Plongeon

Il approche. Le sol. Il se rapproche à une vitesse folle, le choc va faire mal. Il le savait, quand il a sauté du haut du pont de l'Artuby, perché à plus de 180 mètres de haut. Frédéric, policier municipal de 42 ans, profondément dépréssif, et depuis peu, suicidaire. Sa joie de vivre diminue de jour en jour, depuis ce fameux 14 août 2016. Quatre ans que ce jour, ce moment, cet acte, ou plutôt cette absence d'acte, le hante et le détruit, laissant place aux ténèbres dans sa tête. Une journée banale, un appel d'urgence, pour le braquage d'un bar tabac. L'homme était armé, et il n'a pas osé tirer. Carole, 37 ans, sa collègue et meilleure amie, a perdu la vie ce jour là car il n'a pas osé tirer. Pourquoi? Il se le demande encore aujourd'hui, alors qu'il tombe à près de 100 km/h. Les bras de sa femme et le rire de ses enfants n'y faisaient rien, il n'avait que des idées sombres. Il voyait en permanence la mort, qui lui demandait de la rejoindre, avec de plus en plus d'insistance au cours du temps. Puis il y a une semaine, il a craqué. Il n'en pouvait plus de cet appel, cette attirance pour la mort, et il céda. Il avait planifié d'être là, aujourd'hui, et de franchir cette barrière pour en finir avec tout ses tourments. Le sol approche, il ferme les yeux. Il voit la mort, ouvrant en grand ses bras avec un sourire au coin des lèvres. Puis la chute stoppa net. Il remonte dans les airs, il hurle, puis retombe, de moins en moins vite et de moins en moins bas. Malgré le nom de "saut a l'élastique", il trouve que ça a plus l'air d'une corde, tellement la remontée fut brutale. Il avait décidé qu'il allait mourir, mais pas aujourd'hui. Il avait tenté la mort pour au final lui résister, et il avait gagné. Pour la première fois depuis 4 ans, là, suspendu dans le vide, il a decroché un sourire. Quand on se bat pour survivre, la facilité vous entraîne à suivre la volonté de la mort. Lui avait combattu la mort pour renouer avec la vie.