Prologue

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 Je vérifie plusieurs fois qu'on ne me regarde pas avant de me faufiler dans mon arbre. Maman n'aime pas que je monte là-haut. Moi, j'adore ça. Il y a cette sensation de vertige bien sûr, mais ce que je préfère ce sont les secrets de chacun.

On n'imagine pas ce qu'une personne peut révéler d'elle lorsqu'elle ignore être observée. Prenez Monsieur Delaunay, notre nouveau voisin, il est toujours en train de compter, même si je ne sais pas très bien quoi. Il a l'air gentil et attentionné, mais je le trouve tout de même effrayant. Peut-être est-ce parce qu'il est le seul à m'avoir repérée ?

Comme chaque jour, il dépose un colis devant sa porte avant de s'engouffrer à l'intérieur sans se retourner. Sa maison n'est pas habitée, les finitions sont encore loin d'être achevées et je n'ai toujours pas rencontré ses deux enfants. Mais ce n'est pas eux que j'espère apercevoir.

Éric ne devrait plus tarder, il attend souvent la nuit tombée, mais aujourd'hui, je l'ai vu rodé dans le quartier bien avant l'heure. Je me demande pourquoi. Prépare-t-il un mauvais coup ? Je frissonne rien que d'y penser !

Je ne sais pas vraiment comment l'expliquer, mais les voyous m'attirent bien plus que les gentils garçons, et lui est le champion des environs. Il est très grand pour son âge et ses yeux noirs me transpercent comme s'il savait tout de moi sans même m'avoir interrogée. J'ignore ce que lui confie Monsieur Delaunay, mais ça doit être suffisamment important pour qu'il ne manque jamais la distribution de ces petits paquets. Voilà un secret que j'aimerais bien élucider !

Éric vit dans la maison d'accueil du bout de la rue avec d'autres enfants. Leurs vies m'intriguent, elle n'est pas comme la mienne. Eux n'ont pas de parents qui leur disent quoi décider, ils semblent avoir bien plus de liberté. Parfois, je les envie, même si je sais que leur quotidien n'est pas facile.

– Alice, tu as fait tes devoirs avant de sortir ? hurle maman depuis la cuisine.

Je bougonne en assurant mes pas sur les larges branches, il vaut mieux pour moi qu'elle ne sache pas où je me cache, mais je suis déçue de n'avoir pas eu le temps de l'apercevoir aujourd'hui. Peut-être demain, si j'ai de la chance, à moins que papa ne les chasse d'ici là. Il n'aime pas que des vauriens rôdent près de la maison.

Les enfants tombés du nidOù les histoires vivent. Découvrez maintenant