POV Seng 1

257 27 4
                                    


Ne suit pas directement les chapitres qui le précèdent, et spoile.


Seng passe un dernier coup de brosse dans ses cheveux mi-longs, qu'il laisse ensuite couler le long de sa nuque et de ses épaules. Il s'observe dans le miroir, traque les éventuelles imperfections de sa peau, puis sort enfin de la salle de bain. Il trouve derrière la porte Ki-tae, qui attend les bras croisés et les lèvres déformées par une petite moue agacée. Seng s'excuse d'un sourire, que le visual d'Only&Once balaye d'un roulement d'yeux blasé.
— On est six, je te rappelle, donc c'est cool de ne pas squatter la salle de bain pendant des heures.
— Désolé, je ne pensais pas que...

La porte claque devant son nez, et Seng soupire. Il n'a pourtant pas l'impression d'avoir mis plus de temps que d'habitude, mais le groupe revient d'une épuisante journée sur des plateaux de télévision à l'occasion de la sortie de leur premier EP officiel. Ki-tae s'est un peu emmêlé les pinceaux lors d'une chorégraphie et, une fois en coulisses, Manager Soo n'a pas manqué de lui faire savoir son mécontentement. Depuis, le jeune homme demeure sombre, et son premier réflexe est, comme toujours, de s'en prendre au premier venu — minus Luka, qu'il craint malgré son éternel côté bravache. Seng ne lui en veut pas, car il sait que leur situation est précaire à tous les niveaux. Les méthodes de l'agence ne tolèrent pas les erreurs, surtout les plus grossières, et c'est avec la sensation d'être sur un siège facilement éjectable qu'ils se lèvent tous les matins.

Seng passe dire bonne nuit à Luka, assis en tailleur sur le lit qu'il partage avec Ki-tae dans la plus petite chambre de leur dortoir. L'Américano-coréen a son casque sur les oreilles, un carnet sur les cuisses, un stylo entre les doigts. Luka noircit des pages et des pages de paroles de chansons qu'il n'interprétera de toute façon jamais, car ils n'ont aucun pouvoir de décision, à peine celui d'ouvrir la bouche pour répondre aux questions qu'on leur pose. Seng sait que Luka est frustré, que le désenchantement est arrivé encore plus vite qu'il aurait pu l'anticiper. Le jeune homme est à l'étroit, mais prisonnier aussi, car partir veut dire emmener avec lui des dettes longues comme le bras, crouler sous l'échec et les regrets — de ne pas avoir réussi ou d'avoir d'abord accepté. Seng n'aime pas autant la musique que Luka, et le voir ainsi lui serre le cœur, mais le Laotien n'a pas les mots, même s'il cherche. Il lui demande souvent de lui montrer ses textes, le félicite, est admiratif aussi, car Luka a du talent — mais pas au bon moment, ni au bon endroit.

L'Américano-coréen retire un des écouteurs et lève les yeux vers Seng, avant que ses lèvres ne s'ourlent en un très léger sourire.
— Bonne nuit aussi.
— Il n'y a plus personne à passer dans la salle de bain après Ki-tae, si jamais tu n'as pas encore eu le temps de prendre ta douche.
— Pas de souci, j'irai après lui. En espérant qu'il n'ait pas siphonné toute l'eau chaude. À demain.

Seng referme la porte derrière lui, puis pousse celle qui mène à sa propre chambre, partagée avec Kha, Kyu-won et Ha-yan. Les trois jeunes hommes sont déjà installés sur leur matelas respectif, tous posés en rang d'oignon sur le parquet. Leur leader, son téléphone à la main et un bandeau dans les cheveux, consulte les réseaux sociaux pour voir ce qui se dit après leur passage à la télévision. Kyu-won lit, ne lève les yeux que lorsqu'il sent un mouvement près de lui ; Seng lui adresse quelques signes en souriant pour lui demander si sa lecture lui plaît. Kyu-won se contente d'un hochement de tête pour ensuite se replonger dans son histoire, et Seng retrouve enfin son matelas, poussé entre celui de Kha et de Ha-yan.

Le Laotien ferme les yeux avec un soupir lorsque l'arrière de sa tête heurte son oreille, puis rouvre finalement les paupières et se hisse sur les coudes. Il se penche vers Ha-yan et murmure :
— Tu n'as pas besoin d'aller aux toilettes ?
— Non, non, ne t'inquiète pas. J'y suis allé tout à l'heure grâce à Kha.
En entendant son prénom, le Vietnamien relève les yeux, et Seng lui sourit.
— Ça raconte quoi, alors ?
— Pas mal de choses positives. Les fans ont adoré la performance et demandent à avoir très vite les dates de concert.
— Et des critiques ?
— Les mêmes que d'habitude. Cette fois, Ki-tae s'en prend un peu plus dans la figure.
— Manager Soo lui est tombé dessus lui aussi, remarque Ha-yan.

Seng enroule une mèche de cheveux autour de son index.
— C'est juste une petite erreur, qu'il a rattrapée hyper vite. Si la présentatrice ne l'avait pas fait remarquer, personne ne l'aurait vue.
— Oui, et ça n'enlève rien au reste, mais tu sais comment sont les anti-fans...
— J'espère que Ki-tae n'ira pas voir ses réseaux ce soir.
Kha hausse les épaules.
— Sans doute que non.
Seng s'assied finalement en tailleur et s'appuie contre son leader avant de passer les deux bras autour de lui et de poser son menton sur son épaule. Il braque ses yeux sur l'écran du smartphone et sourit en voyant une photographie de Ha-yan prise en pleine performance.
— Moi, je suis quand même content de ce qu'on a fait. Ce n'est pas grave si Ki-tae a fait une micro-erreur ; il était super aussi.

Kha se contente de tapoter la cuisse du Laotien. En tant que leader, il ne peut hélas se contenter de ce qu'ils ont fait, et le faux pas de leur visual lui est retombé dessus, car il est indirectement responsable. Le jeune homme a depuis l'habitude de se voir pointer du doigt dès que le moindre problème, même le plus infime, se fait jour. Ce sont parfois de véritables casse-têtes qui l'attendent, car Kha doit ménager à la fois ses camarades, qui lui sont parfois résistants à l'image de Luka, leur manager, qui ne laisse rien passer, les fans, promptes à s'inquiéter pour tout, et les anti-fans, qui sautent sur la plus petite occasion pour les dénigrer ou tenter de se débarraser d'eux. Kha repose finalement son téléphone et s'alanguit contre Seng.

— Je crois qu'on devrait aller dormir. Il est bientôt deux heures du matin.
Près d'eux, Han-yan acquiesce d'un vigoureux mouvement de la tête, pour ensuite étouffer un bâillement, comme une réponse mécanique à la remarque.
— Je vais aller dire bonne nuit à Ki-tae et Luka, dit néanmoins Kha.
— Tu parleras à Ki-tae demain ? demande Han-yan avec curiosité.
— Oui. Aujourd'hui... il n'aurait pas été très réceptif.
— C'est vrai. Dis-leur aussi bonne nuit de ma part !

Le Vietnamien s'arrache à contrecœur à l'étreinte de Seng, puis sort de la chambre. Le Laotien se met alors à genou et s'approche de Kyu-won afin de lui expliquer qu'il y aura bientôt extinction des feux. Il lui demande comme tous les soirs comment il va ou s'il a besoin de quelque chose. Kyu-won secoue la tête et repose son manga près de son oreiller. Seng s'exclame ensuite, tout en signant :
— Faites-moi penser demain à regarder pour acheter un petit truc à mon petit frère pour son anniversaire !
Kyu-won hoche la tête, mais ne va pas plus loin, fatigué. Ha-yan, par contre, ne peut s'empêcher de demander :
— Il va avoir quel âge ? Tu vas lui acheter quoi ?
— 15 ans ! Il faut que je trouve un truc pas trop cher, mais depuis quelque temps, il me parle très souvent d'un nouveau téléphone, alors peut-être que je vais lui en prendre un si j'en trouve dans mon budget !

Seng trouvera l'argent, en creusant un peu sa dette ou en mangeant un peu moins dans les jours à venir. Il n'a pas vu ses parents ou Kheo depuis des mois, leur a à peine parlé au téléphone. Il voudrait parfois les inviter lors de concerts, mais ni sa mère, ni son père, ni son frère, ne peuvent faire le déplacement. Seng pousse un soupir et tend machinalement la main pour prendre celle de Ha-yan.

Kha revient enfin et lance, en souriant et en signant :
— Luka et Ki-tae vous souhaitent bonne nuit aussi.
Seng se demande s'il faut le croire.

Leur leader reprend sa place dans son lit, près de lui. Bientôt, la lumière s'éteint, et le Laotien s'allonge lui aussi pour se rencogner dans le drap. Il lâche la main de Ha-yan, qui bascule vers Kyu-won, et se tourne sur le côté, vers Kha. C'est vers ce dernier qu'il glisse dans le sommeil, qu'il se décale sur son matelas.

Dans le silence de la chambre, quatre respirations respirent chacune à leur rythme et s'apaisent peu à peu. Dans à peine trois heures, sauf pour Ha-yan, ils devront se lever, continuer d'avancer, subir les remarques, les injures, les doutes, les coups.

Pour le moment, Seng clot juste les paupières, s'alanguit dans son lit, tend le bras derrière lui pour effleurer les doigts de Ha-yan, puis tâtonne devant lui pour trouver la main de Kha. Il a ensuite une pensée pour Kyu-won, trop loin pour qu'il puisse le toucher, pour Luka et Ki-tae.

Le sommeil le fauche en quelques minutes.

Vous avez atteint le dernier des chapitres publiés.

⏰ Dernière mise à jour : Nov 16, 2020 ⏰

Ajoutez cette histoire à votre Bibliothèque pour être informé des nouveaux chapitres !

Miroir sans tainOù les histoires vivent. Découvrez maintenant