L'épouse

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Cette exposition est un véritable un succès.

Non que j'en doute à voir la qualité des œuvres proposées, car au-delà de l'esthétisme et de la beauté, l'auteur possède sans nul doute un réel talent. Certaines pièces donnent presque l'impression de pouvoir prendre vie à tout moment, néanmoins je n'adhère pas à l'obsession excessive de mon mari pour cet artiste.

Il est comme fasciné par ce type !

Je sais qu'Alex Gournelle est un génie reconnu de ses pairs, mais je n'arrive à me détendre en sachant qu'Adam est complètement hypnotiser par l'homme. 

De plus, le mystère qui nimbe ce mec ne fait rien pour arranger les choses. Bien au contraire, si cette énigme alimente l'imaginaire des foules, de la presse, des critiques et des mécènes ; elle nourrit davantage celle de mon conjoint.

J'en suis au point où je vis en permanence avec le spectre d'Alex Gournelle.

Il faut dire qu'Adam ne cache en rien de son admiration pour lui. Il dépense sans compter des sommes astronomiques à chaque exposition et parle de lui constamment. Et bien que nous ayons au moins une de ses œuvres dans chacune de nos propriétés, cela ne suffit à combler mon mari qui rêve de posséder un authentique portrait de moi peint par cet homme.

Personnellement, je m'en passerais volontiers, mais se serais comme avouer la jalousie maladive qui dévore à chaque fois qu'une personne s'approche émotionnellement ou physiquement de l'homme que j'ai épousé.

Or ce genre de sentiment n'a pas sa place au sein de notre mariage.

Cette émotion est trop au-dessus de ce que me permet mon époux, car les termes de notre accord sont parfaitement claires. Tout du moins en ce qui le concerne, puisqu'il en a lui-même fixé toutes les règles.

Selon lui, je peux espérer un statut, du sexe et de l'argent, mais pas davantage.

Adam Authier a été catégorique sur le fait qu'il ne m'appartiendrait jamais.

J'ai la permission d'être sa femme, mais à la seule condition de ne pas y mêler de l'amour. Or, pauvre folle, je n'ai pas su résister et me voilà malgré moi amoureuse de lui. Ce qui fait que je suis celle de nous deux qui n'a pas le choix.

Autrefois, j'ai espéré réussir à faire de nos noces un véritable mariage mais plus le temps passe et plus je sais mes espérances illusoires. Et j'ai beau l'aimer de toutes mes forces, il n'en demeure pas moins qu'il n'en a absolument rien à foutre.

Bien-sûr, il ne m'a jamais menti et j'étais libre d'accepter ou de refuser sa proposition de mariage. Toutefois rien n'est jamais tous blanc ou tous noir, la vie s'impose à nous à grand renfort de nuances. 

Et nous devons parfois accepter l'impensable, il nous est nécessaire de tenter des choses qui ne nous conviennent pas.

Quel autre choix avais je de toute façon ? 

A l'époque, l'homme de mes rêves me demandait de l'épouser, il était impossible que je refuse. 

Certes, il m'avait prévenu.

Mais malgré ses nombreux avertissements, j'y croyais tellement que je pensais pouvoir le changer ; cependant j'avais tort. 

Maintenant, s'en est presque risible de voir notre entourage s'extasier devant le couple que nous formons ; en sachant qu'il ne m'aimait pas plus aujourd'hui, qu'il y a quatre ans.

Furieuse, j'avale ma flute de champagne d'une traite et fixe le portrait devant moi sans le voir.

Je suis un amas vif de sentiments contradictoires, je ne sais plus si j'ai envie de me battre pour quelque chose que je sais perdu d'avance. Je veux être aimé, je souhaite me sentir importante aux yeux de quelqu'un. Je ne désir pas ce que l'argent peut obtenir, j'espère juste un je ne sais quoi de véritable.

Je ne peux pas continuer à confondre espoir et illusion notoire. Car si l'espoir me permet de vivre quelque peu, les successions de désillusions ne font que me remplir de désespoir. Elles m'assèchent et me remplissent d'amertume. 

J'ai sans doute l'air d'une épouse mais en réalité, je ne suis rien. Je ne représente rien, ma vie s'articule au gré de cet arrangement sinistre qui m'assombrit et me dépossède de la meilleure partie de moi. 

Aculée par l'indifférence mon mari, j'accumulais autant de frustration que d'humiliation ; ce qui augmentait ma colère un peu plus chaque jour. Personne n'avais jamais réussi à se faire aimer de quelqu'un contre son gré, alors comment aurais-je pu accomplir cet exploit ? 

J'aurais vraiment voulu accomplir un tel tour de force, mais je devais surtout redescendre sur terre. Adam ne voulait pas se laisser aimer de moi. Il avait déjà du mal à rester dans mon lit après que nous ayons baiser ; alors m'ouvrir la porte de son coeur ressemblait davantage à la combinaison d'un coffre fort inviolable.

Perdue dans mes pensées, je continue de me balader au fil des oeuvres exposés ; jusqu'à ce que j'aperçoive mon mari en pleine discussion avec un très beau jeune homme. 

La vingtaine, il semble capturer toute la lumière des alentours. Sculpté comme un dieu grec sous sa chemise blanche, il passerait sans problème pour le dernier mannequin en vogue. Et tout cela, sans compter ses boucles brunes, cet air intense et ce style sexy d'après baise qui mettrait n'importe qui à genoux. 

Leur conversation très animé attire quelques regards curieux mais ils ne le remarquent pas tant tout deux semblent prendre plaisir à la compagnie l'un de l'autre. 

La jalousie constante qui me pend aux tripes chaque fois qu'Adam accorde son attention à quelqu'un d'autre que moi, me submerge. Elle me broie littéralement lorsqu'ils se serrent la main et que le temps parait s'arrêter tandis que leur contact s'éternise bien plus que bienséance ne le permet. 

J'ai conscience d'être d'une psychopathe obsessionnelle, parque je sais parfaitement bien Adam n'est attiré par les hommes. Or, une petite voix au plus profond de mon être me souffle le contraire. Je ne comprends pas cette brève connexion que j'ai cru voir au travers de leurs yeux.

Désireuse de les interrompre, j'interpelle mon mari mais celui-ci ne semble ni me voir, ni m'entendre. Se détournant enfin du jeune homme, il me présente poliment. 

_ Puis-je vous présenter ma femme Clémence ? dit-il.

Mais son interlocuteur comme prit au dépourvu, brouille une excuse et s'en va sous les yeux d'un Adam confus.

Que vient-il de se passer ? 

Furieuse, j'interroge mon mari mais celui-ci ricane et me répond sarcastique.

_ J'aurais bien voulu le savoir. Serais-tu jalouse une fois de plus, Clémence ? souffle-t-il. 

_ Jalouse ?

Il se rapproche afin de n'être entendu que de moi.

_ Oui jalouse, ma chère. Tu veux me faire croire que tu ne l'es pas ? chuchote-t-il. 

Il ricane et reprend.

_ Tu penses sans doute que je ne m'en étais pas rendu compte mais tu te trompes. tranche-t-il exaspéré. 

Je baisse les yeux et le coupe.

_ Si tu le sais alors pourquoi ne pas me donner une chance d'obtenir ce je veux ? 

Cruel, il éclate de rire. 

_ Parce que je ne suis pas comme ça. Je croyais que tu l'avais compris.

Il soupire.

_ L'amour ne m'intéresse pas Clémence, sinon j'aurais plutôt choisi une femme ou un homme dont j'aurais pu tomber amoureux.

Et sans me donner le temps de réagir à sa déclaration, il s'en va.  







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