La porte de la voiture claque. Le véhicule s'éloigne, me laissant seule devant le grand portail noir hérissé de pointes de ce qu'allait être ma nouvelle maison. Ma nouvelle école. Derrière cette porte de fer noir, un édifice du dix-septième siècle se dresse fièrement sur ses fondations. Les jardins à la française s'étalent tout autour du château il n'y a pas un chat à l'horizon. Je suis seule. J'inspire un grand coup avant de faire un pas vers le portail. Puis un autre. Et encore un autre. En une dizaines d'enjambées, je me trouve devant la grande porte et la pousse doucement. Elle émet un petit grincement qui résonne dans tout le domaine. Je m'engage sur la grande allée de graviers qui mène au bâtiment et un rien de temps, je gravis les marches du perron. Je passe l'arche médiévale qui indique l'ancienneté du château pour déboucher dans une grande cour entièrement vide. D'un pas mal assuré, je m'avance vers la lourde porte de chêne devant moi. Je me saisis du heurtoir et claque trois coups contre le bois. Une minute plus tard, un homme d'une soixantaine d'années vient me chercher. Il me dit de me suivre, ce que je fais sans rouspéter. Il m'entraîne à travers un dédale de couloirs tous interminables avant de s'arrêter devant une belle porte de pois verni, couleur acajou. L'homme toque et une voix de femme sévère répond :
- Entrez.
L'homme se déplace pour me laisser passer et je rentre à l'intérieur de la pièce. À première vue, c'est un bureau. Un très beau bureau. Les murs sont recouverts de boiseries, le parquet brille, les meubles sont d'un bois magnifique. Mes yeux croisent le regard acier d'une femme assise derrière un large bureau. Elle porte des lunettes cerclées de fer et ses cheveux grisonnants sont tirés dans un chignon impeccable. Ses lèvres pincées s'étirent en un mince sourire, m'invitant à m'asseoir. Elle me désigne un des sièges de cuir et, sans plus attendre, je m'assieds. Elle sort un dossier d'un tiroir et l'ouvre à le première page.
- Mademoiselle Mercier, bienvenue.
Je lui adresse un petit signe de la tête et croise discrètement mes mains sous la table.
- Je suis très heureuse de vous accueillir dans notre établissement et je me nomme madame Lefèvre. Monsieur Martin va vous conduire à votre chambre et vous faire visiter le bâtiment. Les autres élèves sont en sortie scolaire pour leur dernier jour de vacances. Ils reviendront à l'heure du dîner qui sera indiquée par une sonnerie. Je pense que c'est tout pour aujourd'hui. Vous avez des questions ?
Je lui fais non de la tête.
- Très bien, vous pouvez disposer.
Je me lève et attrapa mon petit sac-à-dos. Je me dirige vers la porte quand soudain, une question me vient. Je me retourne et lis de l'étonnement dans les yeux de la directrice.
- Madame, pourquoi les élèves passent-ils leurs vacances ici ?
- Ils ne les passent pas ici mais, ils rentrent toujours une semaine avant pour tout réorganiser. L'équipe enseignante organise alors toutes sortes d'activités pour les occuper.
J'hoche la tête et tourne les talons. Je me saisis de la poignée et la tourne pour ouvrir la porte. L'homme qui doit-être monsieur Martin est toujours là et m'attends. Il me fait signe de le suivre et l'on s'engage à nouveau dans des dizaines de couloirs pour arriver devant une magnifique escalier de bois poli. Je reste bouche-bée devant tant de splendeur. L'endroit où je vais faire mes études et sublime. Je suis sans voix. Mais, monsieur Martin me tire de ma rêverie en m'appelant par la première fois par mon nom. Je cligne des yeux et m'excuse en vitesse avant d'accélérer le pas pour arriver à sa hauteur. Arrivés à l'étage, il tourne à droite et nous débouchons sur un grand couloir bordés de centaines de porte brunes. Un tapis rouge est déroulé sur le long du couloir, donnant un aspect chaleureux aux lieux. Monsieur Martin s'engage dans le corridor et s'arrête devant une des nombreuses portes. Sur une petite plaque de cuivre fixée au bois, mon nom est gravé. Les doigts légèrement tremblants, je pose ma main sur la poignée et ouvre. Une petite chambre s'offre à mes yeux. Un lit recouvert de draps blancs est placé contre le mur, une petite armoire me fait face et un grand bureau s'étire sur toute la longueur d'un mur. Je souffle un « merci » à l'homme et ce dernier s'en va. Je suis de nouveau seule. Je ferme la porte et m'assois sur le lit. À travers les portes transparentes de l'armoire, je vois que mes vêtements sont déjà rangés. L'horloge accrochée au mur indique qu'il est déjà dix-heures trente. Dans une demi-heure, les élèves rentreront et le dîner sera servi. Je décide de me changer et jette un coup d'œil à mon reflet dans le miroir. Mes cheveux roux tombent en dégradé de boucles indomptables jusqu'au-dessus de mes reins et ma frange n'est pas emmêlée. Je décide de mettre un petit peu de mascara pour faire ressortir mes yeux verts. Voilà, je suis prête. Je balaye la pièce du regard et ce dernier tombe sur un combiné posé sur une petite commode. Je m'en approche et compose le numéro voulu. Je patiente. Enfin, une voix bien connue résonne au bout du fil.
- Allô ?
- Cath ! Comment vas-tu ? je demande à ma meilleure amie.
- C'est plutôt à toi que je devrai le demander. C'est comment là-bas ?
- Différent. Des arbres, des arbres et encore des arbres. Ça change de notre capitale, dis-je avec un sourire. Sinon, le bâtiment est superbe !
- Aahh. Bon, c'est bien alors.
J'allai répondre quand des exclamations et des bruits de pas résonnent dans l'escalier.
- Je dois te laisser, bisous ! dis-je avant de raccrocher.
Maintenant, les voix me parviennent distinctement. J'entends une fille parler d'une voix haute perchée, un garçon rire d'un rire tonitruant, ... Je me lève doucement et lisse mes vêtements du plat de ma main. J'ouvre discrètement la porte et passe ma tête à l'extérieur. Une foule d'élèves bavarde gaiement en attendant le dîner.
Mes yeux tombent sur une jeune fille au milieu d'un groupe qui parle assez fort. Elle est grande et très mince. Ses longs cheveux blonds cendrés et lisses lui tombent jusqu'au creux du dos et son regard bleu et gris est d'une profondeur magnifique. Sa bouche pulpeuse maquillée de couleur naturelle envoûte ceux à qui elle parle et ses longs cils noirs qui bordent ses yeux lui donnent un air de poupée de porcelaine. Je reste sans mots. Cette fille est tout simplement magnifique. Et pourtant, elle ne semble pas vraiment maquillée. Elle est juste belle au naturel.
Je détaille les personnes qui l'entoure et je remarque un garçon, légèrement en arrière. Il est un peu plus grand que les autres et je ne le vois pas très bien. Seuls ses yeux d'un bleu glacé et froids brillent dans la semi-obscurité où il se tient. Ce regard me coupe le souffle. Il est tellement tranchant et si beau et mystérieux en même temps. Je décide de reporter mon attention sur les autres pour me calmer. A côté de la jolie jeune fille, il y a une petite brune qui a l'air de s'être peinturluré le visage. Ce dernier est tellement enfoui sous de tonnes de maquillage que, si elle avait un soupçon de beauté, là, il n'est même plus visible. Ses cheveux ont l'air morts tellement elle a dû les boucler, les lisser, les friser,... aucun éclat n'en ressort et ils ressemblent un peu à du crin de cheval. Je n'ai pas le temps de continuer mon observation. Le regard gris de la jolie blonde se pose sur moi et me sonde de la tête au pied. Je me suis figée. J'ai l'impression de passer au rayon X et que ses yeux me transpercent. Après quelques seconde qui m'ont paru durer des heures, elle me lâche du regard et amorce un pas dans ma direction. La petite brune la suit, un sourire de façade idiot collé au visage. La blonde, elle, est absolument impassible. Seul un léger rictus est venu se loger sur ses jolies lèvres et, étrangement, je sens qu'il n'augure rien de bon.
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Never say Never - Tome 1 - Wait for me
Teen Fiction1972. Louise vient d'entrer dans un grand internat situé sur les bords de la Loire. Petite Parisienne, elle va d'abords susciter l'admiration de tous mais, le destin semble s'acharner sur elle. Apolline, "Madame Parfaite", a bien décidé de lui pourr...