1 - Perdue dans l'Abysse.

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      Trois heures du matin, trop tôt pour écrire, pourtant la lumière d'un écran s'allume. Elle est là, allongée sur son lit, contemplant les petites étoiles collées sur son plafond. Son ordinateur toujours près de son corps frêle. Elle est là, allongée sur son lit, contemplant son existence. Il est quatre heure, elle rouvre doucement ses yeux qui s'étaient clos sans qu'elle ne s'en aperçoive. La lumière de son ordinateur s'est éteinte, il ne reste plus rien. Plus de lumière, plus de bruit, plus rien, rien d'autre que le silence de sa vie. Elle est là, allongée sur son lit, contemplant silencieusement le vide de son existence. Sa solitude la consume depuis des mois maintenant, mais ça commence à se voir. Les autres le lui disent, qu'elle a l'air vide, qu'elle a l'air morte. La lumière dans ses yeux s'est éteinte, la solitude l'a emprisonnée dans un monde froid et invisible. Elle est devenue invisible, ou bien, est-ce les autres qui sont devenus sourds ? Elle hurle silencieusement toute sa détresse, mais personne ne l'entend, personne ne se rend compte des tourments qui l'habitent. Plus le temps passe et plus elle sombre. Elle sombre. Sombre.

      Les paupières closes, elle se remémore cette année qui s'est écoulée, ce qu'elle a perdue, ce qui s'est effondré. Elle revoit le cours de sa vie, ce qui l'a fait rire, ce qui l'a fait pleurer. Elle se souvient de ces moments passés avec eux, avant la tragédie. Elle se souvient des mots qu'on lui a dit quand elle était en train de les perdre. Elle entend sa voix, son rire. Elle est partie heureuse. Elle se souvient aussi de sa voix à lui. De cette inquiétude quand il a compris qu'il ne verrait plus le soleil se lever. À quoi pensait-il à ce moment-là ? Vers qui s'est tourné sa dernière pensée ? Elle le sait pourtant, qu'elle n'aurait rien pu faire, qu'elle ne peut rien y changer. Elle le sait oui, mais elle en souffre. Cette douleur est si insupportable, ineffaçable, inarrêtable. Comment vivre avec ? Doit-elle vraiment vivre avec ? Cette pensée la terrifie... Et si elle n'y arrivait pas ? Si elle devait passer le reste de son existence à y repenser, à revoir cet accident, encore et encore et encore. Elle sombrait un peu plus, plus loin, toujours plus loin, sans savoir si elle pourrait y échapper. Comment échapper à ses propres pensées ? Comment tromper sa solitude ? Elle est là, allongée sur son lit, contemplant ses propres réflexions.

      Cinq heures. Le temps s'écoule inexorablement. Elle ne sait pas comment s'enfuir de cette maison vide et silencieuse. Elle pourrait partir, tout quitter, tout plaquer, tout lâcher... Lâcher quoi ? Elle n'a plus rien. Des mois qu'elle est dans cet état, et les gens s'en rendent à peine compte. Des mois qu'elle les revoit, qu'elle entend leur voix... Mais ils ne sont plus là. Ils ne pourront plus jamais la réconforter, la prendre dans leurs bras. Fini les soirées dans le canapé à regarder la télé, avec un bon chocolat chaud. Fini les jeux de société où elle gagnait toujours. Fini les étés à la campagne, assise dans le jardin un livre à la main. Fini leurs sourires. Fini.

      Six heures du matin, la nuit est encore présente. Le froid s'installe dans cette chambre presque vide. Elle est là, allongée sur son lit, contemplant son infinie tristesse. Des larmes perlent sur son visage pâle. Que doit-elle faire ? Que doit-elle penser de tout ça ? Est-ce ainsi que la vie se passe ? Elle était belle sa vie, remplie d'amour, de tendresse, de chamailleries, de journées à cuisiner avec elle. Elles l'attendaient lui, elles attendaient qu'il rentre du travail, qu'il pose son chapeau, retire son manteau, et les prenne dans ses bras. Il était le roi des chocolats chauds à la guimauve. Elle était la reine des cookies trop cuits. Mais c'était quand même les meilleurs cookies, parce qu'ils étaient emplis d'amour. Où trouvera-t-elle à nouveau ce genre d'amour ? Où pourra-t-elle se réfugier, se sentir chez elle, aimée et choyée ? Elle n'a personne, elle n'a plus personne... Ils sont partis, et c'est fini.

