Je vais te garder

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Qu'est-ce que tu veux que je te dise ? Il y a des jours avec et des jours sans. Et là, c'est un jour sans. Il faut dire que depuis ton arrivée, ma vie est devenue compliquée ; j'angoisse pour un rien, je pleure pour un rien, je suis à bouts de nerfs et tu me donnes mal au crâne. Désolée d'être aussi franche mais c'est la vérité. En plus ma famille ne t'aime pas, ça ne facilite pas les choses...oui, je sais, je suis grande, je peux me passer de leur opinion mais avoue que ce n'est pas facile. J'ai toujours été dépendante de mes parents, c'est comme ça ; je voulais toujours leur plaire. Jusqu'ici ils acceptaient tous mes choix avec le sourire et m'encourageaient, même. C'est d'ailleurs grâce à eux, si je peux faire mes études de médecine. Alors, c'est vrai que ça me fait bizarre, maintenant quand je les croise : c'est simple, ils ne m'adressent plus la parole. Je suis à leurs yeux une parfaite inconnue. C'est terrible. De tous les maux, je crois que c'est celui qui me pèse le plus. Tout ça parce que tu es là. Attention, je ne dis pas que c'est ta faute. Il est vrai que tu me gênes dans mon travail, et que les nuits avec toi sont mouvementées ; tu ne me laisses jamais dormir, c'est fou. Ça t'arrive d'être fatigué ? Mais je te rassure, s'il y a quelqu'un de fautif dans l'histoire c'est bien moi: j'ai été trop bête. Croire que ta venue plairait à mon entourage...je suis un peu idéaliste sur les bords je l'avoue. On me dit souvent que je suis naïve d'ailleurs, ce à quoi je répondais que pas du tout, mais en fin de compte, c'est bien vrai. Pourtant, il y a des moments heureux avec toi : où je me sens bien, où tu me fais sentir femme. C'est important, tu sais, de se sentir femme. De sentir que l'on a grandi, que notre corps aussi et que l'on peut séduire, aimer et être aimé...C'est magnifique. Donc pour ça, merci. Et puis c'est vrai que tu me fais rire. J'aime bien rire, ça me met de bonne humeur ; tu savais que rire prolonge tes années de vie ? Il est certain qu'avec toi je serais certainement centenaire ! C'est une amie qui me l'a dit. Je l'aimais bien. Elle aussi, elle ne me parle plus. Je ne pensais pas qu'elle en serait capable ; on a toujours été très proche et ce depuis l'enfance. C'était ma meilleure amie, ma confidente, ma sœur ; tu sais, c'était ce genre de personnes avec laquelle je pouvais me marier si je n'étais pas attirée par les hommes, bien entendu. On était très tactiles, d'ailleurs, les gens pensaient que nous étions réellement en couple. Loin de nous gêner on en jouait. C'était drôle. Non, vraiment, je ne pensais pas qu'elle me tournerait le dos aussi facilement, en plus. Oui, encore à cause de toi. Ne t'en veux pas hein, tu n'y es pour rien ; entre nous, je pense que c'est plus de la jalousie qu'autre chose. C'est vraiment dommage, s'ils essayaient d'apprendre à te connaître ils regretteraient leurs réactions à la con. C'est vrai que tu es très attachant, en fin de compte. Il faut que je te dise quelque chose : ils m'ont tous dit de te quitter. Tous. Et j'y pensais sérieusement. Mais, tu sais, je t'aime toujours, et je pense que ça ne changera jamais. Le lien qui nous unit est si fort, je suis sûre que tu es d'accord avec moi. Eux, ils ne le ressentent pas, c'est pour ça qu'ils sont aussi méprisants : un lien comme celui qu'on a, il faut qu'on le garde. C'est si rare. Ils m'agacent tous de toute façon : tu verras qu'ici, les gens pensent tout savoir, sur ta vie, tes sentiments et les décisions que tu dois prendre...et parfois même sans te connaître, tu te rends compte ? On te dévisage : haussement de sourcils, soupirs exaspérés, des regards de désapprobations. Ils en ont du culot les gens. Un conseil : ne fais jamais, tu m'entends, jamais attention à eux. Le plus souvent, ceux là ne comprennent rien à l'amour et au respect de l'autre. Mais tu sais quoi ? On les emmerde. On vaut mieux qu'eux. Et si mes parents me font la tête je m'en fiche, ça leur passera. Ils apprendront à te connaître tu verras ; je suis sûre que tu leur plairas avec le temps, parce qu'à moi, tu me plais déjà. Oui, je pense que je vais te garder. Ne m'en veux pas si je t'ai fait du mal, c'est la souffrance : il est si dur de tomber enceinte à 18 ans, de nos jours. 

Je vais te garderOù les histoires vivent. Découvrez maintenant