Mardi... je suis sorti prendre mon bain de fange quotidien. J'arrivai à l'école. Et ensuite venait le bruit, la nécessité perverse des médiocres qui noient leur vacuité dans une agitation constante. Je me tenais là, dans un coin, presqu'en silence. On fait abstraction comme on peut... Un café englouti et une moitié d'alprazolam. Je fis l'appel, les choses habituelles. Puis le retour au bruit encore. Piétiné de toute part j'en faisais le minimum, autant que possible. Je me faufilais dans ce semblant de chaos, la tête comme posée sur un oreiller de plomb, un pur délice. J'avalai pendant le repas quelques maigres fourchettes, et m'éloignai discrètement, en revenant de temps en temps histoire d'être vu à mon poste. Puis par moment j'essayais de bien faire, avant d'être interrompu. Autant ne rien faire, jeter fréquemment un œil à l'horloge. Quelle ignoble saloperie. On maintenait les apparences, et quelles apparences ! Quelque chose à mi-chemin entre un crapaud boursouflé et borgne, et un nourrisson sous les pneus d'un six tonnes. L'image me semble parlante.
Un autre café, un autre demi xanax ; et l'attente, encore. Les chiards s'agitaient, en suivant le rythme imposé. Une droite partait. Je prenais avec moi la paire récalcitrante, sans grand résultat. On interrompit la scène de toute manière, peu importe. Je me suis éloigné. L'heure sonnait enfin, du debrief, du moins ça y ressemblait à un debrief. Je partis fumer, en faisant en sorte de ne pas me faire planter, puisque j'étais officiellement sous la responsabilité de l'institution à ce moment, peu importe.
Plus tard mon ami était venu. Je commençai : « je vrille tout à fait. Ma pensée fait des bonds incontrôlables, j'ai des obsessions ». Je me lève en criant presque, fais claquer la cloison de ma chambre et reprend : « maintenant quand j'écris, c'est plus tant pour écrire que pour trouer le papier... Mes nerfs lâchent, ils dansent comme des fous, c'est une épidémie. Je m'en arracherais les cheveux, à me retrouver nu comme un piaf. » Je crie, je gémis, je frappe sur la table.
Je m'abrutis par le vide, le silence m'absorbe tout à fait. Ma pensée se réduit, animale, un bœuf en transhumance. Je deviens un idiot tout entier, du regard jusqu'aux gestes. Et par moments, à certains intervalles, mon doigt vient frapper la table ; c'est un bruit discret. Ainsi, ma pensée est si minimale que j'en cerne le pourtour.
J'ai pour projet actuel de me rendre complètement dégoûtant, comme un rat ou une autre charogne. Par l'apparence d'abord (puisque je le suis déjà en pensée, du moins en partie). Ce sera un effort de gesticulations inertes, d'abjections en bloc. J'en serai vert ou blafard, ininterrompu, et puis ça se verra enfin. Authentique pour finir je cesserai d'être un emprunt .
Deux mille vingt... C'est le retour des années folles ! Le xanax va pleuvoir sur la ville. Des sels de bain aux plus offrants. Merde ! Des foudres immenses et glacées, je peux déjà les voir. A moins de douze euros le gramme. Des tas de soleil, à vous calciner la rétine, dégoulinants en torrents, et la puanteur sous le ciel !