Acid Rain

BOOM.

BOOM.

La répercussion martela si fortement son crâne, qu'elle crut en perdre tout forme de respiration.

BOOM.

La mélodie se chargea lentement, prête à dépoussiérer ses hontes et ses chagrins passés.

BOOM.

Cela lui faisait tourner la tête. Tout lui paraissait soudain si léger et à la fois si lourd. Elle avait cette impression terrible de ne plus rien supporter. Ce dégoût d'elle-même s'était éparpillé sur le pare-brise - où elle remarqua un drôle d'impact. Cette terreur du corps se terrait ailleurs, loin du trou dans sa poitrine. Loin de son être.  Brusquement si légère qu'elle se découvrait...

... Brutalement si lourde de douleur silencieuse.

On aurait dit une petite brûlure provoquée par une casserole mal appréhendée. La piqure d'un chocolat chaud bouillant sur le bout de sa langue. Rien d'extravagant. Mais cela progressait minutieusement, au rythme des secondes. D'abord sur le haut de son arcade droite, puis dans l'arrête de son nez... ça s'élançait tel un cancer discret s'immisçant aux mauvais endroits.

Son corps tout entier allait-il piquer de cette façon étrange ?

Elle n'en savait rien. Le poids de cette brûlure, elle pouvait en convenir sans ménagement si quelqu'un lui promettait que la sensation de liberté resterait en elle éternellement.

Chaeyoung pourrait tout endosser pour continuer de vivre, subir, cette idyllique perdition.

BOOM.

Elle parvint à garder les paupières grandes ouvertes et crut entendre l'ombre d'une mélodie bordélique.

BOOM. BOOM........ BOOM !

D'où cela pouvait-il venir ? Un passant, une voiture, une maison, un appartement perdu du centre-ville ? Elle n'en savait foutrement rien mais son corps lui, la poussa dans ses retranchements. Il fallait le faire, n'est-ce pas ? Il fallait se lancer sans rien connaître du monde l'entourant. Si il y avait des regards curieux... eh bien tant pis pour eux. Elle n'avait besoin que de son coeur frappant sa cage thoracique pour se convaincre de bouger.

Elle se mouva alors lourdement sur sa gauche, la main moite sur la portière et le regard flou bloqué dans un coin du vide.

La chaleur d'un coeur voisin la troubla.

Rien en elle ne s'alerta de ses doigts tremblants dans le sang. Ses cellules n'osèrent pas la troubler et la laissèrent se taillader sans peine ses fins membres sur les bout de vitres émiettés.

Elle crut que ses jambes ne lui répondraient pas. Elle crut que les brûlures finiraient par les atteindre. Cependant, rien ne se passa et elle réussit à s'extirper corps et âme de son véhicule clinquant.

Une odeur sévère de fumer l'embourba encore plus dans la torpeur et, malgré tout, elle ne lâcha rien.

BOOM.

Ce bourdonnement la calma.

BOOM.

Il lui susurra de sortir de là, de se laisser aller, de perdre le contrôle de cette partie si tentante qu'elle n'était jamais parvenu à dévoiler. Qu'elle ne côtoyait habituellement même pas. On aurait dit une colocation discrète qui finissait par éclater dans un ciel d'été pluvieux.

C'était ce qu'elle n'arrivait à décrire. Ce que son cerveau n'essayait pas de divulguer sans interruption.

Les pieds flageolants sur ce goudron terni par l'eau, elle manqua de trébucher.