      Personne ne lui demande comment elle se sent, si elle arrive à le supporter. Alors parfois, elle se demande ce qu'elle aurait fait s'ils n'étaient pas partis. Qui elle serait, qui elle voudrait être. Elle se demande quels seraient ses rêves. Aurait-elle des rêves ? Avant, elle rêvait tout le temps, elle souriait à s'en décrocher la mâchoire. C'était un de ces rayons de soleil qui vous donne la pêche rien qu'en la regardant. Mais aujourd'hui, aujourd'hui elle ne sourit plus, elle ne peut plus... Comment le pourrait-elle ? Elle est dans un monde empli d'une foule qui ne la comprend pas... Alors elle se surprend à rêver un peu plus, à rêver de qui elle voudrait être. Elle rêve de la vie qu'elle voudrait mener. Elle rêve de comment elle pourrait devenir celle qu'elle serait capable d'être si... Si le monde était vide, si sa solitude ne lui était pas propre. Si seulement les autres pouvaient tous disparaître... Alors elle pourrait peut-être se sentir mieux, elle pourrait peut-être ne plus ressentir cette solitude qui l'accable chaque seconde. Alors elle imagine un monde sans personne, un monde qui n'appartiendrait qu'à elle, un monde où elle pourrait faire vivre ses souvenirs d'eux. Plus le temps passe, et plus elle sombre dans cette pensée. Elle sombre. Et elle ne s'en éveillera peut-être jamais. Elle ne peut pas le faire seule, mais elle n'a personne, personne pour l'aider, personne pour l'écouter, personne pour la laisser pleurer.

      Sept heures. La nuit est train de s'achever. Bientôt, les premiers rayons de soleil vont poindre. Elle est là, allongée sur son lit, contemplant ce monde qui bientôt, ne sera plus le sien. Oui, elle a décidé, elle s'est convaincue, que ce monde n'était pas pour elle. Elle n'a plus rien, ils ne sont plus là. Elle s'est battue si longtemps, mais elle n'y arrive plus. Elle se noie dans ce torrent de larmes. Elle se noie dans ses souvenirs. Elle se noie et s'enfonce dans les abysses. Non, elle ne peut plus, pas toute seule. Alors elle abandonne. Quand la lumière du jour sera là, elle arrêtera tout. Elle mettra fin à ces mois de souffrances, à ces mois de calvaire. Elle pourra à nouveau respirer. Plus que quelques instants à attendre. Juste quelques petites minutes. Un peu, juste un peu. Alors elle se relève, s'asseyant sur son lit pour contempler son dernier lever de soleil. C'est alors que la lumière envahit la pièce. Mais ce n'est pas la lumière qu'elle attendait. Celle-ci est plus vive, trop vive. Une lumière d'un blanc si fort que ça lui en donne mal à tête. Alors se retourne pour voir ce qui essaie de la priver de son dernier moment. Surprise, elle voit que l'écran de son ordinateur s'est allumé lorsqu'elle s'est relevée. Posant sa main dessus, elle s'apprête à le refermer lorsqu'elle se rend compte que quelque chose cloche. Pourquoi et comment ? Un message sur sa messagerie instantanée. Pourquoi, qui et comment ? Alors elle l'ouvre, un nom apparaît « Lukas ». Elle l'avait vu quelques fois, mais ne lui avait jamais parlé. Pourquoi ? Pourquoi lui envoyait-il un message maintenant !? Non, ça ne signifie rien, elle a pris sa décision. Elle se retourne, s'avançant vers sa fenêtre. C'est bientôt l'heure. Son dernier lever de soleil, pour eux qui ne pourront plus jamais en voir. Le dernier à voir avant de ne plus rien voir. Le dernier... Pourtant, son cœur bat la chamade et un flot de questions tournoie dans sa tête. Elle se jette sur son lit, attrape précipitamment cet ordinateur dont elle n'a pu se résoudre à couper la lumière. Elle appuie sur le nom de ce garçon qu'elle ne connaissait pourtant pas, et lit ce dernier message qu'elle recevrait. Elle le lit et... et... et... des larmes roulent sur ses joues. Sur cet ordinateur, se trouvait un message, un message qu'elle n'attendait plus... « Salut Maryse, comment tu vas ? ».

Un grain d'espoir dans les ténèbresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant