cette fic se situe entre le temps de tournage de la vidéo sur la SNCF et celle de Noël, donc bien avant les événements racontés dans une autre de mes fics, la Dette.
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Interstice : n. m., (du bas latin interstitum, de interstare, se trouver entre) 1. Petit espace vide se trouvant entre les parties d'un tout
2. Là où ils existent ensemble.
Dans les virages, Jérémy s'accroche discrètement mais fermement à la portière, et dans les fins de montées, il sent son estomac décoller en même temps que la pauvre voiture. Les routes de Haute-Savoie, Julien les pratique comme des pistes de Formule 1. Jérémy sent la chair de poule parcourir ses bras à chaque voiture qu'ils croisent. C'est pile ou face. Est-ce qu'on va perdre un rétroviseur ? Un bras ? Un permis de conduire ?
Julien conduit comme il vit : vite, sans considération pour les autres, pour lui-même, brutalement. Aucune douceur dans ses coups de volant, dans ses gestes. Jérémy s'accroche.
"On était pas censés profiter du paysage ?"
Julien ne l'honore même pas d'une réponse. Il profite de la vitesse, du danger, du frisson que ça lui donne, de l'air frais qui s'engouffre dans l'habitacle et couvre la voix nasillarde de Jérémy. Il maîtrise tout ça, bizarrement ; c'est comme monter un animal fougueux et arriver à le contrôler. C'est stimulant, exaltant. Ça lui donne l'impression d'exister, pour une fois. Il n'attend pas de Jérémy qu'il comprenne, juste qu'il se taise. Qu'il lui laisse ça.
Il est blanc comme neige, s'il ose dégueuler dans sa caisse, Julien ne lui pardonnera jamais. Il ralentit instinctivement, et un rictus vient agrémenter son visage lorsqu'il entend le soupir de soulagement à sa droite. Chochotte.
Jérémy a repris des couleurs grâce au café que Julien lui paie lorsqu'il arrive au refuge. C'est une sorte d'excuse sans les mots. Jérémy l'accepte de bon cœur.
"On est pas bien, là ?"
Il a presque l'air ivre, ivre non pas d'alcool mais d'altitude, il est toujours comme ça, un grand gamin quand Julien l'emmène en montagne. Toujours à déclamer son amour pour la vue, toujours à dire "on est pas bien, là ?". Et toujours Julien rétorque :
"Ouais, on est pas mal, là."
Normalement, ça énerve Jérémy, il renchérit en demandant ce qu'il considère "bien" si ça c'est juste "pas mal", mais pas aujourd'hui. Non, aujourd'hui Jérémy s'enfonce un peu plus dans sa parka vert pastel et sourit de plus belle, les joues un peu rougies par le froid. C'est ça qui lui donne l'air ivre, la joie tranquille d'un petit garçon dans le corps d'un adulte barbu.
"On pourrait rester là, et fuck la vidéo, non ?"
Non. On peut pas.
"Ouais, et camper dans les montagnes ça a toujours été ton rêve, pas vrai Jérém' ?"
L'autre éclate de rire ; décidément il est de bonne humeur. Les piques de Julien ne le mettent même pas en rogne.
"Imagine comme on aurait l'air cons ! Ça me rappelle la classe verte, tu sais, en CM1 ?"
Julien n'a pas besoin de plus, il pouffe de rire et s'étouffe presque sur sa clope.
"Le coup de la grenouille dans la tente ! Quel génie, vraiment, ce petit Avril !"
"Mais non, c'était ton idée !" Jérémy s'esclaffe, maintenant la tasse pour que le café ne lui gicle pas sur les doigts. "Le pauvre Kevin, il a jamais su que c'était nous !"
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Dans l'interstice
FanfictionIls existent tous les deux en marge, dans l'interstice. Leur relation n'occupera jamais l'espace entier, Jérémy s'en est aperçu à regret. Elle n'existe que dans l'interstice de la porte entrouverte de la chambre, de deux bouches à deux doigts de s'e...