Le Conte du Bigorneau et de la Banane.

Il est parfois d’étranges histoires qui surgissent du quotidien, comme autant d’imaginaires qui bourgeonnent et se développent dans le terreau fertile de la fuite du monde réel.

«Je te donne trois mots, fais moi un texte de 30 mots» fut la demande qui amorçat le Conte du Bigorneau et de la Banane. Le but initial était à l’opposé de l’écriture d’un récit, mais c’est bien cela que c’est devenu. Écriture à quatre mains, chacun répondant tout en donnant les trois mots qui permettraient à l’autre de poursuivre à son tour.

Cela nous est apparu comme un jeu, aussi le conte manque un peu de cohérence, mais son but était de nous amuser. Et nous nous sommes bien amusé. Puisse-t-il vous plaire aussi, et puissiez-vous être indulgent quant à la certaine bancalité qui fait tout le charme de ce conte un peu absurde.

P&S

* * *

        L’histoire commence un certain 24 décembre, sur un bord de mer… Un bigorneau solitaire admire l’océan sans penser au lendemain. Il pense à sa vie solitaire, loin des siens, qu’il avait quitté il y quelques années de cela. Lui, il avait des rêves plein la tête, imaginait la grande ville, les gratte-ciel, les nuits à Las Vegas. Mais il n’eut rien de tout ceci… Non, rien. Il avait pris le bateau, et s’était retrouvé sur une île, perdu, seul. De la plage, il distinguait les lumières d’une grande ville animée par l’arrivée de Noël. Sa seule grande occupation : tourner les feuilles de son calendrier, improvisé dans un classeur miteux, trouvé dans la cale du bateau. Ainsi, il gardait comme un semblant de contact avec le monde extérieur.

La nuit tombait lentement. Il aimait admirer le coucher de soleil. Le calme et le silence sont maître ici bas, et il tâche de ne jamais briser ce calme-là. C’était comme un moment de méditation, une prière. Et pourtant, ce soir, tout allait changer… Quelques minutes seulement après l’effleurement de la mer par le soleil, un fracas retentissant se fait entendre. Le bigorneau sursaute de surprise dans sa coquille, et se retourne, cherchant à trouver la cause de ce bruit. Lui qui depuis des années n’avait entendu ni bruits suspects ni présence, se retrouve là, sur sa plage, tremblotant, à chercher qui pouvait bien avoir fait tout ce ramdam. Quand soudain, une banane négligée sort de la forêt. Elle soupire de lassitude, se frottant vivement la peau comme pour se nettoyer. Elle avance sans prêter attention à ce qui l’entoure, rageant contre elle-même. Le bigorneau, stupéfait, s’avance vers elle. Mais la banane n’est guère attentive et finit par le percuter violemment. Elle tombe au sol, et le bigorneau, tant bien que mal, tente de garder l’équilibre.

— Mais qu’est-ce que c’est encore que tout ça ?

La banane lève les yeux vers le bigorneau, qui la regarde sans rien comprendre. Ils restent ainsi quelques minutes sans trop savoir que faire, et le bigorneau finit par tendre sa petite main vers la banane, l’aidant à se relever. « Que faites-vous ici ? » lui demande-t-il. « Je peux vous poser la même question », répond-elle. « J’étais pourtant sûr qu’il n’y avait personne ici ! », énoncent-ils en cœur. Ils se regardent à nouveau, dans le blanc des yeux, avant de se serrer dans les bras de soulagement. La banane vivait depuis longtemps à l’opposé de l’île, qu’elle connaissait par cœur. Mais, prise d’un élan de curiosité, elle avait voulu voir ailleurs, partir à l’aventure, si bien qu’elle s’était perdue. Et dans sa marche folle, elle avait fini par rejoindre l’autre côté de l’île. Mais qu’importe, ils étaient tous deux heureux. Heureux de ne plus vivre seuls. Heureux d’être à deux. Simplement. Ils passeraient Noël ensemble comme cela n’était plus arrivé depuis des années, improvisant décors et repas, aux lumières lointaines des belles grandes villes.