5 - F.L.A

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Nous avions atteint la ville de Irkoutsk dans l'après-midi. Al avait laissé son traîneau à un gardien, et il m'avait guidée à travers la ville. Les merveilles qui s'étendaient sous mes yeux me faisaient presque oublier la douleur de ma jambe. Je n'avais jamais rien vu de tel. Des maisons, des fenêtres partout. Des odeurs que je n'avais jamais rencontrés, des sons, des oiseaux, ... La rue était bruyante, les gens parlaient cette langue que je ne comprenais pas, celle qu'Al et son père utilisaient. De l'ancien russe, m'avait-il expliqué. Il est vrai qu'il m'avait aussi expliqué que l'anglais était devenue la langue mondiale.

Nous sommes passés devant un café, et Al me montra du doigt une tour immense.

-C'est l'église Spasskaya, m'expliqua-t-il. C'est une des plus grande de la ville.

Je l'observais à la dérobée. Il semblait tellement sûr de lui. Toute cette ville devait lui être bien familière. Tandis que moi, chaque bruit me faisait sursauter. Non seulement je n'avais jamais rien connu hormis le bloc, mais j'avais sans arrêt la boule au ventre à l'idée que les agents d'Altera ne me retrouvent. Je ne comprenais pas. Comment tout ceci pouvait exister ? Comment aurais-je pu me douter qu'un monde aussi vaste se cachait derrière les murs de ma chambre ? Je fus prise d'un vertige. Pourquoi avais-je été enfermée là-bas toute ma vie ? Pourquoi m'avait-on privée de cet espace, de cet air frais et de tant de choses encore ? Alors que jusqu'ici  je pensais que le monde se résumait à dormir, manger, et souffrir sous les questions répétées de mes aînés, tout venait de voler en éclat. Je venais d'apercevoir un autre monde qui m'avait semblé flabuleux.

-34, tout va bien ?

Je ne sais pas ce qui me surpris le plus. Que mes jambes ne me portaient presque plus au point qu'Al me soutienne presque totalement, ou le fait qu'il ai prononcé mon nom, avec cette intonation nouvelle, cette inquiétude dans la voix. Personne n'avait jamais prononcé mon nom sur ce ton là auparavant. Encore une nouvelle chose si déroutante.

Je me redressais et retenais une grimace de douleur à cause de ma jambe.

-Courage, on est bientôt arrivés.

-Pourquoi tu m'aides ? lui demandais-je en recommençant à marcher d'un pas claudiquant.

Il me dévisagea, et je sentis ses yeux bleus rencontrer les miens. Je baissais le regard, par réflexe. Regarder les aînés dans les yeux m'avait toujours valu de terribles punitions.

-Tu vas avoir des ennuis, si tu continues. Je te l'ai dit, ils n'arrêteront jamais de me chercher.

-Le monde est vaste tu sais.

Je ne pu m'empêcher de penser que pour Altera, il ne le serait jamais assez.


Nous nous sommes éloignés du centre-ville pour nous diriger vers la rive d'une grande étendue d'eau, presque entièrement recouverte d'une épaisse couche de glace. Le vent qui soufflait était glacial, mais grâce aux vêtements que m'avait prêté Al, j'avais moins froid. Nous avons marché un moment dans une rue bordée de vieux bâtiments à l'air plus ou moins abandonnés puis Al s'est arrêté devant une grande porte verte. Un panneau semblait en interdire l'accès.

-34, tu dois me promettre de ne dire à personne ce que tu vas voir à partir de maintenant.

Je sentis un frisson me parcourir. Jusqu'à maintenant, Al s'était montré gentil avec moi, ce je n'arrivais pas à comprendre. Que me voulait-il ? Que se passait-il, là-dedans ? Je n'avais pas envie de me retrouver à nouveau enfermée. Pourtant, voyant son regard suppliant, je hochais vaguement la tête.

Altera 34Où les histoires vivent. Découvrez maintenant