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J'accélérais un peu voulant arriver avant le coucher du soleil. La promesse de retrouver mon arbre près de l'étang me motivait. Après la dure journée que je venais de passer à la boutique, j'avais juste envie de m'asseoir sous le feuillage du saule pleureur, sur le ponton attaqué par la mousse, à regarder l'étendue d'eau aux reflets dorés par le Soleil couchant.  J'avais découvert cet endroit totalement par hasard deux ans auparavant, et depuis je venais m'y ressourcer. J'y trouvais une réelle coupure avec mon quotidien. Je quittais le sentier caillouteux pour traverser pendant quelques minutes le bois qui abritait l'étang de la vue des passants. J'attrapais une branche feuillue, la levant pour passer plus facilement en dessous, c'était le dernier obstacle qui me séparait de mon objectif. 

Mais, qu'elle ne fut ma surprise quand je te vis là, assis contre l'écorce du saule centenaire, assoupit. Mon pas se stoppa net et mes yeux s'écarquillèrent de surprise. C'était la première fois en deux ans que je voyais quelqu'un s'inviter dans mon refuge. Les rayons dorés du soleil venaient timidement caresser ta peau pâle, lui offrant une allure lisse et douce. Tes cheveux noirs de geai étaient ballotés tranquillement par la brise printanière, te donnant un air paisible. Les traits fins de ton visage étaient détendus, et t'observer dans cet état de calme m'apaisa bien plus que toutes les fois où j'étais venu ici. Je m'approchais un peu plus, immensément intrigué malgré moi. Je pus apercevoir un carnet de dessin près de toi où se profilait une esquisse du paysage très réaliste, et ce fut la première chose que j'appris de toi. Tu dessinais. Et même vraiment très bien. Mon regard n'arrivait pas à se détacher de toi, alors que ton prénom m'était encore inconnu. Tu finis par ouvrir un œil te sentant surement épié dans ta tranquillité. Mes joues prirent peut-être quelques rougeurs innocentes quand la profondeur de ton regard se posa pour la première fois sur moi. Tes yeux étaient d'un bleu pâle, tirant sur le gris.  Et je commis la première erreur. Celle de n'avoir pas remarqué le sursaut de mon coeur.

Le premier de tous les symptômes.

J'eus un mouvement de recul, et les rougeurs de mes joues s'accentuèrent sûrement, honteux d'avoir été surpris.

-Je suis désolé, dis-je gêné, à l'intention de l'homme qui avait froncé ses sourcils, semblant mécontent de trouver quelqu'un à ses côtés.

Son regard me détailla de haut en bas, il analysait qui était l'intrus qui venait troubler sa quiétude.

-Ça fait longtemps que tu m'observes? Demanda-t-il et le timbre de sa voix grave me fit frémir.

-Non, c'est juste que je suis étonné de trouver quelqu'un d'autre ici.

Son regard était dubitatif. Il était un peu sur la défensif et son air détendu d'avant s'était rapidement transformé en une attitude nonchalante.

-Excusez moi mais, comment vous appelez vous? Finis-je par demander, ma curiosité prenant le pas sur ma gêne.

-En quoi devrais-je répondre à un voyeur? Asséna-t-il, alors que ses lèvres se relevèrent légèrement en un sourire en coin, lui donnant un air moqueur.

-Je ne suis pas un voyeur! Me défendis-je, offensé qu'un inconnu puisse penser ça de moi.

Il ne me prêta pas plus d'intérêt et son regard se déporta sur l'étang. Il s'était redressé me laissant l'apercevoir un peu mieux. Et de ce que je voyais la seule chose que je pouvais dire, c'est que je venais de rencontrer quelqu'un de vraiment magnifique. Ma curiosité était piquée au vif, et il m'était insoutenable de me dire que je pourrais ne jamais le revoir. Je me rapprochai du saule pleureur, restant tout de même à quelques mètres de lui, ayant presque peur de l'effrayer.

-Vous dessinez bien, tentai-je de lui dire pour engager une conversation.

-Je sais.

Visiblement, en engager une avec lui allait être plus dur que prévu. Mais je sentais au plus profond de moi que je ne pouvais pas abandonner. J'étais persuadé que cette rencontre était un signe, le croisement de deux vies, deux univers complétement différents qui se croisent un jour, voir juste quelques secondes. Deux droites parallèles qui se rencontrent, cela tient du miracle. J'étais persuadé que c'était un coup du destin. Mais parfois, le destin est de nature capricieuse.

L'amour dans l'âmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant