Le bal rouge

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Je vais vous raconter ce qui m'est arrivé. Je vais vous expliquer comment mon cauchemar éveillé a commencé. Parce que je ne peux plus garder ça pour moi. Je ne peux pas garder ce secret plus longtemps...

Tout a commencé par un " simple " rêve. C'était il y a un an de cela. J'habitais encore avec ma famille, qui était constituée de mes deux petites sœurs et de mes parents. Nous étions une famille unie, semblable à tant d'autres.
Mais un soir, nos vies ont pris un virage à 180 degrés.

C'était un soir de juillet, il faisait chaud cet été la. J'avais laissé la fenêtre et les volets ouverts, de sorte que l'air frais de début de nuit chasse la chaleur étouffante qui régnait la journée. J'étais couchée sur mon lit, les jambes allongées avec l'ordinateur posé dessus.
J'étais à la webcam avec ma meilleure amie, nous rigolions devant nos grimaces que nous faisions. Je la connaissais depuis toute petite, nous avions grandies ensemble. Je regardais l'heure et constatais qu'il y avait déjà deux heures que nous étions en train de parler. Elle regarda l'heure elle aussi puis déclara qu'elle devait dormir. Nous coupions la caméra et je fermais l'ordi. J'allais le poser sur le bureau puis allais fermer la fenêtre. La pièce s'était suffisamment rafraichie. Je retournais à mon lit et pris mon livre. Je me plongeais dans ma lecture, oubliant le monde extérieur. Lorsque que je me couchais, les ombres enveloppaient la pièce. Puis je me mis à rêver.

J'étais dans une grande pièce éclairée d'une lumière jaune vive, au sol en damier noir et blanc. La pièce se remplit peu à peu de personnes, toutes habillées pour un bal. Ils entrèrent par couples. Ils portaient tous des masques blancs, mais ils semblaient adaptés à leur trait car ils n'étaient retenus par rien et ne tombaient pas, et hommes et femmes étaient clairement reconnaissables. Ils se dispersent autour de moi, dans toute la pièce. Puis une musique, venant je ne savais d'où, se mit à jouer. Des airs de piano s'accordaient avec des violons. La musique était belle, douce et envoûtante. Les couples se mirent à danser.

Je pressentais que quelque chose allait arriver, car un sentiment d'insécurité planait sur mon cœur. Les couples valsaient, tournant en rond autour de moi. Je les observais sans comprendre. Plus le temps passait, plus je voyais et sentais la pièce s'assombrir. Une teinte grise finit par s'installer dans l'atmosphère. Je commençais à m'agiter. Je voulais sortir de cette salle qui devenait de plus en plus effrayante. Je vis alors une horloge, sans savoir si elle était déjà là avant ou si elle venait d'apparaître. Les aiguilles étaient proches de minuit. Il ne devait pas rester plus de deux; trois minutes.

La musique s'était arrêtée, et tous les couples regardaient vers l'horloge. Je fis un pas et il résonna sur le carrelage. Le bruit brisa le silence quasi religieux qui s'était installée. Personne ne tressaillit, rien qui puisse m'indiquer s'ils avaient connaissance ou non de ma présence. Je sentais que quelque chose se matérialisait dans l'air. Une sorte de connexion qui les reliait tous les uns aux autres. Alors l'horloge se mit à sonner, faisant vibrer l'air. Le son clair m'enveloppa, me fit frissonner. Ils se tournèrent tous vers moi. Leurs yeux blancs et vides de leur masque me fixaient. Les hommes tenaient encore les femmes par la taille, mais bientôt ils s'écartèrent tous légèrement. Ils portèrent une main à leur masque et le retirèrent.

Ce que je vis alors me fit hurler. Dégoût et peur s'y mêlaient. Car ce que je vis ne relevait plus de visage mais d'horreur sans nom. Lorsque le masque se décolla, la peau semblait coller sur la surface intérieure. Je la vis se décoller en s'arrachant. Je voyais les nerfs se tendre puis lâcher, les tendons mis à nus, les muscles découverts. Le sang suintait entre les chairs et tombait au sol par goutte. La terreur englobait mon cœur, ne me laissant qu'une seule idée claire: courir, fuir. Je me mis donc à courir, zigzaguant entre les couples, glissant sur les flaques de sang. Je dérapais et tombais à demi, mon pied droit partit en arrière et mes mains me rattrapèrent. Je me levais précipitamment et fonçais vers la grande porte en bois ouverte. Le couloir qui m'accueillit était plus sombre et long. Le sol pareil à la salle, des murs ornés de tableaux représentant à peu de choses près la même scène: une scène d'horreur, des morts, du sang partout. Mais surtout, les visages. Les mêmes que les danseurs d'avant. Les mêmes visages sans peau. Je courrais, suivant ce couloir inconnu, le bruit de mes pas résonnant dans le silence. Puis, un mur. Je m'arrêtais et regardais derrière moi. La salle semblait vide. Mais je ne me risquerais pas à revenir en arrière. Je fermais les yeux. L'image du masque blanc contrastant avec le sang rouge était resté imprimée sur ma rétine. Elle était aussi claire et nette que si j'étais en face d'eux. Mais le plus perturbant, c'était leur sourire. Ils avaient un énorme sourire plaqué sur le visage, malgré la douleur qui aurait dû les faire hurler de douleur. Ma respiration était sifflante, entrecoupée de mes sanglots. Ceux-ci se répercutaient contre les murs et me revenaient plus fort qu'ils ne l'étaient réellement. J'aurais presque pu croire que c'était une autre personne qui pleurait, pourtant j'étais seule, je ne pouvais donc avoir aucun doute.

Je sentais mon cœur se serrer. Petit à petit une ombre prenait forme au seuil de la porte. Sans pour autant se dévoiler entièrement, son ombre laissait supposer une masse et une taille imposantes. Je me laissais glisser contre le mur et tombait sur le sol froid. Je me recroquevillais sur moi même, sachant que cela ne servirait à rien. Le sang tambourinait à mes tympans et pulsait dans mes veines. Le bruit de mon cœur emplissait ma tête. Rien n'était sur quant à ce que je pensais. Un rire se déclencha alors, tirant une sonnette d'alarme dans mon système nerveux. Je ne tiendrais pas beaucoup plus longtemps.
Puis l'ombre devant moi se matérialisa...

Rêve mortelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant