L'Assassin et autres nouvelles

Le vieil homme, la sorcière et les griffes d'or.

Une feuille se décrocha d'une des branches du vieil arbre. La dernière feuille.

L'homme qui était là, debout, les bras ballants, savait. Il savait ce qui devait arriver le jour où l'arbre millénaire venait à perdre sa dernière feuille.
Il connaissait l'histoire. Ce n'était pas une malédiction ni une légende, plutôt une prédiction. Une prophétie.
Au début, quand on la lui avait raconté l'homme n'y avait pas cru.
À vrai dire, la femme qui lui avait conté la prophétie ne lui avait guère inspiré confiance.
Et pourtant, une magnifique femme, au cheveux d'un noir enchanteur, longs et ondulés comme portés par l'air. Des yeux d'un marron si sombre, des profondeurs desquels se reflétaient d'infinis éclats dorés, une peau pâle comme les perles des coquillages. Et de longues mains. De très longues mains délicates. Elle portait à ses mains des bagues qui recouvraient presque entièrement le bout de ses doigts, dans un entrelacs de dentelle dorée. On ne percevait presque plus ses ongles. Cela aurait pu s'apparenter à des griffes d'or. Mais on imaginait bien qu'ils se prolongeaient sous les bagues pointues.
L'homme avait serré fort son couteau à sa ceinture tandis que la femme c'était approchée de lui, dans un mouvement si gracieux qu'elle avait semblé flottait dans sa légère robe de satin vert émeraude. Une des manches en dentelles de la robe, tombantes comme des cascades de lierre, s'était relevée quand la femme avait porté la main à ses cheveux. Et dans un cliquetis de griffes dorées, d'un geste délicat, elle avait remis une mèche derrière son oreille. Dévoila un côté de son visage. Sa peau semblait briller, éclairer par la lumière des bougies. Elle était aussi blanche qu'un fantôme, mais aussi jolie qu'une pleine lune. Ses lèvres légèrements rosé, pleines, s'étiraient en un léger sourire. Un sourire tout en subtilité.
L'homme s'était questionné sur la volonté de la sorcière, ses motivations. Pour qui travaillait-elle?
Mais au fond de lui-même, le vieil homme à la barbe grisonnante savait que la sorcière en face de lui était plus puissante que n'importe quel autre mage. Il se mordit l'intérieur de la joue, se forçant ainsi à reprendre ses esprits. Le sourire qu'elle lui offrait n'avait rien de bien veillant, ou de timide. Il s'agissait d'un sourire amusé, car elle savait très bien comment cela finirait.
Pourtant il était resté là, sans bouger, hypnotisé par cette sorcière aux yeux dorés si rare et à la voix ensorceleuse.