réveillant peu à peu. Puis je m'allonge sur le matelas moue et prenant de soin de prendre toute la place possible. J'ai à peine le temps de penser, les larmes coulent déjà à flot de mes yeux fatigués. J'ai l'impression que l'accident a détruit ma vie. Je ne crois même plus que cela soit une simple impression. J'ai le sentiment de me consumer de l'intérieur, d'être tirée vers le fond, toujours plus loin.

Toute pensée en rapport avec ce que fût ma famille autrefois me ronge plus encore. Plus les jours passent et plus la situation devient réaliste. Plus je comprends. Les minutes me font saisir l'importance des événements. Je m'en rends compte plus facilement maintenant, mais la douleur ne cesse pour autant d'empirer. Dire que je ne les reverrai jamais. Ni Maman, ni Papa, ni mon frère. Aucun d'eux. Parce qu'ils sont partis, qu'ils ne reviendront pas et que je suis incapable de me souvenir de ce soir-là.

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⏰ Dernière mise à jour : Sep 01, 2020 ⏰

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