Irène

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Irène Adler était une femme qui pouvait prétendre à la représentation même de la Femme fatale. S'étant élevée et intégrée dans les plus grands cercles de relations, même au sein de soirées privées organisée par l'État, elle s'était forgée une réputation. Pourtant, elle n'occupait pas de fonctions particulièrement propres à ce genre de réceptions. Elle était loin d'être une femme sans culture ayant simplement été gâtée à la naissance, Irène était remarquable par son intelligence et sa culture. Elle était capable de tenir une discussion autour de n'importe quel sujet, qu'il s'agisse de politique, d'économie ou encore de sciences, elle s'illustrait par son savoir et sa polyvalence dans bien des domaines.

Mais s'il y avait bien un domaine qu'elle dominait, c'était la séduction. Se forger des relations afin de s'intégrer d'une manière aussi fulgurante à un si jeune âge lui avait demandé bien des efforts. Aussi brillante qu'elle fût, elle n'aurait pu atteindre de telles relations avec tant de personnes importantes uniquement en exposant son savoir ou en se faisant remarquer dans son travail. Ainsi, l'ambitieuse en elle opta pour une toute autre solution qu'est la séduction. Le tout était de trouver la personne qui lui permettra d'accéder à une des sphères qui lui était inaccessible. Tantôt un homme, tantôt une femme, tous tombèrent sous ses charmes. Elle gravit pas à pas les marche de l'échelle sociale, marchant à chaque fois sur une nouvelle proie. Les relations s'accumulaient, et les sentiments qui en étaient liés disparaissaient de plus en plus.

Malgré tout, elle n'était pas satisfaite. Insatiable dans son ambition, elle voulait toujours côtoyer plus important, voler plus près du soleil. Peu de femmes avaient son ambition, et encore moins ont réussis de tels projets, mais cela ne l'effrayait pas. Mais séduire avait un désavantage : la perfection. Si elle voulait toucher le cœur de ces gens, il lui fallait être toujours plus élégante, raffinée, mais tout de même affriolante. Certains diront que de s'occuper uniquement ce genre de détails font d'elle une personne superficielle, mais le monde qu'elle essayait d'intégrer n'était qu'un condensé de superficiel et d'image. Ainsi, être irréprochable n'était pas une option pour elle.

Préférant les boutiques de luxe aux cafés et aux presses sordides qui ne traitent que de morts inexpliquées, Irène parcourait les tissus précieux et les préparations complexes destinées à embellir avec une aisance et une expertise déconcertante. Elle savait ce dont elle avait besoin avant même qu'on tente de l'approcher pour lui proposer conseils.

Ses emplettes, indispensable à sa mission, étaient souvent financée par la personne qu'elle côtoyait à ce moment : ses partenaires, vivant souvent bien plus aisément qu'un esprit raisonné le peut, ne regardaient que rarement à la dépense.

Lors d'une de ces séances d'achats, au détour d'une parfumerie, elle se stoppa net. Un arôme lui était parvenue, et l'avait envoutée en une seule inspiration. Elle s'engagea nette dans la parfumerie, et se mit à humer l'air saturé d'effluves en tout genre afin d'y trouver celle qui l'intéressait. Au fil des allées, elle capta à nouveau le parfum recherché. Cette odeur la mena directement à un homme, la vingtaine, occupé à ranger des flacons, très impersonnels, presque scientifique, du rayonnage à un carton. Il était évident à Irène que l'odeur venait de ses flacons. Lorsqu'elle interrogea le jeune homme sur ce qu'il faisait de ces récipients, ce dernier lui expliqua qu'il avait eu pour ordre de retirer ces produits de la vente, son patron ayant des doutes sur le produit. Irène, déterminée, lui demanda s'il était tout de même possible d'obtenir un de ces exemplaires. Lui, hésitant, balbutia qu'il ne savait pas vraiment, que son patron lui avait juste dit de ranger rapidement la totalité du stock. Elle, un regard auquel peu d'hommes ont la force de résister, insista en susurrant à son oreille le plaisir qu'elle aurait s'il lui laisser juste une de ces petites bouteilles. Le jeune homme, déboussolé, lui tendit un flacon, en bafouillant de garder le secret et de vite partir. Satisfaite, elle se redressa, victorieuse, en lui adressant un clin d'œil tout en glissant le parfum dans une poche de sa veste.

Elle se hâta de rentrer chez elle, ignora le journal déposé sur le pas de sa porte, en franchit le seuil, puis prit directement la direction de sa chambre. Si elle était assez rapide, elle pouvait même sortir le soir-même, portant l'effluve du parfum, qui ne pouvait que renforcer sa force de séductrice. Peu importe qui allait être sa cible ce soir, elle s'avait que c'était gagné d'avance. Choisissant ses vêtements pour la soirée, plongée dans la pénombre de la pièce, fouillant dans les diverses boites qui lui servaient à ranger toutes ses affaires, elle prit son temps pour se préparer, s'observant longuement dans le miroir illuminé, choisissant adroitement les différents artifices qu'elle pouvait utiliser afin d'être celle qui allait briller cette nuit. Lorsqu'elle fut prête, elle sortit de sa veste le flacon qui l'avait séduite, qui allait la différencier de toutes les autres, puis se pulvérisa quelques millilitres du produit. L'odeur s'empara d'elle, comme enivrante, et la motiva à prendre la route afin de se rendre à la réception organisée par un ambassadeur.

Elle marcha, hissée sur ses haut-talons, prête à rayonner, vers l'extérieur. Quittant sa chambre, descendant les escaliers, se sentant grisée, comme sur un petit nuage, elle parvint à ouvrir sa porte. Puis, tout-à-coup, ses jambes cessèrent de réagir. Son corps tout entier se figea. Irène, confuse, presque soûle à cause du parfum, ne se sentit pas tomber en avant, sa tête heurtant violemment le pas de sa porte, lui ouvrant violemment le crâne. Inconsciente, son sang coula doucement sur le béton brut, jusqu'au journal ignoré tout à l'heure, sur lequel la page indiquait pourtant une vague de décès lié à un mystérieux produit de beauté.

IrèneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant