Chapitre 7

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Le regard que Maria m'adresse à l'instant ou je pénètre dans cette pièce froide provoque instantanément l'émotion et je sens ma lèvre inférieure trembler de stress. Le flic présent dans la salle s'esquive pour nous laisser seules, et c'est en baissant les yeux que je m'installe sur la chaise face à elle. Les larmes me montent aux yeux. Il me faut quelques secondes avant d'arriver à la regarder.

- Inès, je suis tellement désolée pour Adam... dit-elle d'emblée en essayant de me prendre les mains avec les siennes, menottées.

J'ai d'abord un geste de recul, plus j'accepte le geste. Un flic nous rappelle à l'ordre au travers d'une enceinte accrochée au mur en dictant "pas de contact physique". Je relâche donc la brève étreinte de mon amie.

- Ce n'est pas moi, ajoute t'elle.

- Je sais, je réponds.

- Alors pourquoi on m'inflige tout ça ? dit-elle en se mettant à pleurer.

- Ils pensent que c'est Philippe.

- Philippe est à Singapour, je leur ai déjà dit.

Je marque un temps d'arrêt.

- Tu en es sûre ?

L'expression du visage de Maria se fige. Je la sens peinée que je doute d'elle.

- Pourquoi Philippe kidnapperai t'il ton fils Inès, pourquoi ? Nous sommes très heureux tous les deux, il ne fouterait pas tout en l'air !

- J'en sais rien. L'appât du gain, la tristesse, la vengeance... La police pense qu'il pourrait avoir des mobiles divers. Moi aussi je n'y crois pas. Mais je ne crois plus rien. On pense connaître les gens, et on découvre qu'ils sont capables des pires crasses. Jérémie, j'ai passé 8 ans de ma vie en couple avec lui et il n'a pas hésité une seconde avant de vendre des photos de moi nue à la presse, pour du fric ! Philippe, finalement, tu ne le connais pas depuis longtemps. Peut-être n'est-il pas l'homme que tu crois. Peut-être as t'il des problèmes d'argent j'en sais rien.

Maria est muette. Abasourdie.

- Tu me fais peur, Inès. Tout le monde n'est pas contre toi, tout le monde ne vit pas que pour ton couple avec Jamie. On a une vie nous aussi, c'est pas celle de célébrités comme vous mais elle nous convient ! s'énerve t'elle.

- Et tes fausses couches alors ? C'est ça une vie "heureuse"? je rétorque méchamment, me sentant vexée par sa réflexion.

- Ouah... Cet enlèvement te fait tomber bien bas.

Cette fois, c'est moi qui veut lui prendre les mains. Je m'effondre en pleurs.

- Excuse-moi, je sanglote. Je suis à bout. Ça fait des jours qu'on est sans nouvelles. On ne sait même pas s'il est encore en vie. J'ai tellement mal à l'intérieur que j'ai l'impression de mourir à chaque respiration.

- Inès... ma chérie, je, j'aimerai tellement t'aider. Je peux faire n'importe quoi, mais ici je suis impuissante. Ecoutes, je vais tenter de rappeler Philippe ce soir, avec le décalage horaire il devrait être réveillé et disponible. Et je vais collaborer avec la police. Je suis sûre qu'on va trouver qui a fait ça. Je suis sûre qu'on va trouver où est Adam.

- Merci, je réponds en essuyant mon nez coulant avec ma manche.

Nous nous relevons simultanément et nous prenons dans les bras, faisant phi du protocole. Après un énième rappel à l'ordre, le commissaire pénètre dans la pièce et me fait rapidement sortir.

- On est pas beaucoup plus avancés, me lance t'il d'un ton condescendant.

- Cherchez ailleurs, ce n'est pas elle, j'en suis sûre. Si c'est Philippe, elle n'est pas au courant.

Anders fait la moue. Il est moyennement convaincu.

- Je vous ramène chez vous, conclut'il en me poussant gentiment dans le couloir pour que j'avance devant lui.

Je sors du commissariat une dizaine de minutes plus tard, vidée. Après quelques bouffées d'air frais en cette journée grise et humide, je décide d'appeler Jamie avant de rentrer à la maison. Il faut que je lui explique les découvertes concernant Kate. C'est assez dingue de se dire que certaines personnes, mentalement dérangées, sont prêtes à aller aussi loin dans la manipulation pour arriver à leurs fins. Je dois avouer que son plan était vraiment bien ficelé : me faire croire qu'elle était notre voisine afin de pouvoir me croiser presque quotidiennement, me proposer de la compagnie car elle savait que j'étais seule pendant le tournage de Jamie, ensuite réussir à pénétrer chez nous grâce à son mensonge sur son métier de décoratrice d'intérieur. Comment ai-je pu passer à côté de cette caméra qu'elle a planqué dans notre chambre ? Et puis cela veut dire qu'elle a assisté à des moments d'intimité entre moi et Jamie, donc qu'elle pourrait revendre ou diffuser des sortes de "sextape" ? J'espère qu'elle sera emprisonnée pour ce qu'elle nous a fait.

Sans cet enlèvement cette comédie aurait pu durer encore un long moment. Elle était devenue une proche, une amie. Elle aurait sans doute pris tout son temps pour resserrer ses sales pattes sur Jamie, attendant le bon moment, après une dispute ou dans un moment de faiblesse, pour lui sauter dessus. Bon dieu que j'ai été conne. Tout me revient en tête maintenant : le massage, les tenues vestimentaires... Rien n'était laissé au hasard, elle avait tout calculé. Est-ce que Jamie aurait craqué ? Difficile à dire maintenant que la supercherie est dévoilée, et j'ose espérer qu'il aurait eu la lucidité de voir dans son jeu.

- Allô Jamie ? C'est moi. Ça va ?

Nous nous racontons nos aventures respectives. Lui avec la banque, moi avec la police. Il tombe des nues lorsque je lui annonce pour Kate, mais n'est pas étonné d'avoir "encore" une fan harceleuse. Il m'explique que son agent s'occupe normalement de guetter toutes les hystériques qui s'approchent un peu trop de lui et de sa famille, notamment en faisant une surveillance accrue des réseaux sociaux, courriers et autres cadeaux que certaines peuvent envoyer. Du genre, des petites culottes.

Dégueulasse.

- Mais la police n'a aucun élément la reliant à l'enlèvement. Si c'est un complice, ils n'ont trouvé aucune correspondance.

- Donc on est toujours au point mort ? Ils n'ont plus de suspects ? demande Jamie inquiet.

- Philippe éventuellement, mais on sera vite fixé car Maria doit l'appeler d'ici une heure, et l'équipe d'Anders va faire suivre l'appel pour vérifier qu'il est bien à Singapour.

- Ça veut donc dire que demain, à midi, il faudra aller donner la rançon, souffle t'il.

- Je ne sais pas ce que je deviendrai Jamie si nous ne récupérons pas notre fils, vivant, dis-je la voix tremblante.

- On sera fixés demain chérie.

Oui. Demain.

Jamie 2 :(les aventures d'Inès et Jamie)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant