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playlist Adonis & Hermès
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- T'es qui ? demande Adonis en tournant sa tête vers le cerisier.

- Pardon ? fait le garçon appuyé contre l'arbre.

- Tu es qui ?

Alors, le garçon vient s'assoir à côté de lui, sur le banc en haut de la colline qui surplombe la ville.

- Tu es qui ? répète Adonis. Et puis pourquoi on est ici ?

Le garçon à côté de lui, il lui sourit en lui demandant :

- Tu ne te rappelles plus de nous deux ?

- Hein ?

Adonis, il ne comprend pas. L'autre garçon a des beaux yeux partiellement cachés sous ses bouclettes brunes ; il a l'air d'avoir le même âge qu'Adonis.

- Pardon mais... on se connait ?balbutie le blondinet.

- Donc tu ne te souviens vraiment plus...

L'autre garçon perd son sourire, et se lève du banc.

- Tu t'en vas ? il demande bêtement, Adonis.

L'autre garçon ne dit pas un mot, et s'éloigne du banc sous le cerisier, celui en haut de la colline qui surplombe la ville.

- Attend ! Dis moi au moins comment tu t'appelles !

Adonis essaye de se lever à son tour, mais il se sent cloué au vieux bois du banc ; l'autre garçon est loin à sa gauche, il arrive bientôt au versant de la colline.
Maintenant, Adonis remarque qu'il porte deux chaussettes différentes : une orange à pois, et une verte à rayures.

L'autre s'en va tristement.

Comme ça.

Il a brusquement une toile sous son épaule et les mains pleines de peinture.
Il a l'air d'avoir grandi, il a un peu de barbe.
Il n'a pas l'air de vouloir quitter la colline, il est juste là, à peindre la ville.

Adonis essaye de l'interpeller, mais une main fantomatique lui couvre la bouche, étouffant ses appels.

Le garçon est devenu un homme, un jeune et bel homme de la trentaine.
Des rides se forment sur son visage, arabesques du temps. Des cheveux gris parsèment ses boucles brunes ; son dos se courbe légèrement, mais il continue de peindre inlassablement ; sa main tremble, mais la peinture continue de vivre.
Finalement, ses doigts fatigués lâchent le pinceau, qui tombe à terre, au ralenti, la peinture présente sur les doux poils éclabousse lentement l'herbe ; le tableau est terminé.

Le garçon - maintenant vieil homme tourne sa tête abîmée par le temps ; mais Adonis reconnaît quand même cette lueur taquine dans ses yeux, ainsi que son nez un peu retroussé - comme si c'était une vieille connaissance.

Le vieillard lui envoie un doux sourire.

Adonis, il sent l'impression de déjà vu le ronger ; il la connait, cette personne, ce garçon aux chaussettes uniformes, il le connaît, c'est obligé ; mais n'arrive pas à mettre le doigt dessus ; c'est comme si son esprit était bloqué, qu'il refusait de fonctionner

- Réfléchis, réfléchis...

Le blondinet a les larmes aux yeux, et lui-même ne sait pas pourquoi.

Adonis, il ferme alors les yeux, se laissant porter par le bruit du vent dans le cerisier en fleurs.
Et alors que ses paupières s'ouvrent et papillonnent quelques temps sous le choc de la vive lumière, il se rend compte que l'inconnu qu'il est sûr de connaître n'est plus là : seul son chevalet frémit sous la caresse du vent ; et la peinture déversée au sol qui s'agrandit, qui dévore tout. D'une couleur imperceptible, un néant qui engloutit tout l'espace autour d'elle.

D'un seul coup,

Adonis se rappelle.

Comment ?
Pourquoi ?

- Hermès !

Son cri traverse l'espace, se cogne contre la peinture, se bat ; mais l'art gagne toujours.

Adonis crie une dernière fois avant d'être à son tour englouti :

- Hermès !

et c'est à ce moment qu'Adonis, il se réveille.

ADONIS & HERMÈSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant